Dans In wino veritas, on essaye de parler œnologie, certes, mais surtout de la « drinking culture » d’une manière générale. C’est pourquoi au sein de ce programme, tu as pu tomber sur divers articles traitant de vins bordelais mais également de mixologie. Et s’il y a bien un alcool fortement associé à cette dernière, c’est bien le rhum !
Des origines étymologiques diverses
Le « rhum » (écrit à la française donc) tient son origine de l’anglais « rumble » qui peut se traduire par plusieurs mots tels que vacarme, grondement, tumulte… Mais ce breuvage tient également son origine du latin saccharum officinarum : la canne à sucre, élément crucial de son élaboration.
Itinéraire de la canne à sucre
La canne à sucre, justement, parlons en. Elle pousse à l’origine en Nouvelle-Guinée à l’état sauvage, cette dernière voyage ensuite à travers l’Asie pour se retrouver en Inde. Les Arabes se servaient déjà à l’époque de ce trésor et de son sucre pour la conservation des plantes médicinales. Au fil des années, la canne à sucre se retrouve en Perse – actuelle Syrie – où Alexandre Le Grand l’emmène avec lui jusqu’à la péninsule ibérique. C’est donc d’Espagne qu’elle part à destination du Nouveau Monde à bord des caravelles de Christophe Colomb. Elle arrive dans les Caraïbes en 1493. Là-bas, elle est échangée contre du cacao et des tomates. Dès lors, la canne à sucre se retrouve aux Caraïbes, n’étant pas originaire de cette région, pour en devenir un aspect indissociable de sa culture.
Différences orthographiques
Au niveau orthographique, il existe trois variantes et chacune d’elle correspond à un type de breuvage bien spécifique. En effet, un rhum des Antilles Françaises s’écrira donc « rhum » (ces îles étant françaises, départements d’outre-mer depuis 1946), un rhum de tradition anglo-saxonne, quant à lui, s’écrit « rum » (à l’anglaise, logique tu me diras) et un hispanique est appelé un « ron » (même démarche). Plus que de simples traductions, ces trois écritures correspondent chacune à des critères bien spécifiques concernant ce que nous, Français, appelons « rhum ».
Car un « rum », dans sa conception même, n’est pas la même chose qu’un « ron » ou qu’un « rhum ». On est sur trois types d’alcool bien distincts. En fonction de comment tu l’écris, la nature du produit s’en voit intrinsèquement changée. Ce qui veut dire qu’avec juste l’écriture sur l’étiquette, tu peux être à même de savoir dans quelle aventure tu t’embarques !
Mais bon, comme Spectre est un média d’expression française, on ne va pas se faire chier et on va rester sur l’orthographe en vigueur en France.
Deux types de rhum
- Les rhums agricoles : faits et élaborés directement à partir de la canne à sucre broyée dans les distilleries. Allant de 40 à 59° (grosso modo), ces rhums là proviennent uniquement des Antilles Françaises ou Indes occidentales françaises (les fameuses French West Indies comme les appellent les Cainris). Elles sont composées, entre autres, par trois îles (les plus importantes en terme de superficie et de population), la Martinique, la Guadeloupe et Marie-Galante. Et les faiseurs de rhum façon « Antilles Françaises » ont été les premiers à déposer l’Appellation d’Origine Protégée (AOP) sur leur création. Dès lors, pour devenir véritablement un rhum agricole estampillé Martinique, Guadeloupe ou Marie-Galante, il faut respecter un cahier des charges ultra précis pour rentrer dans cette appellation là. Les rhums s’obtiennent par fermentation naturelle, donnant ainsi du vin de canne. Puis, grâce au procédé de distillation, on obtient ce qu’on appelle le « vezou » – c’est à dire le moût extrait de la canne à sucre – sorte de rhum blanc chiffrant entre 70 et 90°. Un vieillissement d’une durée de 1 à 3 ans intervient par la suite en fût/barrique. À savoir que le passage en cuve inox, lors du vieillissement, lui donnera une teinte blanche, légèrement trouble.
- Les rhums de sucreries (ou de mélasse) : élaborés à partir du produit de la raffinerie de la canne à sucre : la mélasse. Dès lors, du fait que ce type de rhum ne provienne pas directement de la canne, il y a moins de sucre et qui dit moins de sucre, dit moins d’alcool donc on va être sur des breuvages titrant entre 40 et 47°.
