Voyez comme ça bourgeonne ! Ça pétille ! Ça chatoie dans tous les sens ! Ah, le printemps. Entendez donc le chant d’amour de l’allergique au pollen qui éternue au loin. N’est-ce pas adorable ? Il manquerait plus que Charles Trenet pour venir brailler sous nos fenêtres tout endimanché.

C’est le moment parfait pour ouvrir grand les portes, cligner trop fort des yeux, parce qu’on a hiberné pendant quatre mois, et s’élancer vers la liberté. Au passage, profitons de ce moment d’allégresse pour ramasser un caillou, si possible bien contondant, et alignons maître corbeau sur son arbre perché pour qu’il puisse enfin la fermer. Ça va bien au bout d’un moment.

Je mène une vendetta contre le printemps, je crois. Ça m’agace. Sans raison, vraiment. C’est juste pour aller un peu à contrecourant. C’est qu’avec les fleurs, le retour de la belle saison, tout le monde se met à poétiser dans tous les sens pour ne rien dire et ça, ça m’agace. C’est un peu mon truc quoi. Il faut comprendre. J’écris pour ne rien dire, et en temps normal, ça suffit à se distinguer. Le reste des agités de la plume se battent comme des charognards pour emporter un petit bout d’actualité ou pour s’accaparer la pensée complexe d’un sujet sensible. Moi je suis peinard, j’écris des bêtises dans le seul but d’écrire des bêtises, et on vient assez peu m’embêter. Pas du tout en fait. Je crois que tout le monde s’en fout. C’est aussi bien.

Mais là, ça leur monte à la tête. « Oui regardez un peu comme c’est joli ! », « Promenons-nous un peu dans les bois »,  « Profitez des jardins odorants ! ». Non mais ça va pas non ?

Mais comme je refuse de lâcher mon bout de gras, eh ben je fais pareil. Je parle des couleurs qui reviennent inonder nos baies vitrées. Du sucre qui flotte dans l’air. Des bourgeons trop gourmands qui boursoufflent les arbres fruitiers. Mais je le fais en râlant. Parce qu’il faut bien essayer de se distinguer.