Cette soirée à Jazz à Vienne s’annonçait formidable. Avant un concert du saxophoniste de renom Manu Dibango très attendu, inédit là encore, c’est Fatoumata Diawara qui ouvrait la soirée. Cette chanteuse ivoirienne a proposé une performance convaincante et engagée.
Fatoumata Diawara ouvre le bal
Voici une artiste qui ne peut pas laisser indifférent. Avec un concert dynamique et énergique, Fatoumata Diawara a conquis les cœurs autant que les oreilles. Avec son discours humaniste et engagé, elle a dissipé les peurs avec ses notes d’espoir et de partage. Fière porte-drapeau de l’Afrique, elle n’a cessé de défendre ses terres d’origine.
« Il est temps que cette jeunesse africaine s’empare de son continent pour en parler de manière plus positive. On doit parler de l’Afrique de manière moins misérabiliste. On dirait qu’on n’a pas à manger, mais on a tout ça, on a des forêts. L’Afrique ce n’est pas que la pauvreté. »
Les rythmes et les sonorités africaines amènent aussi des influences reggae pour offrir des morceaux joyeux et bienveillants. Autour de la musicienne, on retrouve un clavier, une batterie, une basse et une guitare. Mais ce qui fait la différence, c’est vraiment son discours humaniste engagé. En plus, elle s’implique aussi sur la nécessité de sauver la planète : « donnons nous la main » clame-t-elle.
« Nous allons demander la paix » dit-elle en préambule de la chanson « Tombouctou » qui fait écho au film. Les influences funky pour la guitare appuient le groove africain qui ne manque pas d’accents bien sentis. Alors, Fatoumata Diawara décide rendre hommage à Nina Simone.
« Heureusement que la musique existe parce que c’est le contraire de la guerre. On peut changer le monde avec un peu d’amour. »
Manu Dibango monte sur scène
60 ans de scène ce soir à Vienne, ça se fête. Le célèbre saxophoniste n’a rien perdu de sa superbe. Toujours aussi touchant quand il prend la parole, le superflus n’est pas son registre, lui qui préfère jouer de son talent pour embellir les partitions qu’il interprète. Connu comme un musicien de world jazz, le Camerounais a aussi apprécié le rhythm and blues, ce qui a forgé son style irrémédiablement novateur.
« Nous vous invitons dans un village où la musique règne. »
Manu Dibango à Jazz à Vienne
Accompagné par le magnifique orchestre national de Lyon et ses fidèles musiciens, Manu Dibango a livré une prestation exceptionnelle, une sorte d’hommage à la musique, à la hauteur de sa carrière monumentale. Son « Safari musical » a conquis le public nombreux du théâtre antique qui affichait complet.
Papagroove a fait la leçon dirons-nous. Il faut dire que le virtuose est bien entouré. Sur scène, son batteur assure l’essentiel, ses choristes éblouissent. Quant à l’orchestre national de Lyon, il a fait montre de son talent et de sa rigueur incroyable de précision. Les violons ont virevolté tandis que les cuivres ont brillé. Sur cet arrière-plan d’exception, Manu Dibango a pu jouer sa partition et laisser chanter son instrument.
Le voyage s’enclenche, et le charme opère. Le second morceau est un hommage à « l’un des patrons de la musique » selon Dibango, Duke Elington.
Alors, la sérénade peut débuter. Interprétée en trois parties, elle « raconte d’abord quand les occidentaux sont arrivés en Afrique, puis quand ils nous ont trouvés et enfin quand le dialogue s’est instauré ». On apprécie ce mélange de styles qui ressemble effectivement à un dialogue musical aux influences plurielles mais harmonieuses. On dirait une sorte de discours à plusieurs voix. Des instruments traditionnels africains sont employés avec une musique symphonique majestueuse à laquelle se greffent une harpe, un saxophone, des choristes ainsi qu’un arrière-plan d’orgue, de basse bien posée et de percussions rythmiques. Le piano et le saxophone de Dibango se répondent.
Il y a aussi les invités sur scène pour un voyage atemporel et joyeux aux confins du connu et au rythme effréné des influences évocatrices. La profusion est pourtant si douce. Il en ressort une mélodie bienveillante et rythmée, pailletée de saxophone par le maître Dibango. Le reste, ce n’est que l’inspiration musicale qui ravive nos sens et soigne en chacun les maux du quotidien. La musique peut guérir, Manu Dibango est un Dieu vivant.
Les moments sont bien choisis, et la musique se calme pour laisser l’espace d’expression que Dibango réclame. Les percussions assurent le service minimum, l’orchestre s’efface et le public s’extase au son poétique du saxophone qui transperce délicatement. Juste une touche de shaker ressort pour assoir le rythme. Alors tout s’envole et les sons deviennent plus inédits. Les nuances ajoutent du relief et tout cela est reposant. Pourtant, les accents et les chœurs relancent le tout et puis l’orchestre et les musiciens reviennent avec des rythmes et des accents bien sentis.
« Vous participez pour le dernier morceau. C’est très facile, il suffira de dire 1 2 3 à un moment. »
La légèreté de Manu Dibango s’exprime dans ses interactions avec le public. Le musicien n’est pas une star, c’est simplement une légende qui donne de son talent pour ravir nos oreilles. Pas de fioritures, simplement de la musique à foison pour égayer une soirée dans la capitale estivale du jazz.