La deuxième guerre médique

Souvenez-vous, c’est en -490 que nous avions laissé nos amis grecs d’Athènes sur leur éclatante victoire à Marathon. C’est désormais en -480 que nous nous trouvons. Que s’est-il passé entre temps ? Xerxès Ier est désormais le roi de Perse. Il prend la succession de son père -485 et se lance dès le début dans la préparation de la vengeance de son père. Une préparation qui durera près de quatre années et durant laquelle il est conseillé par un ancien roi spartiate déchu : Démarate.

Représentation en bas-relief du roi Xerxès

Cette « collaboration » n’est pas nouvelle entre le monde grec fréquemment divisé, et le monde perse. Souvenez-vous, lors de la première guerre médique, Darius était conseillé par Hippias, un ancien tyran d’Athènes. Ce phénomène s’est beaucoup amplifié dans la décennie 480 avant J-C. C’est ce que l’on appelle le « médisme » (Mèdes étant le terme par lequel les grecs désignaient les Perses).

Il faut ainsi souligner que toutes les cités grecques d’Ionie (celles dont la révolte avait échoué une quinzaine d’années plus tôt) sont entièrement acquises à la cause de l’Empire Perse. Même la puissante Thèbes s’allie à la Perse.

De plus, les affaires internes ont repris en Grèce. Athènes depuis l’Attique et Sparte depuis le Péloponnèse se positionnent comme les deux cités les plus puissantes du monde grec. 

Les préparatifs perses ainsi que les ambassadeurs envoyés dans certaines cités (notamment à Argos, rival de Sparte) poussent athéniens et spartiates à la réconciliation avec leurs rivaux. Les intérêts grecs se confondent et ce sont près de 31 cités-états qui prêtent serment à cette union panhéllenique tandis que beaucoup restent neutres (la puissance de l’Empire Perse inspirant beaucoup de craintes).

Déjà vue le mois dernier, cette carte résume assez bien le déroulement des deux guerres

Salamine, le dernier recours grec

La tergiversation des grecs leur a été fatale lorsque l’offensive débute au printemps -480. Cette fois-ci, l’avancée perse est incontestable puisque la Thessalie tombe sans aucune défense. Une double stratégie est toutefois initiée par les grecs. Eurybiade (général spartiate) et Thémistocle (général athénien) emmènent 271 trières sur le cap Artémision pour stopper l’avancée de la flotte perse. De son côté, le roi spartiate Léonidas Ier emmène une partie de son armée au défilé des Thermopyles où il est rejoint par de nombreux alliés. J’avais déjà évoqué cette bataille dans un précédent article : voici le lien.

Buste de Thémistocle, général athénien considéré comme l’un des héros de la seconde guerre médique

Ces deux batailles sont intimement liées : la nouvelle de la chute de Léonidas dans les Thermopyles a précipité la fuite des grecs dans la bataille de l’Artémision, qui jusque-là restait indécise. Les Thermopyles servent alors de catalyseur pour gonfler l’orgueil des grecs contre les perses. Ces derniers pénètrent toutefois en Béotie suite à cette victoire. Thespies et Platées sont rasées.

Dans la foulée, l’Attique est prise. Même Athènes, sans remparts, est désertée par ses armées et ses habitants. La population est évacuée vers Egine (cité anciennement rivale d’Athènes, nouvelle preuve de l’union grecque) ou encore sur l’île de Salamine. Quelques soldats restent pour défendre l’Acropole mais rien n’y fait : la ville est mise à sac par les Perses. Il s’agit là d’un évènement retentissant dans la Grèce : Athènes est prise sans défense seulement 3 mois après le lancement de l’offensive perse.

Le célèbre Acropole, ravagé durant le sac d’Athènes

Sparte et Corinthe adoptent une position défensive en construisant un mur le long de l’isthme de Corinthe (non, Donald n’avait rien inventé). En effet, franchir l’isthme mènerait les perses dans le Péloponnèse, encore libre. Pourtant, c’est le général athénien Thémistocle qui parvient à convaincre l’alliance de combattre à Salamine, dernière chance pour les grecs.

La Bataille de Salamine, nouveau triomphe

Le détroit de Salamine est donc choisi par Eurybiade et Thémistocle. La stratégie est simple : comme aux Thermopyles, il faut contrecarrer la puissance numérique des Perses en combattant dans un lieu exigu où les navires ne pourront pas effectuer leurs manœuvres de façon précise. Ceci permettrait alors de créer des opportunités aux solides trières grecques d’éperonner les navires adverses.

