Comment, en tant que DJ, t’es-tu adapté aux restrictions sanitaires ? 

Je pense que sur la question de la création, toutes ces restrictions créent un cadre qui peut servir à des artistes. Personnellement, cela m’a permis d’aller explorer l’univers des live Facebook, même si ce n’est pas vraiment ma tasse de thé. Sinon, je dirais que cela a eu un impact positif, surtout pendant le premier confinement. C’était un moment où j’avais l’impression que tout était en pause, comme le jour de Noël, et cela m’a fait un bien fou. J’ai ressenti comme une espèce de sérénité. Quand tu habites Paris et que tu es dans ce milieu-là, de la création, de la musique, de la fête, il y a un gros stress et tu es pris dans une course sans même le vouloir. Le premier confinement m’a permis de me poser, de réfléchir à l’élaboration de nouveaux projets. Je me suis reconcentré sur ce que je voulais vraiment faire. 

Tu as donc fait des live Facebook depuis le début de la crise sanitaire ? Que penses-tu de ces nouvelles pratiques ? 

On a mis du temps à faire des live parce qu’on n’était pas vraiment pour. Le problème n’est pas tant la forme, mais on appréhendait ce que ça pourrait engendrer en termes de nouvelle forme de consommation de la culture. Finalement, on en a quand même fait un l’année dernière, et là, on travaille pour en préparer un deuxième. On n’est pas les plus actifs sur les réseaux sociaux même si c’est important. Personnellement, c’est loin d’être ce que j’aime le plus, mais c’est aussi une façon de se réinventer. Après, pour ne rien cacher, on continue à faire la fête de temps en temps. 

Tu continues à organiser des fêtes ? Pourquoi ? 

J’ai toujours été nostalgique des années que je n’ai pas connues. Je parle des années 1980, 1990, avec la venue des rave parties, l’arrivée de la techno en France avec toutes les restrictions qui allaient avec. J’ai l’impression de replonger un peu dans cet univers-là en ce moment. On le voit particulièrement à travers le terme de « fête sauvage », qui personnellement me choque. Donc nous, dans notre studio à Paris, on continue à faire la fête. On se rend compte que c’est indispensable en fait, c’est un besoin. La première [fête] qu’on a fait après tout ça [premières mesures sanitaires], il y a des personnes qui sont venues me pleurer dans les bras. À travers la fête, on renoue avec un plaisir assez intense, qui, je pense, est amplifié par cette excitation de l’interdit. Je me rends compte que je préfère prendre des risques que d’essayer de rester dans les règles. Je comprends les gens qui respectent les règles et qui nous prennent pour des imbéciles. Mais bon… moi je suis accro à cette adrénaline qu’on procure chez les gens, cette sensation de bien-être qu’ils peuvent ressentir à travers la fête qui devient presque un exutoire.

Ne crains-tu pas de potentielles conséquences judiciaires ? 

C’est ce qui nous est arrivé il y a peu de temps. On faisait une fête dans notre studio, et quarante policiers ont débarqué pour y mettre fin. C’était assez impressionnant. Ils ont bloqué une rue entière. Il y avait au moins vingt bagnoles. Surtout, ils ont pris tout notre matos. À ce jour, on ne l’a toujours pas récupéré et on passe au tribunal en octobre avec un de mes potes. On a lancé une cagnotte auprès des personnes présentes à la soirée pour nous aider parce qu’on va sûrement prendre assez cher. Mais la confiscation de notre matériel est vraiment problématique. On trouve cela complètement aberrant car c’est notre outil pour travailler et pour s’exprimer. On est un peu sidéré, mais on est sur le coup, avec notre avocat notamment qui nous aide. En tout cas, on a pris des risques et on les assume maintenant. Je préfère prendre ces risques plutôt que de ne rien faire. 

Comment justifies-tu ce droit à la fête que tu revendiques ? 

Je me suis rendu compte que c’est indispensable. On est tous différents, que ce soit au niveau de notre culture, de nos goûts, de nos envies, mais je me rends compte qu’on a tous en commun ce besoin de faire la fête. Cela prend différentes formes. Certains font la fête seuls, ou autour d’une bière au bar avec quelques potes, comme d’autres vont partir en rave de 3000 personnes tous les week-ends. Il y a des gens dont c’est leur métier, ou leur passion, mais même les personnes moins sensibles à cela, ils en ont besoin. Et en sacrifiant la fête, mais aussi la culture de manière générale, je pense qu’on méprise une chose absolument essentielle pour l’Homme : la sociabilité. Il y a un besoin réel de s’instruire, de découvrir des choses, et par ce biais, de rencontrer du monde. Pour une partie de la population, ce besoin se traduit par la fête.