Dans le contexte actuel lié à la pandémie de Covid-19 et à l’instar de mon précédent focus sur la Peste Noire de 1348, cet article a pour but de présenter la pandémie, vous l’avez lu, la plus meurtrière de l’histoire de l’Humanité.
Une origine encore mystérieuse
Comme pour beaucoup de grippes, l’agent infectieux de la Grippe Espagnole était le fameux virus de la grippe A (autrement nommé H1N1). La maladie est issue d’un « virus père » qui avait beaucoup en commun avec les virus de grippe saisonnière (notamment un taux de mortalité relativement faible).
Il est difficile de retracer l’origine du virus père ayant muté. Selon toute vraisemblance, il s’agirait d’un virus porté par des espèces aviaires ou porcines, qui sont des réservoirs naturels de virus pathogènes chez les êtres humains. Chacun se souvient sûrement de l’épidémie de grippe A il y a tout juste dix ans (2009-2010).
Le premier cas officiellement déclaré se trouve aux États-Unis (donc très loin de l’Espagne), à Fort Riley, un camp militaire du Kansas en Mars 1918. Des hypothèses se lèvent aujourd’hui sur l’Asie et notamment la Chine dès 1917 (here we go again comme dirait l’autre, mais précisons quand même que le virus n’est devenu mortel qu’aux USA).
En cette fin de première guerre mondiale, des milliers de militaires s’entrainaient pour investir les rangs sur les fronts européens. Les mouvements de troupes ont d’ailleurs été facteurs de propagation de la maladie sur le sol européen comme dans tous les pays impliqués dans ce conflit mondial. Le virus se répandait très rapidement mais restait jusqu’alors sans gravité.
A strange form of disease of epidemic character has appeared in Madrid
En 1998, The Pennsylvania Gazette de Philadelphie évoque l’atmosphère légère qui flottait dans la ville à l’été 1918. La fin de la guerre approchait, la vie continuait son cours malgré l’alerte donnée par quelques journaux espagnols : « Personne ne prêtait attention aux déclarations espagnoles attestant d’une étrange forme de maladie à caractère épidémique apparue à Madrid ».
La maladie est ainsi mal nommée. Malgré son point de départ américain, elle sera pour toujours la « Grippe Espagnole », seulement car l’Espagne fut le premier pays au monde à communiquer massivement des informations sur la maladie. Pourtant, le pays fut moins touché que les autres. Mais les grandes nations belligérantes de la Première Guerre Mondiale connaissaient encore la censure de guerre (le but était de ne pas déstabiliser le moral des populations). La diffusion de cette grippe est donc méconnue en Europe, car encore très peu dangereuse.
Pourtant, le monde allait bientôt basculer : le virus muta à la fin de l’été 1918. Dès lors, la létalité de la maladie devint beaucoup plus impressionnante, alors évaluée entre 2 et 6 %.
Des chiffres à donner le vertige
Il est couramment admis que cette maladie a tué entre 20 et 50 millions de personnes dans le monde. Les estimations les plus pessimistes émettent en revanche l’idée que le nombre réel est bien supérieur, évoquant l’affaiblissement immunitaire laissé par la maladie. En termes de décès, elle est la plus meurtrière que le monde ait connu et dépasse la terrible Peste Noire du XIV° siècle.
La comparaison entre ces deux maladies est bien entendu nuançable : près de 600 ans les séparent, les conditions d’hygiène s’étaient déjà améliorées et la population mondiale avait connu une croissance exponentielle depuis l’époque médiévale. Ainsi, là où la Peste Noire tua entre 30% et 50% de la population humaine, la Grippe Espagnole n’en tua que 2,5 à 5%. Une stat’ qui fait quand même froid dans le dos, non ?
La France comptera dans cette pandémie près de 240 000 morts mais fait mieux que l’Allemagne (426 000) ou encore les États-Unis (546 000). Les pays n’ayant pas participé à la guerre ont de manière surprenante été touchés plus durement que les belligérants (notamment en Asie : Inde, Chine, Japon ou en Océanie).
Des bilans ont été dressés à la suite de cette épidémie. C’est donc là qu’on peut ressortir nos petits graphiques (comme quoi, il n’y a pas de secret, 102 ans après, on fait toujours nos petites courbes) :
Des vagues mortelles
Une comparaison avec ce que nous vivons aujourd’hui est inévitable (même s’il me faut préciser que là encore, le contexte est très différent depuis 1918). L’épidémie devint mortelle, puis fut une pandémie mondiale, accompagnée de nombreuses mesures restrictives. La maladie connut en revanche plusieurs vagues mortelles, la principale étant de septembre à décembre 1918. Elle restait quelques mois dans une région, partait puis revenait (très visible dans le cas de Londres sur le graphique ci-dessus). Ceci explique sûrement la vigilance actuelle de l’Asie vis-à-vis d’une éventuelle seconde vague du Coronavirus.
Les symptômes
D’une durée d’incubation assez rapide (2 à 3 jours), la maladie présentait des symptômes comme la fièvre, l’affaiblissement de l’individu et de nombreuses complications pulmonaires : souvent une pneumonie ou une bronchite. Toute ressemblance avec une certaine maladie actuelle ne serait naturellement que fortuite.
Mortalité
C’est en septembre 1918 que l’on se rend compte que la maladie devient mortelle, notamment près de Boston, avant de se répandre partout dans le monde.
En revanche, contrairement à notre cher Coronavirus, la maladie atteint beaucoup plus largement la tranche d’âge des 20-40 ans (ils représentent environ 50% des décès) avec un pic aux alentours des 30 ans.
Des mesures restrictives
À l’époque, comme aujourd’hui, des mesures furent prises afin de limiter la propagation du virus. Les tant débattus masques de protection étaient généralisés. Cette époque marque également le début du développement de la photographie, qui nous permet donc de revivre ces instants difficiles. Des images plus que jamais similaires à celles que les médias relayent en ce moment.
De même, les centres hospitaliers se trouvaient surchargés aux États-Unis mais surtout en Europe et le conflit mondial ne s’arrêta qu’en novembre 1918 malgré la diffusion de la maladie. Des hôpitaux de campagne étaient utilisés pour soigner les patients, comme aujourd’hui (à un degré moindre je vous l’accorde).
Toujours selon The Pennsylvania Gazette, les lieux et espaces publics de Philadelphie avaient été fermés (non sans contestations, comme aujourd’hui). Mais Philadelphie ne fut pas la seule, des villes américaines comme San Francisco, St-Louis ou encore Milwaukee qui, par la suite, ont présenté des taux de mortalité bien inférieurs. C’est en partie l’efficacité de ces mesures de confinement qui a dicté la conduite à suivre pour nos pays dans le cas de nouvelles pandémies.
Le Covid-19 actuel est le parfait exemple de l’application de ces mesures, puisque 3 milliards de personnes sont aujourd’hui confinées dans le monde. Vraisemblablement et sauf retournement de situation, le Coronavirus ne sera pas aussi mortel que ne l’a été la Grippe Espagnole. Qui a dit que l’ancien était meilleur ?
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