Petite contextualisation

Pourquoi dit-on « Empire Romain d’Occident » ? À la fin du IV° siècle, l’Empereur Théodose était conscient des difficultés d’administrer une entité aussi vaste que l’Empire Romain. Je vous épargne les détails mais de nombreuses guerres intestines avaient déjà fragmenté l’Empire par le passé. Il décide alors, pour sa succession, de partager le territoire en deux grandes zones bien distinctes : l’Occident et l’Orient. Chacune d’entre elle serait dirigée par ses deux fils.

Les deux parties de l’Empire à la mort de Théodose en 395

La partie occidentale eut pour centre politique la cité de Ravenne tandis qu’en Orient, Constantinople était déjà capitale depuis quelques décennies.

De récurrentes séparations ayant déjà eu lieues par le passé, celle-ci aurait pu passer inaperçue si n’elle n’avait pas été la dernière. En effet, c’est à cette période que les Huns tentent une percée et se heurtent aux différents peuples germains frontaliers. Ces derniers les fuiront en franchissant le limes (frontière de l’Empire), et parfois dans la violence.

Ceci est l’élément déclencheur du siècle qui verra la chute d’un empire qui gouvernait l’Europe depuis plus de 400 ans.

« Invasions » : une conception erronée des évènements ?

Vous l’aurez compris, il faut nuancer cette idée pourtant longtemps utilisée par les historiens pour désigner cette période. Il est vrai que ces évènements ont fragilisé progressivement l’Empire mais ce dernier était déjà sur le déclin depuis quelques décennies.

Il s’agit en réalité d’une période migratoire sans précédent dans l’histoire de l’Humanité puisque la plupart des peuples « barbares » (au sens antique du terme : ceux qui ne sont pas de culture romaine) vont soit traverser l’Empire, soit s’y installer. Et chose qui peut surprendre, beaucoup d’accords furent passés avec les romains à ce sujet.

Prenez le temps d’admirer ce mic-mac

En effet, les romains ont soit accueilli les barbares fuyant les Huns, soit signé des traités de paix sous la forme de foedus. Ceci donne le statut de fédéré à un peuple, leur octroyant de fait le droit de vivre au sein de l’Empire. De nombreux foedus furent accordés, ce qui permit aux barbares de s’installer et de voyager au sein de l’Empire.

Vous l’aurez compris : le terme « invasion » est trop simpliste. Je ne peux hélas pas m’attarder sur l’ensemble des peuples, ce serait assez rébarbatif. J’ai effectué une petite sélection des plus captivants.

Des Wisigoths très voyageurs

Les Wisigoths font partie de ceux qui se déplacèrent le plus à travers l’Europe (suivez leur tracé ci-dessous pour y voir plus clair). D’abord en Orient à la suite de leur victoire sur les Romains à Andrinople (378) et du foedus qui leur fut accordé (382), ils continueront de se mouvoir jusqu’au Sud de la Grèce avant de remonter les côtes de l’Adriatique jusqu’au Nord de l’Italie.

Le long voyage des Wisigoths

La ville éternelle mise à sac

Une fois en Italie, pourquoi s’arrêter ? En 410, suite à l’échec des négociations avec l’Empereur Honorius, le Roi Alaric Ier décide de prendre Rome. Il s’agit d’une victoire écrasante pour les Wisigoths et un choc retentissant car la faiblesse de l’Empire est révélée au grand jour.

Le sac de Rome, représenté par une miniature française du XV° siècle

Il faut souligner que le roi formula l’interdiction de brûler les édifices religieux (comme la basilique Saint-Pierre) et d’épargner ceux qui s’y trouvent. Il ordonne également à ses soldats de ne pas violer les femmes. Pas si barbare que ça, finalement ?

« Alaric, roi des Goths » – Chronique de Nuremberg (XV° siècle)

Par la suite, les Wisigoths atteindront le Sud de l’Italie mais repartiront vers le Nord à la mort d’Alaric. Ils longeront les côtes méditerranéennes de la Gaule avant de se fixer en Aquitaine en 418 où un nouveau foedus leur sera accordé, les liant à l’Empire d’Occident. En 466, le roi Euric rompt le foedus et permet à leur territoire de s’agrandir.

