La canicule n’a pas encore frappé cette édition, et il fait même un peu frais en haut des gradins. Pourtant, il faut se frayer un passage tant le théâtre antique est comble. On sait d’office que la soirée sera belle en jetant un simple coup d’œil à l’affiche. Pas besoin de se mouiller la nuque, on s’y jette bien volontiers.
Celebrating Prince feat. former members of the NPG : hommage au Roi
C’est dans un théâtre antique archi plein que les membres du légendaire New Power Generation débarquent sur la scène de Jazz à Vienne. Et il ne faut que quelques instants pour que le public se prête au jeu, retrouvant les plus grands titres de Prince par ceux qui l’ont accompagné.
« Kiss », « Diamonds And Pearls », « Let’s Go Crazy », « Cream », « Sexy MF », « Sign Of The Times », « Pop Life », « 1999, « Gett Off »… On est rapidement conquis par cet ensemble dans lequel on retrouve le claviériste et directeur musical Morris Hayes, qui détient le record de longévité au côté de Prince, l’inimitable MC Tony Mosley, le talentueux bassiste Sonny Thompson et le virtuose guitariste Mike Scott.
Alors, le groupe nous sert un groove explosif, avec une pulsation agressive basse batterie qui déblaie la voie à un jazz fusion puissant. Très vite, on se laisse aller et on se déhanche.
Puis le calme revient et on apprécie le slow le plus célèbre de Prince : « Purple Rain ». On a les frissons tant l’interprétation du jeune Mackenzie est poignante. Et le public entonne cet hymne tandis que le crépuscule tombe, sacralisant encore davantage cette atmosphère mystique. La guitare s’emballe dans un solo épatant de pureté et la magie opère. Dans les gradins du théâtre antique, on profite de cette soirée époustouflante.
Un hommage poignant
Prince était un maître incontesté du funk. La recette de son succès : des lignes de basse percutantes, des rythmes syncopés et des groove entraînants. Sur la scène de Jazz à Vienne ce soir, les performances du New Power Generation restent fidèles à ces préceptes, avec des sections rythmiques serrées et des riffs de guitare accrocheurs. Par ailleurs, on retrouve les multiples influences qui ont fait de Prince un musicien de génie : les solos de guitare électrisants et la robustesse du rock, les mélodies mythiques de la pop, la richesse harmonique de la soul et du rythm & blues sans oublier les improvisations et les arrangements complexes, marqueurs du jazz. A sa façon, le natif de Minneapolis a fait sauter les barrières des esthétiques, s’imposant comme une véritable légende. Les membres du NPG sont dignes de cet héritage qu’ils continuent de faire vivre.
Car il faut bien reconnaître le souci de l’authenticité au NPG avec cette envie intacte et noble de rendre hommage à Prince en poursuivant son œuvre. Les chanteurs, en premier lieu Mackenzie, tentent de recréer la latitude vocale de leur ami, capable de passer de falsettos délicats à des basses profondes. A cela, il faut ajouter la virtuosité instrumentale, incarnée par les solos de guitare, ainsi que des sections de cuivres audacieuses, le tout sur une rythmique solide. A la manière de Prince, réputé pour ses performances très énergiques, le groupe tente de maintenir cette même présence scénique dans un spectacle intense où il fait montre de générosité. Rien à dire, l’exécution est impeccable et dans ce show de plus d’une heure, c’est toute l’essence de cet héritage musical d’une grande richesse qui est célébrée.
Les plus anciens auront sans doute une pointe de nostalgie tant Prince reste parmi ces légendes de la musique mondiale, et les plus jeunes pourront apprécier cette fantastique alchimie qui agite un groove authentique, celui qui a été façonné par un roi.
Earth Wind & Fire Experience by Al McKay : le groove à ses sommets
Les 14 musiciens de Earth Wind & Fire Experience débarquent sur scène et ouvrent le bal avec un funk influencé par les rythmes jazzy et le groove. S’ils ne peuvent pas revendiquer la filiation des Earth, Wind & Fire, l’authentique, les compères surfent clairement sur la même énergie et le même répertoire. Emmené par l’ancien guitariste de la formation originelle (comprenez « l’authentique »), Al McKay, l’ensemble qui prend place au théâtre antique connaît ses fondamentaux : cuivres opiniâtres, lignes de basse syncopées, section rythmique disciplinée, guitare funky et voix au timbre made in USA.
Il ne faut pas très longtemps avant que le style imprime. On reconnaît les principes rythmiques des Earth Wind & Fire, notamment cette complexité rythmique permise par les percussions. Ces polyrythmies abondent un groove funk qui séduit. Il n’y a pas à dire, le public est conquis. Et sur scène, les voix de Devere Duckett, Tim Owens et Claude Woods se partagent le lead avec des harmonies vocales complexes, jouant sur les octaves. Alors on apprécie cette tessiture de fausset épatante. De son côté, la section de cuivres propose des arrangements sophistiqués avec des contre-harmonies riches et audacieuses.
Soudain, le rythme se calme, l’ambiance redescend et on assiste à un dialogue entre le chant et le saxophone de Keith McKelley. Mais le calme ne dure jamais vraiment. Au retour de l’ensemble de cuivres sur scène, la batterie redécolle et alors le public s’enflamme.
Un répertoire qui groove fort
Plusieurs passages évoquent des rythmiques tantôt bossa, tantôt soul, blues voire disco. On reconnaît un répertoire qui a marqué toute une génération et qui, ce soir, embarque le public de Vienne avec lui. « Fantasy » fait chavirer les spectateurs. Les mains tapent, le public danse et crie, comme subjugué par un spectacle qui monte en intensité au fil de la soirée. Le show ressemble à un medley qui ne laisse aucun répit, avec une fluidité dans l’enchaînement qui a fait la réputation d’Earth, Wind & Fire (l’authentique, mais pas l’inimitable, vous l’aurez compris). On reconnaît des hymnes célèbres servis à un auditoire amateur et friand qui ne cache pas son plaisir comme « Got To Get You Into My Life » ou « In The Stone ».
Et puis une soirée au théâtre antique ne serait pas vraiment authentique sans sa dose de jazz. Au détour de plusieurs interprétations, on le retrouve alors dans des arrangements aux progressions d’accords complexes et aux improvisations typiques.
De ce concert détonnant ressort une énergie saisissante. Et c’est bien là que réside ce plaisir groovy adapté à tous les régimes et aux parfums indémodables. Les mains se lèvent et le public accompagne la fin du spectacle. « September » illumine le théâtre antique.
La clôture du concert approche, et au rappel, cette fois-ci c’est « Boogie Wonderland » et « Let’s Groove » qui sont interprétées pour enflammer une dernière fois le théâtre antique. Le meilleur pour la fin ?