Dans son programme de campagne, en marge des élections présidentielles américaines de 2016, Donald Trump avait formulé de nombreuses promesses. L’une d’entre elles était le retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris sur le changement climatique. Celui-ci fut annoncé le 1er juin 2017. Après le refus de l’un de ses prédécesseurs républicain, George W. Bush, en 2001, de ratifier le protocole de Kyoto, ce nouveau refus de se joindre à l’action climatique mondiale vient renforcer l’idée émise en 1992 par le père du premier cité, George H.W Bush, alors en poste à la maison blanche : « le mode de vie américain n’est pas négociable ».
Cette décision va dans le sens du nouvel ordre économique mondial désiré par Trump, qui tend vers une nouvelle forme d’isolationnisme. Les Etats-Unis ont désormais pour dessein de mettre en avant leurs intérêts économiques propres, et de « tourner le dos » à la scène internationale, ne s’en occupant que pour défendre ses intérêts, en contestant notamment les traités qui lui sont défavorables.
Cependant, les Etats-Unis demeurent toujours membres de l’accord puisque son article 28 stipule qu’« à l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date d’entrée en vigueur du présent Accord à l’égard d’une Partie, cette Partie peut, à tout moment, le dénoncer par notification écrite adressée au Dépositaire. […] Cette dénonciation prend effet à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la date à laquelle le Dépositaire en reçoit notification. » Coïncidence : le retrait officiel sera effectif le 4 novembre 2020, quelques jours avant la prochaine élection présidentielle américaine.
Les pieds dedans, la tête dehors
Les Etats-Unis ont donc participé aux deux dernières COP tout à fait « normalement », mais ont affermi leur position, alors même que la présidence démocrate semblait un tant soit peu encline à l’action climatique. Le nouveau président américain a davantage joué dans le camp des pays de l’OPEP et de ceux qui freinent l’action climatique. Barack Obama avait établi un plan climatique à travers la CDN américaine, dont le cœur consistait à éliminer progressivement le charbon comme moyen de produire de l’électricité. Il avait également promis une réduction des gaz à effet de serre entre 26 et 28% sur la période 2005-2025.
Donald Trump a balayé ces mesures d’un revers de main, et déclaré vouloir réduire considérablement son apport financier à l’action climatique, au profit d’autres institutions onusiennes. Ainsi, il a annoncé la cessation des contributions au fonds vert pour le climat, principal fonds destiné aux questions climatiques. C’est également un coup dur pour le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), dont les travaux étaient financés à hauteur de 45% par Washington, et dont les subventions ont également été coupées. Certains pays ont ainsi pris le relais, dont la France qui est devenue le plus gros contributeur de l’organisation avec une dotation annuelle d’un million de dollars (sur environ six millions).
Sur le plan national, outre la cessation de la contribution déterminée au niveau national (CDN) américaine, Trump a décidé de nommer à la tête de l’agence de protection de l’environnement (EPA) le climatosceptique et proche des lobbies pétroliers Scott Pruitt, dès sa prise de fonction. Il a également réduit de 31% les subventions octroyées à cet organisme, et de 18% celles de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) pour 2020.
De manière globale, il a été proposé de couper toute subvention à la Global Climate Change Initiative (GCCI) dans la proposition de budget fédéral 2019. Organisme créé en 2010 par Barack Obama, celui-ci regroupe tous les financements américains internationaux liés au climat, dont ceux destinés au GIEC et au Fonds vert pour le climat, notamment. Trump a également annoncé vouloir mettre fin à la politique d’augmentation des normes environnementales concernant les nouveaux véhicules construits, alors qu’environ un sixième des émissions de gaz à effet de serre américaine est le fruit des gaz d’échappement des voitures. Pourtant, en 2017, les Etats-Unis ont établi un nouveau record en matière de coûts financiers liés aux catastrophes naturelles, la NOAA les estimant à hauteur de 306 milliards de dollars, notamment à cause des ouragans Maria, Harvey et Irma.
La faiblesse juridique de l’Accord de Paris
Le retrait américain illustre la faiblesse de la contrainte juridique propre à l’Accord de Paris. Le retrait d’un membre n’est sujet à aucune sanction, et le fait qu’il n’existe aucune obligation à mettre en œuvre les CDN fait qu’il n’existe aucune force de dissuasion vis-à-vis du rétropédalage. « Des pays comme la Russie et le Brésil ne se sentent plus liés à l’accord de Paris puisque les USA ont décidé de se retirer. Cela donne comme signal que les Etats peuvent aller comme ils veulent dans cet accord de Paris au gré des résultats des élections » tel que l’affirmait François Gemenne à la RTBF.
Il est également symptomatique de la principale pierre d’achoppement liée à l’Accord de Paris : la question de la répartition des efforts et de la responsabilité historique. Si cet accord est le premier à engager toutes ses parties-prenantes, le niveau d’engagement demeure inégal à cause de l’absence de valeur contraignante de l’accord et de l’analyse que chacun des membres fait de la nécessité de l’appliquer. Une embûche historique qui avait consacré l’échec du Protocole de Kyoto, premier accord international sur le changement climatique.
La question du changement climatique, depuis qu’elle représente un enjeu international, a bien souvent été ostracisée de la realpolitik du parti républicain. Donald Trump, dans la lignée de Busch père et fils, a déclaré qu’il refusait de signer un accord portant atteinte aux intérêts de son pays, qu’ils soient économiques, culturels ou sociaux. Lors du sommet du G7 qui s’est tenu fin août, à Biarritz, en France, il affirmait « en connaître plus sur l’environnement que la plupart des gens » et qu’il voulait « un air propre, une eau propre » mais surtout « un pays riche, spectaculaire, avec de l’emploi ». Une nouvelle preuve – s’il en fallait une – du fait que le changement climatique est pour lui une question de second plan, venant après le bien-être intérieur de son pays. Une déclaration cohérente avec son attitude lors de ce sommet, où il n’a pas daigné participer aux discussions sur le climat.
Le climato scepticisme est une valeur que l’on peut ainsi dire partagée historiquement par pragmatisme par le camp républicain. Toutefois, chez Donald Trump, cela ressemble véritablement à une forme de négationnisme. Avant même sa prise de fonction, il s’était fendu de nombreuses déclarations corroborant cette idée. Celle-ci notamment, via un tweet en date du 6 novembre 2012 : « Le concept de réchauffement climatique a été inventé par et pour les Chinois de manière à rendre l’économie manufacturière américaine non compétitive ». Depuis son arrivée à Washington, le ton n’a pas changé : tantôt provocateur, tantôt dans la négation, il communique généreusement autour de la question. « Une vague de froid brutale et étendue pourrait battre tous les records – qu’est-il arrivé au changement climatique ? » tweetait-il en novembre 2018.
Ce tweet faisait suite à la publication d’un rapport gouvernemental paru deux jours plus tôt, affirmant que les conséquences du réchauffement climatique pourraient faire perdre des centaines de milliards de dollars aux Etats-Unis d’ici la fin du siècle. Trump a bien entendu réfuté la véracité de celui-ci, de même qu’il avait déclaré lors d’une entrevue donnée à la chaîne américaine CBS ne pas croire à l’origine anthropique du changement climatique.
Trump est donc le foyer de la vague de climato-scepticisme assumé qui gagne la communauté internationale. Il est le premier à outrepasser l’obligation morale de faire de la lutte contre le changement climatique un combat global et partagé. Un nouveau péril qui tend à s’étendre au vu de l’arrivée au pouvoir de dirigeants partageant ces valeurs. En tête : Jaïr Bolsonaro, élu président du Brésil fin 2018.