L’Impérialisme athénien
La victoire grecque lors des guerres médiques laisse la place à une cinquantaine d’années de paix relative en Grèce. Cette période traditionnellement appelée « Pentécontaétie » consacre ainsi l’âge d’or d’Athènes, cité dirigée par des figures incontournables telles que Périclès. Mais cette période voit également la montée en puissance de son impérialisme et de ses opposants.
En effet, la puissante flotte athénienne formée par Thémistocle se retrouve à la tête de la Confédération de Délos dès 477. A l’origine, ce regroupement de cités constituait une alliance défensive (une symmachie) dans le cas où les Perses chercheraient à envahir de nouveau la Grèce. La plupart des cités d’Ionie, les îles de la Mer Égée ou encore les cités de l’Hellespont prêtent ainsi serment. Progressivement, cette Ligue de Délos devient un instrument de la puissance athénienne dans le monde grec, ce qui n’est pas sans causer quelques réticences jusque chez les membres de la Ligue de Délos.
Dans le même temps, Sparte se constitue également un ensemble d’alliés que les historiens qualifient par commodité de « Ligue du Péloponnèse » (elle n’a cependant jamais été appelé ainsi en son temps). Cet ensemble forme une alternative au modèle athénien, attirant dans son giron des cités comme Argos, Corinthe ou encore Élis. Politiquement, la Ligue du Péloponnèse défend le principe oligarchique (celui de Sparte) face au modèle démocratique qu’Athènes tente d’imposer, parfois par la force à certaines cités qui se révoltent.
L’impérialisme athénien est donc l’une des principales causes de la Guerre du Péloponnèse, qui débute après maints incidents diplomatiques, en -431. La guerre se déroule en trois phases principales, que je vais tenter de vous résumer de façon synthétique.
De – 431 à -421 : la guerre d’Archidamos
Sparte dispose de l’armée d’hoplites la plus expérimentée et la plus puissante de Grèce tandis qu’Athènes, on l’a vu, dispose de la flotte la plus puissante. C’est la cité Spartiate qui lance les hostilités avec « le Coup de Platée », qui débouchera plus tard sur le siège de cette même cité entre -429 et -427, et qui aboutit d’ailleurs à son massacre.
Sparte ne peut cependant rester longtemps loin de ses bases. En effet, le pouvoir lacédémonien craint une révolte des esclaves (appelés hilotes) qui cultivent les terres des combattants en leur absence. Ces hilotes se sont déjà révoltés par le passé et constituent donc une menace interne relativement sérieuse. Ainsi, Archidamos II, roi de Sparte, mène une politique de raids courts sur l’Attique pour fragiliser l’économie de la cité de Périclès entre – 430 et – 425. Bien que les deux hommes se respectent mutuellement, ces raids dévastent le territoire et créent un afflux de populations dans la cité athénienne.
Ces attaques sont cependant freinées par la Peste d’Athènes qui sévit au même moment (vraisemblablement une épidémie de typhus) et tue plusieurs milliers de personnes. Le grand Périclès en meurt en -429.
En guise de contre-offensive, Athènes envoie sa puissante flotte contre les régions acquises à la cause lacédémonienne. Ainsi, les navires de guerre spartiates et de leurs alliés sont littéralement détruits à la bataille de Naupacte en -429. La région de Mégare dévastée à plusieurs reprises par les athéniens qui s’emparent également de l’île de Sphactérie en -425. Les Spartiates envoyés contre eux sont écrasés et leurs pertes sont très lourdes : Athènes prend le dessus.
C’est alors que deux hommes vont s’opposer : l’athénien Cléon et le spartiate Brasidas. Le second s’empare dès -423-422 de plusieurs cités de Thrace alliées d’Athènes. Il parvient à prendre la position stratégique que constitue la « route du bois » nécessaire à la construction des redoutables trières athéniennes. Athènes ne parvient pas à reprendre le dessus dans cette zone.
Amphipolis, un tournant
Deux ans après la prise d’Amphipolis par Sparte, Cléon et Brasidas se font face. Feignant de refuser le combat à Cléon, Brasidas sort finalement de la Cité pour charger les troupes athéniennes qui amorçaient leur retraite. Cette bataille est importante puisqu’elle cause la mort de ces deux grands dirigeants. Malgré tout, victoire est éclatante pour Sparte.
Buste d’un stratège athénien en tenue de combat, tel que Cléon devait en porter Brasidas menant les spartiates au combat
Aussi épuisés l’un que l’autre, les deux camps décident d’une trêve, la « paix de Nicias » en -421. Une paix qui ne convient à personne puisqu’elle instaure un « statu quo ante bellum » : en définitive un retour à la situation dix ans plus tôt.
Que d’hommes et que d’évènements, vous êtes perdus ? Ça se comprend, mais ce n’est pas fini.
Une Guerre Froide en Grèce ?
Faire de l’analogie en Histoire, c’est mal ! Mais parfois c’est tentant… Dans cette deuxième phase, le conflit se fait de façon indirecte.
La cité d’Argos s’estimant lésée et peu soutenue par Sparte durant les années précédentes tente en vain de former sa propre « Ligue » au détriment d’Athènes et de Sparte. Cependant, cet échec est une aubaine pour Athènes, qui à travers le stratège Alcibiade, signe une alliance défensive avec Argos, Élis et la cité de Mantinée. La Ligue du Péloponnèse est ainsi fortement amputée. Sparte est même exclue des Jeux Olympiques sacrés en -420.
En août -419 se déroule la Bataille de Mantinée, cette bataille débouche sur une importante victoire spartiate qui reprend ainsi le contrôle total de sa région, le Péloponnèse. Argos, pourtant soutenue par des troupes athéniennes, est vaincue.
