Du contrat historique à la crainte de la faillite
Comme nous le relations il y a quelques mois, la LFP se félicitait d’avoir propulsé le football dans une nouvelle ère au moment de confier les droits télévisuels à Mediapro. Six mois après seulement, voilà que le football français s’apprête à traverser la plus grosse crise économique de son histoire durant laquelle certains clubs pourraient y laisser leur peau.
800 millions d’euros chaque année pendant 4 ans : voilà ce qui devait révolutionner le football français. Et surtout, on vous croit sur parole, pas besoin de garantie ! Pour le nombre d’abonnés, 4 000 000 de français devraient bien filer 30 balles par mois pour regarder le plus beau championnat du monde… Et dire que des gens ont été payés (gracieusement à n’en douter) pour nous pondre une étude de marché pareille. Cela prêterait presque à sourire si on oubliait que des clubs risquent de faire faillite en mettant plusieurs centaines de salariés au chômage du fait de l’incompétence de certains. On ne peut pas dire non plus que tout ce beau monde n’était pas prévenu puisque, dès avril dernier, certains supporters étaient montés au créneau et que le Président du Directoire de Canal+, Maxime Saada, s’était inquiété dès l’attribution des droits à Mediapro du prix « déraisonnable » payé par le groupe sino-espagnol.
Lorsque l’on connait l’importance des droits télévisuels dans les finances des clubs aujourd’hui, il y a de quoi avoir peur. En effet, selon Sportune, durant l’exercice 2018-2019 et en excluant les revenus résultant des transferts, les droits télévisuels représentaient 50 à 75 % des revenus de la plupart des clubs. Cette saison, la part aurait certainement été encore plus importante du fait que les revenus de billetterie sont inexistants et que la vente de produits dérivés a pris du plomb dans l’aile avec la pandémie. D’autant plus que l’enveloppe que promettait Mediapro était largement supérieure à celle des années précédentes, certains clubs ayant anticipé ces revenus risqueraient bien de se retrouver dans une situation plus que délicate à la fin de la saison.
Canal+ et Bein ne joueront pas les sauveurs… bien au contraire !
Si pendant un temps la chaîne cryptée était espérée par les acteurs du foot français pour venir les sauver du fiasco, la réponse que celle-ci leur a envoyé ce lundi a été cinglante : Canal+ a tout bonnement boycotté l’appel d’offres de la LFP tout comme son partenaire Bein Sports. Pire, Canal + a contesté l’appel d’offres devant le Tribunal de commerce de Paris en estimant que celui-ci est « anticoncurrentiel » car partiel. Ce n’est pas vraiment étonnant puisque Canal cherchait lui aussi à remettre son lot en jeu, suite au retrait de Mediapro, estimant que son prix était désormais tronqué. Il est difficile sur ce sujet de leur donner tort lorsque l’on sait que Canal+ avait, en décembre, suite au refus de paiement de la part de Mediapro, payé plus que ces derniers pour seulement 2 matchs contre 8 pour le groupe sino-espagnol, en plus du choix des affiches !
C’est donc désormais la justice qui tient le destin de la Ligue 1 et du football français entre ses mains et surtout l’implication du diffuseur « historique » Canal+ là-dedans. Ce dernier a d’ailleurs repoussé la proposition de négociation gré à gré initié par le président de la LFP Vincent Labrune.
Quelques (faibles) offres tout de même
On apprenait lundi que des offres étaient néanmoins arrivées sur le bureau de la LFP ce lundi. Faibles certes, mais des groupes semblent intéressés par la diffusion de notre bon vieux football français. L’offre la plus intéressante semble avoir été celle formulée par le groupe Amazon puisque cela constituait la « bonne surprise » selon un membre du conseil d’administration de la LFP via RMC. DAZN, plateforme de streaming et Discovery notamment propriétaire d’Eurosport y seraient également allés de leur offre, mais aucune des trois citées n’a atteint le prix de réserve ce qui signifie que le football français peut bel et bien s’attendre à une crise économique sans précédent.
Il y aura bien évidemment un après Mediapro et il faut espérer qu’on revienne à une vision raisonnable, égalitaire et à long terme en ce qui concerne notre football. Il faudra apprendre de ses erreurs même si l’horizon semble encore s’assombrir avec l’hypothèse de la Super Ligue européenne où, là encore, les plus riches seront tout en haut et les plus petits se partageront les miettes en bas. Finalement, pour reprendre l’édito de Thomas Pitrel sur So Foot il y a quelques semaines, ne serait-ce pas la solution pour retrouver un championnat compétitif que d’exiler les plus riches qui en veulent toujours plus et jouer entre petits, « sans argent mais aussi sans problèmes.