Les royaumes wisigoths

Ils fondèrent alors le royaume de Toulouse, du nom de leur capitale. Tout au long de ce siècle, leurs possessions s’étendent puisqu’ils occupent un territoire remontant jusqu’à la Loire au Nord, une partie du littoral méditerranéen et même l’Auvergne.

Par la suite, l’expansion des Francs en Gaule et les attaques des Ostrogoths ont réduit ce territoire à la région de Narbonne. Les Wisigoths envahissent alors l’Hispanie et prennent Tolède pour nouvelle capitale. Ils y règneront jusqu’en 711, date de la percée musulmane en Espagne, où ils seront fondus dans la nouvelle société en place.

Quel périple ! Des traces de leur passage sont encore visibles dans le sud-ouest comme à Toulouse ou le cimetière wisigothique d’Estagel (Pyrénées Orientales).

Leur souvenir est aussi présent dans la toponymie locale : dans l’Aude se trouve la « Montagne d’Alaric » (non loin de Carcassonne). Les légendes locales racontent que le tombeau du roi Alaric (plutôt son fils, Alaric II) s’y trouverait accompagné d’un trésor…

La Montagne d’Alaric dans l’Aude – Crédits : Eric Andreoli

Ostrogoths et Vandales : pas en reste !

Le royaume ostrogoth en Italie

De leur côté, les cousins des Wisigoths se fixeront d’abord au sein de l’Empire d’Orient avant d’envahir l’Italie (à noter que le dernier Empereur romain a abdiqué depuis 476). En 493, les Ostrogoths dirigés par Théodoric le Grand possèdent la totalité de l’Italie et y établissent leur royaume.

Le royaume Ostrogoth à son apogée

Bien que Théodoric protège et maintienne beaucoup d’institutions romaines, latins et ostrogoths cohabitent mais ne « fusionnent » pas. La fracture culturelle est assez marquée, ne serait-ce que pour la religion : les uns sont catholiques, les autres sont ariens.

Le mausolée du roi Théodoric, situé à Ravenne

Le royaume a pour capitale Ravenne. Il s’étend en Gaule du Sud-Est et sur une partie des Balkans actuels. Il ne disparaîtra définitivement que dans les années 540-550, date d’une éphémère reconquête romaine. En 546, les Ostrogoths mettront eux-aussi la ville de Rome à sac…

Les Vandales

Ce peuple originaire de Pologne a également beaucoup voyagé. Il accompagna les Francs en Gaule à l’arrivée des Huns. Pour le coup, ce peuple se démarqua par sa violence (bien que là encore leurs exactions furent exagérées). Ils ravagent une partie des provinces romaines de la Gaule, avant de se fixer à partir de 409 en Espagne où ils retrouvent d’autres peuples germains : les Alains et les Suèves.

À noter que les Vandales ravagent également l’Italie puisque Rome est (encore) mise à sac par les troupes en 455.

Le sac de Rome de 455 vu par Karl Briullov en 1833-1836

L’arrivée des Wisigoths en Espagne les poussera à traverser le détroit de Gibraltar pour l’Afrique du Nord où ils fondèrent leur royaume. Leurs possessions s’étendirent même jusqu’en Sicile et en Corse.

Vaincus par la reconquête romaine, ils furent dispersés chez les Berbères ou en Orient. La langue française leur rend hommage puisque leur nom passa dans le langage courant.

Pour finir

Je n’ai pas parlé des Francs : ils se déplacèrent de la Germanie vers la Gaule où ils établirent leur royaume, bientôt appelé à s’étendre. Ils se tournent vers le christianisme après le baptême de Clovis entre 496 et 507. De son côté, Saint-Rémi les désignera comme les « gardiens du droit romain » (le concept d’invasion est donc bien relatif).

Ce royaume des Francs, vous le savez, est appelé à devenir, au gré de son histoire millénaire, notre France actuelle.

Quelle période ! On trouve de tout dans cette période passionnante, cependant très difficile à résumer. J’espère néanmoins vous avoir intéressé à la question.

Je vous quitte sur un hommage personnel à Albert Uderzo, dessinateur de talent, décédé récemment. Merci d’avoir lu et à très bientôt !

UDERZO et GOSCINY, Astérix et les Goths, DARGAUD, 1992 – Crédits : Musée Wisigothique virtuel

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