Les propositions retenues et le concept de “croissance écologique”
Après neuf mois de débats, la Convention citoyenne pour le climat (CCC) a émis ses propositions en juin, dans l’objectif de réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, par rapport à 1990, tout en répondant à un besoin de justice sociale. Les 150 citoyens membres de la Convention devaient étudier des propositions dans le cadre de cinq grands thèmes: se loger, se déplacer, se nourrir, produire et consommer.
Parmi les 149 propositions de la CCC, 146 mesures phares ont été retenues in fine par le gouvernement de Emmanuel Macron, en particulier la création du crime d’écocide, la rénovation énergétique des bâtiments, la réduction du transport routier au profit du transport ferroviaire et la régulation de la publicité. Le gouvernement a toutefois mis de coté trois propositions, à savoir: la création d’une taxe de 4% sur les dividendes pour les entreprises qui distribuent plus de 10 millions de dividendes par an, la modification du préambule de la Constitution en vu d’y intégrer le concept de “préservation de l’environnement” et la réduction de la vitesse sur les autoroutes de 130 à 110 km/h. Ces réserves émises par le gouvernement sont discutables compte tenu du fait que les émissions carbone devraient être divisées par cinq d’ici 2050 en vue d’atteindre la neutralité carbone et que la France a réduit de seulement 1% ses émissions carbones en 2019 par rapport à 2018. En particulier, le rejet d’une taxation des dividendes a fait l’objet de vives critiques invoquant les pressions exercées par le Medef (Mouvement des entreprises de France). Quant à l’abaissement de la vitesse sur les axes routiers principaux, ce dernier aurait été souhaitable étant donné qu’une réduction de vitesse de 10 km/h entraine une diminution de 20% des rejets carbone.
Par ces décisions, le gouvernement défend une logique de “croissance écologique”, qui n’en est pas vraiment une… En l’état actuel, le concept de croissance, est étroitement lié aux mécanismes de génération de profits, ce qui le rend peu compatible avec les enjeux environnementaux contemporains. Evidemment les partisans du système ultra-libéral jugent déjà le contenu de ces propositions trop restrictif, comme c’est le cas de l’économiste Olivier Babeau qui a prévenu que ces propositions “transformeraient la France en Venezuela en deux mois”. Comme s’il n’y avait pas d’autres alternatives à un modèle basé sur la course à la croissance. Certaines propositions retenues annoncent malgré tout un pas en avant, à l’instar de la lutte contre l’artificialisation des sols ou le renforcement des droits sociaux dans la prochaine négociation de la PAC au niveau européen (Politique agricole commune).
La démocratie participative, clé de voute de la CCC ?
La CCC est issue de la réflexion menée autour du mouvement des gilets jaunes et du “grand débat national” mis en place par Emmanuel Macron, qui soutenaient une démocratie plus directe et participative. Certains ont salué le travail des 150, comme Nicolas Hulot qui a vu dans cette assemblée un exercice “d’intelligence collective”. L’idée de la CCC a aussi convaincue une partie de la société civile qui défend désormais la création d’une Convention citoyenne sur la sécurité afin de lutter contre les violences policières.
La CCC a réussi à dégager un véritable socle de principes issus de la volonté citoyenne. En témoignent le fait que les propositions ont été acceptées à des majorités pour la plupart proches de 90% et un tiers des propositions ont été traduites juridiquement, grâce au comité législatif attaché à la CCC. La concrétisation de ces propositions implique de légiférer, que ce soit par le biais d’un référendum, du Parlement ou d’actes réglementaires. Sur la base de l’article 11 de la Constitution française, Emmanuel Macron envisage de soumettre au référendum l’introduction du principe de protection de l’environnement dans l’article premier de la Constitution, l’introduction du crime d’écocide dans le code pénal ou encore des mesures plus spécifiques d’aménagement du territoire. Bien que le référendum est intéressant du point de vue de la démocratie directe, il ne peut pas porté sur n’importe quel domaine juridique, le droit pénal en étant par exemple exclu et par conséquent le crime d’écocide aussi.
La plupart des propositions de la CCC devront donc être adoptées à travers d’autres mécanismes législatifs. William Aucant, urbaniste et membre de la CCC estime que “pour décider [nldr dans le cadre d’un référendum], il faut savoir, ce qui implique un besoin d’information, que ce soit à travers l’éducation, les médias ou encore le carbone score (système de notation de l’empreinte carbone des produits)”. Tant d’un point de vue juridique que du dialogue social, les pistes explorées par les 150 permettent de mettre en lumière la nécessité d’un “nouvel outil de démocratie directe, qui ne soit pas strict référendum mais qui permette d’associer les citoyens non à la décision finale, mais sur des délibérations sur l’écriture du texte”. C’est le défi qui attend Jean Castex qui devra présenter un projet de loi d’ici la fin de l’été. Cette nouvelle phase laisse toutefois la place au doute, d’abord en ce qui concerne l’autonomie du groupe de travail par rapport aux parlementaires, de son poids dans les décisions finales et ensuite parce que le Premier ministre fraichement nommé n’est pas particulièrement connu pour son engagement sur le plan environnemental.