À côté des stars

A travers cette constatation, The Talent y applique une logique de personnage-type (Tommy, interprété avec belles nuances par Emma d’Arcy) qui tourne autour de la célébrité. Qui la côtoie même : il s’assoie à la place de l’acteur, dit ses répliques, le croise, lui parle, etc. Tout cela se déroule pendant le tournage d’une publicité lambda, aussi inutile que racoleuse, qui essaie tant bien que mal de nous tromper à l’aide de son fond vert augmenté. Cependant, plutôt que de nous confronter à un récit unilatéral, le film opte pour un montage en deux temps, parallèle, pour un deuxième niveau de lecture à la situation. En effet, l’hypocrisie ambiante du tournage est mise en opposition avec un plateau de late show, symbole quasi ultime de la célébrité moderne, où les stars sont amies avec le présentateur et se racontent leur passé d’anonymes en rigolant. Mais tout autant que le fond vert de la pub, cela n’est qu’un leurre, imposé par Tommy lui-même, résultat de sa propre imagination. Non pas un cauchemar ni un rêve puisque le point de vue, la caméra est diégétique, cette séquence tiendrait plus du songe éveillé. Comme son quotidien semble avoir aussi peu de lueur d’espoir (à l’image de l’ambiance sombre du tournage et de ses grands draps noirs), cet assistant anonyme se construit son propre échappatoire.

Ce procédé devient d’autant plus intéressant, pour nous spectateurs et dans le corps même du film, car cette évasion mentale permettra à son opérant de passer à l’action, de braver l’interdit et sa timidité. Mais de manière aussi dure que glaciale, l’hypocrisie du star système lui est renvoyée en pleine face avec l’évidence même qui lui incombe, sans dialogue, sans son, Tommy est renvoyé.

Un milieu d’hypocrisie

Comment a-t-on pu être aussi naïf et croire à ces histoires ? Un mensonge, finalement, que cette célébrité soudaine, cette amitié sympathique. La force de The Talent c’est bien son double récit, l’un réel, l’autre non, car il pose une question essentielle : ce message, cette réalité trompeuse est-elle la faute de celui qui l’a invoquée ? On peut plutôt se tourner vers les médias, ceux qui inventent les belles histoires du star system et construisent ce faux miroir qui tend à nous faire croire que tout le monde peut réussir. The Talent est définitivement pessimiste parce qu’il faut aussi filmer ceux qui ratent, qui n’atteignent jamais le sommet souhaité. Au final, impossible de savoir si ce fameux “talent” est bien présent dans le personnage qui porte ledit film, puisqu’on lui refuse la porte d’entrée de cet entre-soi hypocrite. C’est un film qui a à cœur de montrer l’histoire de ceux qu’on ne compte pas et dont on pense qu’ils ne comptent pas.