Vue aérienne actuelle du détroit de Salamine où eut lieu cette bataille

Xerxès apprenant une discorde entre les grecs alliés, décide de leur couper la route dans le détroit de Salamine. Ceci correspond pourtant à la stratégie de Thémistocle : était-ce une ruse pour amener Xerxès dans la gueule du loup ? Toujours est-il que la bataille a lieu à cet endroit.

Pour Thémistocle, l’objectif est clair : affaiblir au maximum la flotte perse. Il estime que l’armée perse se retirera s’ils ressortent suffisamment affaiblis de la bataille. Xerxès et son conseil décident à l’unanimité de traverser le détroit à l’exception d’Artémise, reine d’Halicarnasse, qui sent la stratégie grecque et tente en vain de convaincre le roi de renoncer à ce projet.

Schéma d’une pièce de monnaie à l’effigie d’Artémise

Des vagues, du vent et des larmes

Entre 600 et 800 navires perses se retrouvent confrontés à environ 350-400 trières grecques. Le déséquilibre des forces est flagrant mais le carnage sera total pour l’armée Perse. Il est difficile de relater le déroulé de la bataille car peu de témoins ont pu avoir une vision d’ensemble des différentes actions menées.

Wilhelm von KaulbachLa bataille de Salamine, 1868, Neue Pinakothek, Munich

Thémistocle a parfaitement choisi le moment de la bataille en laissant l’initiative aux Perses, qui attaquent à l’aube. Dans ce détroit, un vent très fort souffle et produit de nombreuses vagues. Les navires grecs y sont très résistants mais les Perses n’en ont nullement l’expérience et la structure de leurs bateaux les empêche de manœuvrer convenablement.

Les hommes se sont conduits en femmes, et les femmes en hommes

Propos attribués à Xerxès par Hérodote

Les grecs repoussent l’ennemi et les généraux perses sont mis en déroute. Ariabignès, le frère du roi, est tué très tôt dans le combat. C’est Artémise qui tentera de ramener son corps à Xerxès, qui observe la bataille depuis un promontoire rocheux. Selon Hérodote, ce dernier salue celle qu’il considère comme l’une des rares héroïnes perses de la bataille : « Les hommes se sont conduits en femmes, et les femmes en hommes ». Pourtant, durant cette fuite, c’est un navire perse (celui du roi de Calynda) qu’Artémise va étrangement éperonner.

Artémise représentée dans le tableau de Wilhelm von Kaulbach (cf. plus haut)

La déroute est complète pour Xerxès, qui se retire en Perse avec le gros de ses troupes, laissant à Mardonios, son cousin et conseiller, les élites de la cavalerie et de l’infanterie perse. Ce dernier espère toujours conquérir la Grèce par voie terrestre.

Un tournant

Salamine est un point de basculement : c’est à cet instant que les grecs ont compris qu’ils pouvaient être victorieux sur la Perse. Le moral et l’euphorie d’un camp contraste avec la déception de l’autre.

Monument commémoratif de la bataille situé sur l’île de Salamine

En 479, Mardonios reprend pourtant l’Attique et pille Athènes (la cité est donc saccagée pour la deuxième fois en un an). L’armée alliée, qui protégeait jusque-là l’isthme de Corinthe, décide de marcher pour reprendre la région. Les deux armées se font face à la Bataille de Platées qui voit une nouvelle fois les grecs s’imposer, une victoire entérinée un mois après à la Bataille du Cap Mycale, qui met un terme définitif aux visées perses sur la Grèce.

En plus d’avoir repoussé l’envahisseur, les victoires grecques font réagir des territoires anciennement passés sous l’hégémonie perse. C’est le cas par exemple de la Macédoine qui se révolte. De plus, certaines régions sont progressivement libérées telles que la Thrace, les îles égéennes ou encore l’Ionie, pourtant directement rattachées au territoire perse.

En bref

A l’image de Marathon et des Thermopyles, Salamine est élevée au rang de légendes en raison des faibles chances de succès qu’avaient les grecs au départ. Les victoires (ou la résistance dans le cas des Thermopyles) ont su donner un souffle nouveau aux grecs dans ce conflit contre le puissant Empire Perse. Encore aujourd’hui il reste surprenant qu’un État si puissant ait pu être repoussé lors de deux guerres successives par une Grèce morcelée et très divisée politiquement.

D’ailleurs, ces triomphes de la « culture hellénistique » n’ont pas donné naissance à une union politique chez les grecs, puisque ces derniers ne tardent pas à reprendre leurs querelles intestines, Athènes et Sparte en premier lieu. Mais ça, ce sera le sujet de l’épisode suivant de nos batailles grecques !

Merci d’avoir lu cet article des Flâneries de l’Histoire et à très bientôt !