L’âge donné au rhum
Concernant le vieillissement et l’âge que l’on va donner à la bouteille, les Antilles Françaises optent pour la même démarche utilisée dans l’univers du whisky. Ce sera donc le plus jeune des fûts rentrant dans la composition du produit final qui donnera son âge. Les rhums anglo-saxons, eux, font la moyenne d’âge de tous les fûts issus de l’assemblage. Quant aux hispaniques, c’est le plus vieux fût qui donne son âge au rhum. Cette dernière méthode peut laisser place à des mélanges peu scrupuleux. En effet, croyant avoir acheté un rhum 18 ans d’âge, il se peut très bien que seul un petit pourcent de rhum 18 ans ait été utilisé dans l’assemblage quand les 99% restants sont issus de fûts 5 ou 8 ans.
Deux méthodes d’élevage
- La méthode Solera (ou réserve perpétuelle) : vieillissement en fûts de vin de Xérès. La Solera est très simple et fonctionne de manière pyramidale. Le fût le plus jeune se trouvant tout en haut et le fût commercialisé en bas. Le rhum, avec la part des anges, va passer dans tous les fûts de la pyramide. Dans les pays tropicaux, par exemple, la part des anges, cette évaporation d’alcool, est équivalente à 10/15% du volume total du fût et celui commercialisé va donc voir cette partie manquante remplacée par du rhum issu du fût se trouvant au-dessus. Et ce procédé va ainsi s’appliquer à toute la pyramide et remonter jusqu’au plus jeune des fûts, c’est à dire tout en haut. Avec la Solera, le produit final va acquérir chacune des particularités des fûts précédents et ainsi refléter la typicité de l’assemblage dans son ensemble.
- La méthode française : vieillissement horizontal en barrique.
Les embouteilleurs indépendants
Au même titre que pour le whisky, il existe des embouteilleurs indépendants dans l’univers du rhum. Les embouteilleurs indépendants, ce sont ces personnes qui vont venir sélectionner des fûts au sein de distilleries officielles et les faire vieillir afin de les revendre sous leur propre nom. Il y a Mezan par exemple qui, déjà, se caractérise par trois points cruciaux et essentiels à l’élaboration d’un bon rhum. Il n’y a pas d’ajout de sucre au produit final, ce qui veut donc dire pas de caramel liquide venant altérer sa couleur naturelle. Et dernier point, il n’y a pas de filtration à froid au moyen de serpentins givrés plongés dans les cuves. Ces principes, hautement respectés, ont forgé sa devise : Mezan, The Untouched Rum.
On peut également citer les rhums Plantation. Le cognassier d’origine Ferrand, actif dans le négoce de rhum, sélectionne donc des fûts, les fait vieillir à Cognac et les met ensuite en bouteille sous son nom, donnant ainsi vie à des rhums barbadiens… L’embouteilleur indépendant est un as dans l’art de l’assemblage et son labeur donnera des rhums qui, de facto, d’année en année ne seront jamais les mêmes, contrairement aux breuvages tout droit sortis de distilleries officielles où un seul et même standard est respecté par type de rhum pour garantir une constance au niveau du goût pour le consommateur. En gros, ton Havana Club 3 ans, il t’attendra toujours dans le rayon alcool, sa recette restera inchangée. C’est pourquoi les spiritueux émanants d’embouteilleurs indépendants sont très recherchés par les connaisseurs et autres collectionneurs car reflétants un assemblage et un savoir-faire uniques.
Le double vieillissement
Pour rester sur un embouteilleur indépendant comme Mezan, certains rhums de sa gamme appliquent la méthode de double vieillissement. Prenez le Mezan Panama, pour un vieillissement total de 10 ans, il commence à vieillir en Amérique Centrale (au Panama, non sans déc…) où le climat tropical va donc donner une part des anges de 10 à 15%, puis va terminer son vieillissement en Angleterre, climat tempéré, où cette dernière sera de 2%. On a donc deux lieux différents, on a donc double vieillissement. Ce procédé va venir ajouter une complexité et une richesse supplémentaires dans l’élaboration du produit et de sa palette aromatique à l’aide de parts des anges différentes.
Voilà, c’est tout pour moi pour l’instant ! Mais je reviens très vite vers toi pour une PART II de malade avec une brève histoire du rhum à base de curés pseudo alchimistes et de procès intentés aux escrocs de la profession et leurs rhums d’usine. Et si t’as encore soif, je te parlerai même des dark spiced rums et autres VSOP et XO…
Bon ! C’est pas tout ça mais je m’en vais m’en jeter un p’tit moi ! Tu me diras, il est bien l’heure de l’apéro alors quoi de mieux que cet article pour aller avec ton ti-ponch de janvier ! Je te laisse en bonne compagnie avec Link Wray et un morceau de circonstance.
Allez *hips* salut !