C’est la fin de semaine et tu cherches peut-être un bon skeud à te mettre sous la d(j)ent. Après tout, quoi de mieux que le week-end pour prendre le temps de découvrir quelque chose d’autre. Et l’avantage de cet article réside principalement ici. Je m’occupe de tout et te propose un pur petit bijou à écouter.
Disparity de Sarah Longfield sort le 30 novembre 2018 chez Season of Mist, label indépendant franco-américain originaire de Marseille. Ouais je sais, on est légèrement à la bourre niveau timing mais on s’en tape. Cet album dure un peu moins de 30 minutes (28:25 pour être archi précis), c’est court mais tu auras donc pleinement le temps de te le passer plusieurs fois et te laisser doucement emporter par la musique de Sarah. Car crois-moi, Disparity fait partie de ces albums que tu peux aisément écouter toute la journée sans te lasser une seconde.
Sarah Longfield a.k.a. « The 8-string Goddess » vient du Wisconsin et fait partie de cette jeune scène de jeunes musiciens über talentueux œuvrant dans un metal moderne et technique : le djent. En gros, c’est un sous-genre de la musique progressive inspiré par des groupes comme Meshuggah si on ne devait retenir qu’un nom. Et comme l’influence du groupe suédois est tout de même assez colossale – à l’image de leur musique d’ailleurs – vu la qualité constante de ce qu’ils nous proposent depuis presque 30 ans maintenant, et bien il y a eu une flopée de formations bien différentes qui se sont engouffrées dans les méandres de la musique progressive estampillée « métale » avec pour principaux attributs des compositions et des structures chiadées.
Pour info, elle fait tout de même partie du World’s 15 Greatest 7 & 8-string guitarists du magazine Guitar World de 2018. Ce n’est pas rien.
Il est possible que tu connaisses déjà Sarah Longfield par le biais de Youtube. Avec d’autres de la scène, parmi lesquels Jared Dines ou bien Rob Scallon avec qui elle a déjà plusieurs fois collaboré, elle pille et retourne le metal game en digne master shredder qu’elle est avec des vidéos du genre reprendre Slayer au ukulélé ou nous claquer une reprise de « Bleed » de Meshuggah pas piquée des vers. Cette scène de « djenteux » finit d’ailleurs souvent au sein de formations deathcore technique ou comme Sarah, dans des projets influencés djent – façon Animals – avec des compos modernes et structurellement barrées.
Donc oui c’est une prodige et elle nous le fait bien savoir pour notre plus grand plaisir je dois dire. Et quand je dis master shredder, je ne parle pas du chef du Clan des Foot même si j’avoue qu’une vidéo de Sarah Longfield grimée en Shredder en train de shred, ça serait des plus sympathiques !
Alors Disparity n’est pas le premier album de Longfield car il y a eu avant, pour ne pas tous les citer, un EP en 2011 appelé Zeal qui a par ailleurs connu un très bon succès critique. Puis l’année suivante sort Par Avion, autre EP. Et c’est en 2017 que sort le véritable premier album, Collapse – Expand. Tout est auto-produit. Ce qui fait de Disparity le premier album sorti chez un label.
Elle a également eu un groupe, The Fine Constant qui a sorti deux albums d’un djent vraiment original et hyper chill : Myriad en 2012 et Woven In Light en 2015.
Déjà, prenons cinq secondes sur la pochette. Personnellement, je la trouve magnifique et si jamais tu décides d’écouter l’album, tu verras que ce qui est représenté avec l’artwork colle plutôt bien avec la musique de Sarah : quelque chose de coloré, d’harmonieux, sorte d’artefact solaire un peu étrange, peut-être même de provenance extraterrestre, amenant avec lui une douceur et une puissante énergie positive très communicative.
La principale influence présente sur cet album reste, pour moi, le groupe Animals As Leaders – dont je te conseille vivement le premier album éponyme tant c’est tout simplement du génie – même si Sarah Longfield sort une œuvre ne reflétant aucun genre musical en particulier et c’est là tout l’attrait et l’intérêt de Disparity en réalité. Du coup, je me dis « mais quel bon choix de titre d’album en fait ! ». Cela nous montre, sans être dans une pure démonstration de « regardez comme je me pignole ! », l’envergure du talent de Sarah Longfield. C’est technique et super maîtrisé de bout en bout mais pas chiant pour autant.
Évidemment on sent les influences (metal djent…) ainsi que la scène dont elle fait partie et avec laquelle elle a progressivement émergé pour maintenant accoucher d’une œuvre hybride. Dans le sens où c’est virtuose, certes, le niveau technique est incroyable mais ça reste la diversité amenée par le travail de composition qui fait de Disparity un excellent album. Il faut savoir qu’elle a tout écrit, composé et joué toute seule vu qu’en plus de gérer sa race à la guitare, elle joue aussi du piano – comme c’est le cas dans le morceau « Intro » – et du violon. C’est prog, c’est jazzy, il y a de pures mélodies et tout ça donne vraiment quelque chose de super aérien et léger. C’est d’autant plus fort quand on sait qu’elle vient d’une scène où on privilégie la démonstration pure de skills en matière de jeu de guitare et où certains musiciens renouent avec la fâcheuse habitude du rock des années 70 et ses fameuses pistes instrumentales de 27 minutes minimum. Je ne sais pas si on peut vraiment labelliser un tel album mais je pense que le terme « fusion » se prête plutôt bien pour qualifier un tel objet comme Disparity avec, par exemple, le morceau « Cataclysm » et l’utilisation de synthés – avec je trouve, du coup, un petit côté synthwave bien senti – ou bien « The Fall » qui vient conclure l’album où on peut sentir l’influence de Steve Vai, sans nul doute un des plus grands guitar heroes qui ait foulé la Terre. Mais aussi le morceau « Departure » qui renvoie à tout ce qui fait l’essence de la musique asiatique avec le chant de Sarah qui vient sublimer tout ça.
Avec la sortie de cet album, on peut maintenant comprendre et analyser l’influence que Sarah Longfield a eu sur son précédent groupe The Fine Constant – étant donné que maintenant elle se concentre sur sa carrière solo – et son djent si original et inventif. On retrouve en effet les mêmes gimmicks sur Disparity. Il y a par certains côtés un aspect un peu math rock avec une expérimentation maîtrisée au niveau du riffing et des mélodies et une complexité rythmique, là aussi, caractéristique de la musique progressive.
Au final, il ressort à l’écoute de Disparity une musique très atmosphérique, clairement orientée vers l’instrumental même si les rares interventions vocales dont fait preuve Sarah Longfield viennent merveilleusement bien complétées chaque morceau. Elle a une voix absolument magnifique et cette dernière s’accorde tellement bien avec la musique qu’elle compose. On est sur quelque chose de symbiotique. Il n’y a qu’à écouter un morceau comme « Embracing Solace » pour s’en rendre compte. Pour le coup là, on retrouve bien l’aspect solaire de sa musique qu’on a pu justement déjà apercevoir à travers son artwork.
Perso, depuis que je connais cet album, il n’y a pas un jour qui passe sans qu’il m’accompagne au quotidien. Sarah Longfield, très modestement, s’impose, selon moi, comme le renouveau de la musique instrumentale technique. Même si elle chante par moment, on s’aperçoit bien qu’il y a une importance toute particulière accordée à la composition de chacun des morceaux et que l’aspect instrumental de sa musique ainsi que l’expérimentation et la recherche de mélodies et de patterns prédomine sur le reste. Puissant.