Cette fois-ci, les joueurs quittèrent le terrain

On joue la 13ème minute du dernier match de poule de Ligue des Champions pour le PSG qui joue sa qualif’ face aux Turcs de Basaksehir lorsque des tumultes surviennent vers le banc de touche de ces derniers. Très vite la situation se tend et Demba Ba sort de ses gonds. On ne comprend pas tout de suite ce qu’il se passe, mais ce qui suivra appartiendra à l’Histoire. En réaction à des propos tenus par le quatrième arbitre de la rencontre à l’égard de Pierre Achille Webo, en le désignant à deux reprises par sa couleur de peau, les deux équipes décident de rentrer au vestiaire et donc d’interrompre la rencontre. Celle-ci ne reprendra finalement que le lendemain, précédée par un symbolique genou à terre et poing en l’air de la part de tous les acteurs pendant l’hymne de la Coupe aux Grandes Oreilles.

L’UEFA qui martèle chaque année dans les stades son message sans équivoque « No to racism » en a pris pour son grade en voyant un officiel directement visé par des accusations de racisme. La réaction historique n’est d’ailleurs pas venue de la plus haute instance européenne du football, mais bien des joueurs qui ont décidé, ce mardi 08 décembre 2020 de marquer l’Histoire.

L’Histoire ne date en effet pas d’hier. Des faits beaucoup plus explicites que ceux qui se sont déroulés cette semaine, pourrissent depuis des années les enceintes sportives sans que les instances ne prennent leurs responsabilités afin de stopper ce fléau. Ainsi, l’année dernière, on vous retraçait les derniers incidents en date mêlants cris de singe en Italie et saluts nazis en Belgique. Le pire dans tout ça, c’est que parfois c’était les victimes qui étaient punies : en Belgique, l’international malgache Marco Ilaimaharitra avait reçu un carton jaune après avoir subi des insultes racistes en quittant le terrain en larmes.

Maintenant que la voie a été ouverte par les acteurs de ce PSG/Basaksehir, il faut espérer qu’à chaque incident raciste avéré, les joueurs suivront le chemin qui mène aux vestiaires afin d’enrayer un fléau qui n’a ni sa place dans le football ni dans nos sociétés.

L’éthique enfin au cœur du football ?

Certes le symbole de mardi donne de l’espoir quant à l’éthique du football, néanmoins si l’on regarde le sport le plus populaire du monde de manière pragmatique, on est encore loin du compte. S’élever contre des paroles présumées racistes prononcées par un officiel lors d’un match de football c’est bien, défendre les couleurs d’un club détenus par le Qatar dont le respect des droits de l’Homme est clairement le cadet des soucis, ça l’est moins.

De même concernant le club turc de Basaksehir, dont Erdogan est très proche : si ce dernier a été très gêné par ce qui s’est passé mardi au Parc des Princes, il l’est beaucoup moins quand il s’agit d’aller aider l’Azerbadjan dans le Haut-Karabakh dans le conflit qui l’oppose à l’Arménie. Pour ne citer que cela.

Griezmann a lui aussi voulu y aller de son symbole dans la semaine en rompant son partenariat avec Huawei, soupçonné d’utiliser la reconnaissance faciale pour surveiller les Ouïgours. Très beau geste qui ne peut qu’être salué. Cependant, il y en aurait tellement d’autres à faire pour que l’on puisse réellement parler d’éthique dans le foot, en ce qui concerne notamment les équipementiers tels que Nike ou Adidas dont les fabrications négligent bien trop souvent les travailleurs et plus globalement les droits de l’Homme, la productivité étant le maître-mot.

L’éthique dont font preuve certains footballeurs sur certains sujets est donc un exemple mais cela mériterait d’être beaucoup plus largement étendu pour que celle-ci soit réelle. Comme souvent, l’argent reste le nerf de la guerre, et pour ses beaux yeux on se fout un peu du reste finalement. Ce n’est pas la LFP qui vous dira le contraire concernant ses droits télés…

Non ne revient pas…

…Prend tes affaires et rentre chez toi ! Voilà ce qu’on a envie de dire à Mediapro après son fiasco. On a aussi envie de le dire à tous ceux mêlés de près ou de loin à cette histoire, qui ont cru bon de signer un contrat certes mirobolant, mais sans aucune garantie. Téléfoot c’est donc terminé, et nos pensées vont bien entendu à tous les professionnels, qui eux faisaient leur travail de la meilleure des façons et qui vont désormais se retrouver sur le marché de l’emploi.

La Ligue de Football Professionnel, aveuglée par l’argent, croyait pourtant avoir signé un contrat « historique » permettant au football  français de basculer dans une nouvelle ère. C’est réussi, la crise du COVID ajoutée à celle que crée le retrait de Mediapro, et voilà que le football, et ses milliers de salariés basculent dans l’ère de l’incertitude et de l’angoisse.

Comme on le rappelait il y a deux mois, le football est finalement victime de son système, un système d’ultra-dépendance à des ressources telles que les droits télévisuels pourtant incertaines, très incertaines même si l’on regarde l’année 2020. De ce sujet encore, des symboles sont à sortir : dès le mois de Mars les Ultras que l’on veut trop souvent sortir du paysage footbalistique, avertissaient sur le système trop dangereux et inégalitaire dans lequel le football végète depuis de nombreuses années, en appelant également à une refonte de celui-ci. Quelques mois plus tard, comment ne pas leur donner raison quand l’on voit que c’est ce même système qui risquent de pousser plusieurs clubs de l’hexagone, pour certains historiques, vers la faillite ? Quand l’on vous parlait d’éthique, l’affaire Mediapro n’y déroge pas, puisque cette (très) mauvaise gestion risque de conduire pas mal de professionnels vers Pôle Emploi. Pas bien morale tout ça.

Cette semaine de décembre n’avait donc rien d’ordinaire pour notre football. D’abord, une réponse forte a (enfin) été apportée contre le racisme qui gangrène notre sport et la société en général, puis le système sur lequel repose notre sport nous a montré ses faiblesses encourageant alors, tous ceux qui aiment le ballon, à une refonte beaucoup plus égalitaire et éthique. On se met donc à rêver d’un football sans racisme, doté d’un système écartant au maximum le business, accessible à tous et dont l’éthique serait au centre des débats. Parce que c’est notre projet.