Le 27 mai 2015, sept officiels de la FIFA sont arrêtés à Zurich près du siège de l’instance. Ce coup de filet, porté par la justice américaine et le FBI, s’appuie sur une enquête longue de plusieurs années. Le rapport met en avant des affaires de corruption vieilles de 30 ans, évoquant près de 150 millions de dollars de pots-de-vin et de rétrocommissions perçus par des dirigeants de l’instance. De gros soupçons pèsent également sur l’attribution de différents événements internationaux, dont les Coupes du Monde 2018 en Russie et 2022 au Qatar, toutes deux octroyées en 2010.

Le 30 mai, Sepp Blatter, président de l’instance depuis 1998, est réélu en pleine tempête, avant qu’il n’annonce sa démission trois jours plus tard. Il occupe tout de même son poste jusqu’à l’organisation d’une nouvelle élection. Mais le 21 décembre, la commission d’éthique de la FIFA le sanctionne d’une interdiction de toute activité liée au football et ce pour une durée de 8 ans. Le Suisse, qui collectionne les frasques comme les casseroles, est mis en examen pour avoir signé un contrat défavorable avec l’Union caribéenne de football. Il en va de même pour Michel Platini, président de l’Union des associations européennes de football (UEFA) et candidat à la succession de Blatter à la FIFA. Le Français aurait reçu un paiement déloyal d’1,83 millions d’euros pour un travail de conseiller auprès du président de la FIFA.

La Cour d’appel de la FIFA réduira la sanction des deux hommes à 6 ans avant que Michel Platini ne soit blanchi en appel auprès de la justice suisse en 2018. Dans la foulée le français réagit : « J’espère que la FIFA aura le courage et la décence de lever ma suspension, puisque la justice a établi qu’il n’y avait pas de paiement déloyal ». Mais la Commission éthique de l’instance ne semble pas de cet avis. En décembre dernier, elle a déposé une plainte auprès du Parquet suisse pour demander la restitution des 1,83 millions d’euros. Une décision qui, selon le Français, revêt un aspect purement politique. Le but étant d’anéantir tout espoir d’une nouvelle candidature au sein des instances du football. Affaire à suivre…

  Le 26 février 2016, Gianni Infantino, alors secrétaire général de l’UEFA, remporte l’élection contre toute attente devant le Cheik bahreïnien Salman Al Khalifa. L’Italo-suisse prend le relais d’Issa Hayatou, président de la Confédération africaine de football (CAF) qui assurait l’intérim depuis la suspension de Blatter. Le camerounais sera par ailleurs condamné en 2018 – lui aussi ! – pour avoir signé un contrat illégal sur les droits du football africain avec la société française Lagardère Sports.

Les scandales liés à la corruption, plus jamais !

Gianni Infantino, en novembre 2019.

Pendant que les têtes tombent une à une, Infantino entreprend ses premiers grands travaux, avec notamment le passage à une Coupe du Monde de 32 à 48 clubs et l’instauration de l’arbitrage vidéo. S’il s’évertue à parler des scandales au passé, son mandat est marqué par de nombreux soupçons. En effet, dès ses premiers mois à la tête de l’instance en 2016, il se retrouve cité dans l’affaire des Panama Papers : il a co-signé au nom de l’UEFA en 2006, un contrat déloyal avec une société argentine pour l’obtention de droits télévisés.

En 2016, le fameux rapport McLaren fait l’effet d’une bombe, mettant en évidence l’existence d’un dopage institutionnalisé en Russie. Tandis que les autres institutions sportives ont condamné avec fermeté les sportifs et le pays des Tsars, selon les Football Leaks, la FIFA aurait évité par différents moyens de contribuer à l’enquête. Une prise de position incompréhensible… Vous vous souvenez de ces petits cotons que les Russes reniflaient avant de rentrer sur le terrain lors de leur parcours historique au Mondial 2018 ?

Les Football Leaks révèlent également un possible traitement de faveur de la FIFA envers le PSG dans le cadre du fair-play financier. Ce même fair-play financier qu’Infantino a initié en tant que secrétaire à l’UEFA. Et comme si ça ne suffisait pas, d’après Mediapart, le président (ou Parrain, au choix) aurait obtenu en 2018, la confirmation d’un contrat secret entre la chaine télé beIN Sports (Al-Jazeera à l’époque) et la FIFA à l’aube de l’attribution de la Coupe du Monde 2022, avant de fermer les yeux dessus. Le fait que Nasser al-Khelaïfi, qui cumule les accusations de corruption, soit à la fois président du club de la capitale et de beIn Media Group, accentue les doutes au sujet d’un potentiel conflit d’intérêt.

Des réunions secrètes avec le Parquet suisse ?

Ces derniers mois, des éléments plus récents viennent fragiliser l’image de Gianni Infantino. En juin dernier, le procureur suisse Michael Lauber, chargé de l’enquête de 2015 et de celle liée à l’attribution de la Coupe du monde 2006 et du fameux contrat co-signé par Infantino, est contraint de se récuser. Il aurait rencontré, au mépris du règlement, le président de la FIFA à plusieurs reprises en 2017. Cedric Redmund, un jeune procureur suisse, remplace alors Lauber aux commandes de l’enquête. Mais la semaine dernière, deux journaux, l’un suisse et l’autre allemand (le Luzerner Zeitung et le Süddeutsche Zeitung) annoncent avoir identifié le dernier participant des réunions secrètes, qui n’est autre que Redmund… L’étau se resserre.

Élu en juin dernier pour un second mandat de quatre ans, Infantino, alors unique candidat, aurait pu profiter de la collusion pour évincer ses adversaires. Le fait de s’informer sur les écarts de ses concurrents peut s’avérer très utile dans l’espoir d’une réélection. Ces rencontres auraient pu passer inaperçues, s’il n’avait pas déjà cherché à obtenir des informations sur ces potentiels concurrents par l’intermédiaire d’un proche, sept mois avant l’élection de 2015. L’Autorité de surveillance du parquet suisse, ne le cache pas : « M. Infantino envisageait alors une candidature à la présidence de la FIFA et avait intérêt à se renseigner pour savoir si les procédures FIFA (…) étaient dirigées contre [deux] concurrents directs pour la présidence ». Si les noms ne sont pas évoqués explicitement, il pourrait bien s’agir de Blatter et Platini.

Gianni Infantino aurait-il pu mettre sur pied son élection grâce à ces informations ? Le doute est permis. Les nouvelles révélations, témoignant des liens privilégiés qu’il entretient avec le Parquet suisse, doivent conduire la Commission éthique de la FIFA à reconsidérer sa légitimité à la tête de l’instance.

Décriée pour ses affaires de corruptions incessantes ou son laxisme envers le Qatar, où plus de 2700 ouvriers, immigrés pour la plupart, ont trouvé la mort sur les chantiers de la Coupe du monde 2022, la FIFA doit maintenant faire face aux allégations de collusion. Les partenariats louables et autres slogans solidaires ne suffiront plus à laver l’image d’une institution gangrenée depuis toujours par les magouilles.