En arrivant, il est déjà difficile de se faire une place dans ce public dense. Ce dernier est très hétéroclite et multigénérationnel. On y voit des familles, des fans de la première heure, des jeunes et des anciens, des couples et des groupes d’amis. Tous viennent baigner dans l’ambiance si singulière du théâtre antique. Et tandis qu’on cherche un endroit où se poser un moment, les Lowland Brothers ont déjà débuté leur performance.
Lowland Brothers entame
Entre blues, rock and roll et rhythm and blues, les Lowland Brothers, littéralement « Frères de la plaine », distillent une musique portée douce et très largement influencée par le songwritting. Les titres sont beaux, les paroles embarquent. C’est parfait pour ouvrir la soirée. Sur scène, le guitariste et chanteur Nico Duportal, qu’on connaissait avec les Rhythm Dudes et qui officie désormais avec The Sparks, est associé à Damien Cornelis à l’orgue, Hugo Deviers à la guitare, Max Genouel à la basse et Fabrice Bessouat à la batterie. Pour les suivre dans leurs élans gospel, ils peuvent compter sur des chœurs solides et splendides assurés par les formidables Laurence le Baccon, Julie Dumoulin et Barbara Belmonté.
Un blues confectionné par Nico Duportal
La voix de Nico Duportal est au moins autant étonnante que planante. On oscille entre soul, rythm and blues et gospel. Ses influences bien connues se perçoivent très vite. Son amour pour les « promenades » musicales qui rappellent parfois la balade et son appétence pour le songwritting font une bonne part du style singulier du groupe. On écoute ses airs apaisants et doux. Très doux. Les influences sont plurielles et l’orgue rajoute des notes assez rock’n’roll qui inséminent toutes les mélodies tandis que les guitares et les chœurs rappellent les ambiances parfois plus soul. A l’arrivée, l’alchimie opère et le côté rock’n’roll prend le dessus pour assoir une empreinte qui convainc. Dans ce répertoire des plus agréables, on retrouve encore un zeste d’influences country et la constance de la folk. Une recette qui marche.
Neal Black & Fred Chapellier se répondent
Voici un duo annoncé explosif. Il l’a été. Quelle claque ! Dans ce blues rock énergique aux accents pêchus, les guitares de l’Américain Neal Black et du Français Fred Chapellier se sont répondues pendant une heure dans un show crescendo époustouflant. Les riffs chiadés et clinquants des guitares associés à l’assise rythmique basse/batterie puissante qui ne fait pas dans la dentelle. Il n’y a pas à dire, ces deux là savent faire vibrer leur instrument et même si les tympans en prennent un coup, l’essentiel est bien là : on s’extasie. Ce « Blues Project » casse la baraque et martelle un blues électrique résolument offensif.
Le show démarre sur les chapeaux de roue avec des titres assez brefs qui transcendent. Les voix de bluesmen séduisent portées par un orgue très rock’n’roll et des guitares généreuses. Par instants, on revient aux fondamentaux du blues avec un piano discret mais qui a aussi ses solos dans les règles de l’art, rappelant le boogie woogie.
L’harmonica sonne la charge : bonsoir Greg Zlap
L’arrivée tonitruante, en plein cœur du public de Vienne, de Greg Zlap, le virtuose de l’harmonica, change la physionomie de la soirée. Les deux guitares accueillent un nouvel ami et les voici tous qui se mettent à jouer ensemble. Le volume de jeu de Zlap est stupéfiant. Son show inattendu et déjanté est déjà un spectacle en soi, mais il apporte aussi un côté mélodique propre à l’harmonica qui fait vibrer la foule. Agité, le légendaire musicien invite le public à la fête, court sur scène, ne s’essouffle quasiment pas et finit par solliciter l’aide des guitares à qui il répond. Le show est d’abord spectaculaire avant d’être un concert blues.
Malgré tout le set offre des moments de rock plus planant avec des moments d’apaisement bien mérités. La guitare est douce et chantante, la caution rythmique basse/batterie délicate et bien posée.
Comme un enfant, on se laisse fasciner par la puissance envoûtante des notes et des riffs qui préparent, malicieusement, la venue sur scène de Paul Personne et de ses acolytes.
Paul Personne impose son blues
Acclamé comme une légende vivante, Paul Personne et ses 43 années de scène a ravi son public pour sa première à Vienne. Le plus célèbre bluesman français a délivré une prestation tout en contrôle, parsemée de riffs exquis et de solos admirables. Ses textes emplis de mélancolie et de nostalgie reflètent sa personnalité si singulière. Discret dans la vie malgré son statut de poids lourd de la scène française, le guitariste ne cache pas sa piété pour ses héros de toujours B.B King, Peter Green, Eric Clapton ou encore Jimi Hendrix.
Un blues teinté de rock
La guitare inspirante de Paul Personne et sa voix si particulière enivrent. Il faut dire que son timbre est atypique et peut sembler déroutant pour les non initiés. Pourtant, ce sont ces sonorités à la voix chaudes et profondes qui font la « couleur » de ses mélodies. Le bluesman se racle la gorge pour extirper des paroles particulièrement évocatrices. Car, dans ses chansons, Paul Personne raconte des histoires. De belles histoires arrosées de spleen et baignées dans une douleur inspirante qui renvoie à l’intime. « L’enfer c’est les autres » chante-t-il avant de pousser « Rentrer chez moi, retrouver ce qui me manque là-bas« . Plus loin, il récite « On enterre pas ses blessures, on vit avec, on endure » : une souffrance créatrice.
Un show conquérant
Les solos de guitare nous inondent de bonnes ondes et alors ça flirte presque avec le rock psyché, tandis qu’à d’autres reprises on flanche vers le garage avec des accents rock’n’roll. L’orgue et la batterie sont très présents et insufflent un élan très rock à des chansons sur lesquelles la voix rauque cassée de Personne appose une pâte bien identifiable. Il n’y a pas de doute. Sur scène, on a vu qui était le patron. Non, Paul Personne n’est pas passé incognito.