Les chantiers de la mort
Fin 2019, Le Guardian annonçait que le bilan des morts sur les chantiers des stades du Qatar s’élevait désormais à 2700. Mais attention, tout va bien comme le dirait Orelsan : d’après l’agence népalaise en charge du bien-être des travailleurs immigrés, la plupart d’entre eux nous ont quitté « d’une mort naturelle ». Nous voilà donc rassurés. 3 ans auparavant, c’était Amnesty International qui tirait la sonnette d’alarme en expliquant que les travailleurs sur les chantiers des stades au Qatar étaient victimes d’abus en tout genre : non-paiement de plusieurs mois de salaires, logements surpeuplés et même travail forcé, tel est le quotidien de plusieurs milliers de travailleurs chargés de finir la construction des stades pour la compétition de la FIFA.
Bien-sûr cela pose pas mal d’interrogations sur cette même FIFA et sa conscience morale. A ce train-là, le bilan pourrait s’élever à plus de 4000 morts au moment du coup d’envoi de la compétition.
Des Mondiaux d’athlétisme loin d’être rassurants
A l’inverse de nos confrères du journal Le Point, nous ne sommes pas vraiment dans l’optique d’annoncer que « oui, la Coupe du Monde 2022 peut se tenir au Qatar ». En effet, nombreux sont les points de désaccord avec Bertrand Sorre (député de la Manche LREM), Julien Borowczyk (député LREM de la Loire) et Grégory Galbadon (responsable LREM du projet de loi des jeux olympiques et paralympiques Paris 2024), que ce soit sur le Climat et l’impact écologique de l’attribution de ce genre d’événements sportifs au Qatar, sur le ressenti des athlètes ou encore le remplissage des stades. Non, pour décrire les Mondiaux d’athlétisme de 2019 nous n’aurions pas utilisé l’expression suivante : « loin d’être un fiasco ». Parler de « fiasco » sans la négation qui la précède aurait d’ailleurs été plus simple et représentatif : entre les nombreux abandons ou autres malaises, les athlètes ayant participé à cet événement seraient sans doute loin d’être d’accord avec l’analyse faite par les trois députés ou ex député. Yohann Diniz, meilleure chance française pour l’or sur le 50 Kilomètres Marche, a d’ailleurs été contraint de s’échauffer dans les couloirs de son hôtel comme il le fit savoir par le biais de son compte Instagram. Subissant les fortes chaleurs, celui-ci abandonnera après 16 Kilomètres seulement.
Au niveau des températures, celles-ci atteignaient jusqu’à 50°C en journée et ne descendaient pas en dessous de 30°C en soirée. Certes, durant la Coupe du Monde 2022, la période choisie fera que les températures devraient se situer entre 25 et 30°C, ce qui représentera déjà un vrai plus pour les sportifs. Néanmoins, la climatisation des stades afin que la température soit meilleure pour les footballeurs représente un réel désastre écologique, à l’heure où le réchauffement climatique nous menace un peu plus chaque jour.
Enfin, le remplissage des stades ne fut pas digne d’une grande compétition sportive internationale. Kevin Mayer (vice-champion Olympique du décathlon), contraint à l’abandon également en raison de blessures à Doha, s’en était d’ailleurs insurgé : « On voit tous que c’est une catastrophe, même si personne ne le dit. Il n’y a personne dans les tribunes, c’est triste. On n’a pas mis les athlètes en avant en organisant les Championnats ici, on les a mis en difficulté. »
Des droits de l’homme bafoués
On avait déjà évoqué certains problèmes entre cette organisation de la Coupe du Monde au Qatar et l’homosexualité puisque celle-ci est tout bonnement proscrite par la Loi au Qatar, cela pouvant conduire jusqu’à la peine de mort. Le responsable de l’organisation de cette Coupe du Monde 2022 Nasser El-Khater a tenu à mettre un peu d’eau dans son vin, sans mauvais jeu de mot en affirmant que tous les fans, sans exceptions seront les bienvenus. Quoiqu’il en soit, organiser une Coupe du Monde dans un pays ayant de telles lois en vigueur semble montrer à quel point la FIFA se soucie des droits de l’Homme.
Malheureusement ce n’est pas tout, la liberté d’expression est très limitée puisque l’on encourt l’emprisonnement à vie en cas de critiques formulées contre le gouvernement, le poète Mohamed Al-Ajami en avait d’ailleurs fait les frais en 2012.
L’esclavage et les travaux forcés sont monnaies courantes comme nous l’avons vu avec les travailleurs immigrés pour la construction des stades de football qui l’ont appris à leur dépens.
Un calendrier bousculé
Au rayon des problèmes ayant une moindre importance mais représentant tout de même de réels soucis : la période choisie pour l’organisation de cette Coupe du monde. En effet, la FIFA en étroite collaboration avec les autorités qataries, a fixé la compétition sportive la plus suivie au monde du 21 Novembre au 18 Décembre 2022, notamment pour éviter les chaleurs insoutenables que subit le pays du Moyen-Orient. Quid des championnats nationaux ou encore de la Ligue des Champions ? Le casse-tête pour les organisateurs de ces compétitions va être important : est-ce que l’on fait débuter les championnats plus tôt cette saison-là, ou plutôt décaler la fin de ceux-ci ? Ou encore, rajouter des matchs en semaine afin de combler le retard qui va être accumulé en hiver ? On ne sait pas encore ce que vont décider les têtes pensantes du football, mais on a quelques indications : en Angleterre, la Premier League devrait être jouée à quelques jours du début de la Coupe du Monde, posant de nombreux problèmes pour les sélections concernées dont la France, étant bien représentée Outre-Manche.
De nombreux appels au boycott de la compétition
On vous parlait juste avant du fait que la Coupe du Monde de football était l’événement le plus suivi à travers le monde, cela risque de ne pas vraiment être le cas en 2022. Effectivement, de nombreux appels au boycott se sont élevés depuis l’annonce de la tenue au Qatar de la compétition. Ainsi, Europe Ecologie les Verts (EELV) y est allé de son appel au Boycott, fondé principalement dans des intérêts écologiques. Les écologistes ne sont pas les seuls puisque plusieurs élus dont Régis Juanico (membre du mouvement Génération.s) et Jean-François Debat, Maire socialiste de Bourg-en-Bresse appellent les Bleus au boycott de la compétition en évoquant la « corruption » et la « cupidité » gravitant autour de l’attribution de celle-ci au Qatar.
En novembre 2019, le Président de la Fédération Allemande de Football Fritz Keller a annoncé que la Mannschaft ne jouerait plus dans des pays où les droits de la femme ne sont pas respectés. Est-ce que cela pourrait conduire à un boycott du Champion du Monde 2014 à la compétition de 2022 ? Rien n’est moins sûr puisque aucunes précisions n’ont été apportées, de plus la situation des droits de la femme au Qatar s’est améliorée depuis les années 90 : celles-ci ont de plus en plus accès à l’emploi quel qu’il soit, elles ont le droit de vote mais aussi le permis de conduire.
Néanmoins, ce sujet reste à surveiller puisqu’un boycott de l’Allemagne pourrait inciter d’autres grandes sélections à suivre le mouvement. Quoiqu’il en soit l’attribution de l’organisation de cette Coupe du Monde au Qatar suscite d’énormes controverses que ce soit sur le terrain politique comme celui sportif. Controverses qui risquent d’enflée à mesure que l’événement approche, affaire à suivre.