La Coupe du Monde 2022 se disputera sur un cimetière
L’année dernière, à la même époque, nous évoquions 2700 morts sur les chantiers des stades de la Coupe du Monde au Qatar. Un an et quelques enquêtes plus tard, The Gardian revoie son bilan : les décès ont plus que doublé, les portant au minimum à 6500. On se rassure : ce bilan porte sur 10 ans depuis que le Qatar a remporté l’organisation de la compétition et surtout entre 69 % et 80 % des ces morts sont considérées comme « naturelles » bien que quasi systématiquement privées d’autopsie.
Les autorités qataries ne contestent d’ailleurs pas les chiffres mais selon elles, la mortalité se trouve dans une fourchette normale concernant cette main-d’œuvre immigrée provenant notamment du Pakistan, du Népal, du Bangladesh ou encore du Sri Lanka. S’agissant des conditions de vie et de travail, parmi lesquelles une chaleur extrême pendant les heures de travail, circulez il n’y a rien à voir.
Pour la santé des joueurs il a été possible de décaler cette Coupe du Monde à l’hiver 2022 pour profiter des températures plus clémentes, d’autres n’ont visiblement pas eu cette chance.
Si on combine cela au fiasco des Mondiaux d’athlétisme de 2019 avec des abandons à la pelle, des joueurs s’échauffant dans leur hôtel, aux droits de l’Homme bafoués, aux calendriers des championnats bousculés, cela donne pas mal de raisons de remettre en question la compétition.
Cependant, cela n’a pas l’air d’effrayer les fédérations qui n’envisagent pas, pour la plupart, un éventuel boycott de la compétition, à commencer par notre douce France. Noël le Graët, président de la Fédération Française de Football a d’ailleurs réitéré ce début de semaine son souhait de voir les bleus au Qatar en 2022 en cas de qualification.
Néanmoins, certains clubs norvégiens ont fait la demande à leur fédération pour qu’en cas de qualification, la compétition soit boycottée par leur sélection nationale. On se souvient également que le président de la Fédération Allemande de Football Fritz Keller, avait déclaré en Novembre 2019 ne plus vouloir que la Mannschaft évolue dans des pays qui ne respectent pas les droits des femmes. Même si ces derniers se sont améliorés depuis les années 90 au Qatar, ce n’est pas encore la panacée. En témoigne d’ailleurs le « sans contact » entre le cheikh qatari et les femmes arbitres…
Jouons entre riches
Au niveau des clubs, c’est un autre projet qui fait parler de lui ces dernières semaines : la Superligue européenne. Celle-ci réunirait 20 clubs, les plus puissants d’Europe, les plus riches qui se partageraient des revenus à beaucoup de zéros. En effet, le choix des clubs se base sur des critères économiques et sur les performances des dernières saisons, ainsi en France le PSG serait par exemple prévu, de même que le Real et le Barça en Espagne ou encore les deux Manchester en Angleterre. Aux dernières nouvelles, ces clubs ne quitteraient pas pour autant la scène nationale sans que l’on en sache bien plus quant à l’organisation des calendriers.
Mettre les riches dans un championnat à part pour se partager un gâteau à plusieurs milliards d’euros, telle est la vocation de cette Superligue Européenne. Pour autant et à l’inverse de la Coupe du Monde 2022, celle-ci est extrêmement impopulaire à tous niveaux : des institutions telles que la FIFA ou l’UEFA ont fait savoir qu’elles ne reconnaitraient pas la compétition, tandis que les supporters ont fait savoir à multiples reprises leur dégoût pour cette compétition renforçant le système de classe entre les clubs.
Ces derniers, considérés comme le principal levier de défense du football populaire, ont appelé, par l’intermédiaire du Football Supporters of Europe (FSE) réunissant 139 groupes de supporters, à un partage plus équitable de l’argent en pleine crise du COVID-19 et ont rappelé que cette Superligue européenne était aux antipodes de cet objectif.
À contrepied de tout cela et non sans une pointe d’ironie, Thomas Pitrel journaliste pour So Foot nous partageait en fin d’année dernière son désamour du football actuel où ce sont toujours les mêmes qui sont champions, à savoir les plus riches et voyait d’un bon œil cette réunion des gros dans un championnat laissant les plus modestes retrouver une compétition de nouveau attractive car pas écrite d’avance, « sans argent mais aussi sans problèmes ».
Les bonnes résolutions post-confinement semblent donc bien loin aujourd’hui pour notre football. Alors qu’en décembre 2020, 22 joueurs étaient capables de sortir du terrain à cause de propos présumés racistes prononcés par un arbitre, qu’en sera-t-il lorsqu’il faudra fouler des pelouses d’enceintes où des milliers de personnes ont trouvé la mort pendant leur construction ?