Autre fait marquant de cette guerre « indirecte » est l’expédition de Sicile conduite par Athènes en -415. En effet, a cette période, la cité de Ségeste est attaquée par Sélinonte (soutenue par la grande cité de Syracuse). Ségeste demande l’aide d’Athènes, arguant une possible alliance entre Syracuse et Sparte (de par leur appartenance mutuelle à l’« ethnie » des Doriens). Souhaitant naturellement étendre son influence sur la Sicile, Athènes saute le pas et envoie des troupes dirigées par Alcibiade.
Sparte ne pouvait que réagir face à cela : des troupes sont également envoyées sur place pour contrer l’opération athénienne, tandis que de nouveau raids sont lancées sur la région d’Athènes. Le désastre est total pour Athènes, qui sera vaincue même sur l’eau dans le port de Syracuse lors de sa tentative de retrait. Nicias, l’instigateur de la paix de -421, est exécuté avec le plus gros de ses troupes.
Ces années sont hélas marquées par des exactions et crimes de guerre, du moins comme on les appellerait aujourd’hui. Pour donner quelques exemples : lorsque Sparte s’empare d’Hysiai (petite ville dans le giron d’Argos), cette dernière élimine l’entièreté de la population masculine de l’île. Idem lors de la prise de l’île de Mélos par les athéniens : les hommes de la cité sont tués tandis que les femmes et les enfants sont réduits en esclavage. Athènes ira même encore plus loin en -413, lors de l’expédition de Sicile : des mercenaires thraces dirigés par un général athénien raseront un village de Béotie en massacrant ses habitants, femmes et enfants compris…
La défaite athénienne
De -413 à -404, la période est marquée par de nombreux petits affrontements, principalement sur mer. Dans ce même laps de temps, Sparte (comme Athènes) n’hésite pas à s’allier avec… l’Empire Perse ! Quelle ironie de l’Histoire, n’est-ce pas ?
Alcibiade passe également, durant un laps de temps, du côté de Sparte et tente de rallier les cités d’Ionie (alliés d’Athènes) à la cause lacédémonienne, avant de rester auprès du satrape perse Tissapherne.
Alcibiade, stratège et général athénien Pièce à l’effigie du satrape perse Tissapherne
Mais ce dernier entend bien revenir du côté d’Athènes ou la situation politique est critique : une révolution oligarchique éclate en -411 et place à la tête de la cité les Quatre-Cents. L’Hellespont et l’Eubée se révolte contre Athènes, sous l’impulsion des troupes spartiates envoyées sur place. Au bord de la Guerre Civile, les Quatre-Cents sont renversés (4 mois après leur coup d’état) et le régime des Cinq-Mille est mis en place. Beaucoup de chiffres n’est-ce pas ?
Après plusieurs victoires (Cynosséma, Abydos et surtout Cyzique en mars -410), les athéniens semblent prendre à nouveau le contrôle de la mer. Les cités de l’Hellespont telles que Byzance sont reprises peu de temps après par Athènes. Suite à cela, Alcibiade est rappelée à Athènes en -407 et se voit même accorder les pleins pouvoirs militaires.
De leur côté, les spartiates préparent leur flotte. Elle est dirigée par Lysandre, qui sera [spoiler alert] l’un des grands artisans de la victoire spartiate. Soutenu à son tour par la Perse, il remporte la victoire de la bataille de Notion en -407 et provoque ainsi la destitution d’Alcibiade qui s’exile en Thrace.
La magistrature de navarque de Lysandre étant arrivé à son terme, il n’assiste cependant pas à la Bataille qui s’ensuit l’année suivante aux Arginuses, une victoire athénienne. Sous l’impulsion de la Perse, Lysandre se voit de nouveau confié des responsabilités militaires.
En -405, sur chaque rive de l’Hellespont, devant Byzance, les flottes spartiates et athéniennes se font face. Lysandre lance une attaque surprise alors que les soldats athéniens sont encore sur la rive. 170 trières athéniennes sont coulées ou capturées, soit l’intégralité de la flotte. Même le contrôle des mers est désormais spartiate ! Chaque possession athénienne est ensuite reprise par Sparte qui se rend jusqu’au port d’Athènes, le Pirée. Assiégée et sans solution, Athènes se rend définitivement en avril -404.
Clap de Fin (pour Athènes et pour moi)
Le traité de paix reste (relativement) clément envers Athènes, en souvenir du rôle de la cité lors des guerres médiques. La ville n’est pas détruite et conserve même l’Attique. Cependant, toutes ses possessions extérieures lui sont retirées et il est imposé que les fortifications de la Cité, les Longs Murs, soit détruits. La Ligue de Délos est dissoute et Athènes rentre elle-même, théoriquement, dans l’alliance spartiate.
Athènes perd donc son statut de cité dominante. Les historiens considèrent cela comme le début du déclin de la Grèce Antique, bientôt dépassée par les autres puissances méditerranéennes. Elle reste une cité d’importance jusqu’à son passage sous la domination macédonienne de Philippe II et de son fils Alexandre (futur Alexandre Le Grand) une soixantaine d’années plus tard. Mais ça, c’est une autre histoire…
C’est aussi fini pour Les Flâneries de l’Histoire ! Après une cinquantaine d’articles, il est temps pour moi de tirer ma révérence. Ce fut un plaisir de partager ma passion de l’Histoire avec vous et j’espère vous avoir intéressé sur certains sujets !
Merci aux lecteurs et peut-être à bientôt pour un nouveau projet… historique je l’espère !
Corentin VALOUR