Il y a des albums où le visuel seul te pousse à écouter de quoi il en retourne réellement. Et mine de rien, jusque là, je n’ai jamais été déçu. Dear Desolation, sorti en 2017, est le quatrième album studio des Australiens de Thy Art Is Murder.
Death(core) to all but TAIM
Chris « CJ » McMahon et sa clique reviennent deux années après leur Holy War pour accoucher d’une galette efficace comme never. Et c’est là tout ce qu’il faut retenir (ou presque) de leur musique. Thy Art Is Murder, depuis près de quinze ans maintenant, nous avoinent les esgourdes au moyen d’un bon gros deathcore réglé comme du papier à musique. Mais qu’est-ce que c’est encore que ce genre musical à la mords-moi-le-noeud ?
De manière très synthétique, parce qu’on est pas là non plus pour causer généalogie des heures durant, le deathcore est un sous-genre un peu bâtard, rejeton un poil mal aimé issu d’un croisement (voulu ?) entre les scènes death metal et punk hardcore. Ce qui donne donc deathcore. Pour le coup, les mecs ne se sont pas trop cassé la nénette pour le trouver celui-là.
Bon après, si on voulait faire les choses comme il faut – et ce n’est très clairement pas le genre de la maison – on devrait rappeler qu’au sein même du death et du hardcore, il y eut maintes évolutions ainsi qu’une différence de sonorité suivant si tu fais du death depuis les hauteurs enneigées de Suède ou bien depuis le soleil et la moiteur des Everglades en Floride. Tu n’as qu’à écouter Deicide et Nihilist pour t’en rendre compte. Et même histoire pour le hardcore. Le son et l’attitude des papas du genre que sont Black Flag, Bad Brains, Circle Jerks et consorts ne sont pas exactement semblables à ceux des groupes de la scène new-yorkaise ou du hardcore de la fin des années 90. Une musique ne peut être parfaitement statique. Elle se nourrit, digère, s’inspire des autres et, parfois, se laisse mourir tranquillement pour réapparaître quelques années plus tard ailleurs. Donc avant même que l’étiquette deathcore n’apparaisse de manière officielle au milieu des années 2000 – âge d’or du genre avec le tout début des années 2010 – il y a déjà eu des interactions entre death et hardcore, les deux scènes ayant pas mal de points communs, à savoir la violence.
Pendant extrême du metalcore*, le deathcore emprunte généralement le chant guttural du death traditionnel et les mosh parts du hardcore – le mosh désignant les gestes exécutés avec classe et finesse par les coreux pendant les concerts – où ça breakdown à tout va. Mais cela n’exclue en rien d’inclure d’autres influences. Le deathcore, comme chaque style musical, s’étant de plus en plus tourné vers l’expérimentation à l’aube des années 2010.
*Je te laisserai le soin de trouver d’où vient cette saloperie.
Et le truc avec le deathcore, c’est que bizarrement le style défonce tout à partir de 2005, ça se vend super bien, ça remplit des progs entières de festoches et (quasi) tout le monde s’engouffre dans la brèche et accueille les nouveaux premiers groupes avec enthousiasme et avec le recul, bien des années après l’âge d’or de la scène, la communauté « métale » chie dessus allégrement, limite avec le même enthousiasme. J’avoue ne pas trop comprendre. Alors tentons d’analyser tout ça ensemble.
Avant cela, le dernier gros sous-genre du metal qui ait eu de l’importance, amenant avec lui toute une sous-culture (ce n’est pas une critique) et une cohorte de groupes ayant marqué les esprits reste le nu metal ou neo metal. Le point de départ de ce style étant l’album éponyme de Korn sorti en 1994. Puis, le neo s’est gentiment laissé mourir au début des années 2000 – faute d’innovations ? – en se dissolvant dans le metal game. Si bien que l’on retrouve encore aujourd’hui certains de ses éléments dans des formations actuelles comme par exemple dans le Errorzone de Vein sorti en 2018.
Enfin, assumons le cinq minutes, pas de honte avec ça surtout, mais il y avait quand même des trucs vraiment cool dans le neo, genre le premier album de Drowning Pool sorti en 2001, Sinner, avec Dave Williams au chant.
Sauf que quand la scène représentée par les rastas blancs en baggy avec piercing à l’arcade se casse la gueule, qui est là pour reprendre le flambeau ? Quel sous-genre nouveau dans la musique extrême va émerger, foutre une branlée à tout le monde, faire des milliers d’adeptes et lancer des centaines de groupes/copies conformes ? Le deathcore.
Et non, ne venez pas faire chier avec le metalcore, je ne veux pas en entendre parler. C’est bien le deathcore qui a suscité l’engouement de toute une génération de metaheads avides de violence, d’écarteurs, de t-shirts de groupe à 40 balles, de tatouages old school et de fashionistas. Mais ne repartons pas non plus dans le délit de sale gueule dont a été victime le deathcore injustement. Après tout c’est de la musique dont il est question ici. On est pas sur insta.
Et c’est ça qui pose problème encore aujourd’hui. L’image qu’a donné le deathcore au metal. Et « accessoirement » la redondance systémique des groupes de la scène. C’est simple, pour cent groupes, tu en avais en moyenne deux qui valaient vraiment le détour. Et Thy Art Is Murder était de ceux-là.
From Blacktown
Sans retracer toute l’histoire du groupe, il est donc tout de même important de rappeler que Thy Art Is Murder est sûrement une des formations deathcore les plus populaires. Et ce, encore aujourd’hui. Les gars sont de Blacktown à côté de Sidney et ils sont talentueux. Grosse réputation de briseurs de vertèbres à la chaîne depuis 2006.
Sans pour autant avoir accroché ardemment au style, je dois bien reconnaître qu’à partir du moment où tu t’es un tant soit peu intéressé aux musiques extrêmes dans les années 2010, Thy Art est un nom qui revient souvent. Et quand je te parlais un peu plus haut de visuel, de pochettes d’albums, eh bien, comment dire… celle de Dear Desolation est magnifique. Indubitablement quelque chose qui attire l’œil et titille la curiosité au milieu des autres centaines de visuels qui sortent chaque année. Ouais, quand le truc sort en août 2017, j’avoue que l’artwork d’Eliran Kantor ne m’a pas laissé indifférent et m’a poussé à tendre l’oreille.
Déjà, le choix du visuel est rarement anodin quand il s’agit de musique. Prenons comme exemple deux albums cultes.
On est d’accord qu’on arrive assez souvent à se faire une petite idée de ce que l’on va écouter non ?
Et quand on voit celui de Dear Desolation, on se plaît à penser devenir cet agneau se jetant innocemment dans la gueule du grand méchant loup. S’abreuver, se nourrir directement à la source. Cette dernière étant un canidé aux mensurations dantesques et à l’allure cauchemardesque. Ça a de la gueule. Enfin moi, ça me donne envie d’écouter.
Alors ?