En dépit des procès qui lui sont régulièrement – et à juste titre – intentés, Internet a ce quelque chose de magique qui efface les limites du champ des possibles. Quelques clics, un message, et nous-voilà en contact avec l’un des héros ayant permis de dépoussiérer l’histoire d’un club qui n’attendait que cela depuis 32 ans. C’est en toute simplicité, à son image, que Jonathan a accepté de nous donner de son temps. Par téléphone, confinement oblige, mais avec sincérité et bienveillance.
Quel plaisir d’avoir de tes nouvelles Jonathan ! Tu es retourné vivre sur Reims, ville de ton enfance, à la fin de ta carrière. Là-bas, tu as intégré un club de R3, le FC Neuvillette Jamin. Tu joues encore cette année ?
Non, j’ai arrêté car je n’ai pas trouvé tout le plaisir que je recherchais au niveau amateur. J’avais aussi envie de profiter de mes week-ends, alors maintenant, je me contente de faire des five avec les copains. Je pratique également d’autres sports, mais j’ai arrêté le football de « compétition ».
Le terrain ne te manque pas trop ?
Non, je suis passé à autre chose. C’est surtout l’ambiance des stades qui me manque. Le terrain en lui-même, pour jouer en R3, ce qui me bloquait qui plus est tout un dimanche après-midi, ne me manque pas spécialement.
Tu t’es donc éloigné du monde du football, mais pas de celui du sport puisque tu t’es lancé l’année dernière dans un BPJEPS, pour te consacrer au coaching individuel. Entraîner une équipe ne t’intéresse pas, en définitive ?
Non, ça ne m’a jamais réellement attiré. J’aimais beaucoup l’approche de la préparation athlétique du début de saison. En tant que passionné de sport, le métier de coach sportif me semblait être une bonne reconversion. Cela me permet de travailler avec tout type de personne, de sexes, d’âges et de niveaux différents, et c’est vraiment très intéressant. Je ne voulais pas tourner autour de la sphère des joueurs de foot pros, qui, s’ils ont des niveaux différents, restent plus ou moins dans les mêmes schémas. Ce que j’ai beaucoup apprécié, notamment avec Thierry Cotte, à Saint-Etienne, c’est qu’à travers le travail collectif, il individualisait le travail athlétique. Avec les GPS, par exemple, on pouvait vraiment adapter les charges de travail. Je me suis rendu compte que c’était important pour progresser. Et c’est ce que je préfère faire : prendre une personne à un point donné et la faire évoluer vers son objectif. Il n’y a rien qui se ressemble, c’est passionnant.
Étant jeune, tu étais d’ailleurs doué pour plusieurs sports (tennis, basket, athlétisme, natation…) Pourquoi avoir choisi le foot ?
Parce que c’était le sport qui me procurait le plus de plaisir. J’y jouais en club, mais aussi à l’école, après la cantine. Donc j’ai naturellement choisi le foot. J’ai toujours eu de supers potes dans mes clubs amateurs et puis ça a bien tourné pour moi. Je pratiquais d’autres sports en dehors, mais ma passion pour le football a toujours primé.
Tu as intégré le centre de formation de Nancy à 16 ans, ce qui est assez tardif. Espérais-tu alors encore de faire une carrière professionnelle ?
Honnêtement, je n’ai jamais lâché. J’avais fait un essai non-concluant à l’AS Cannes, je sortais d’une très belle saison avec mon club amateur -15 ans nationaux et j’ai eu la chance d’avoir une opportunité avec Nancy. Je me suis donné à fond, j’ai fait un super match et ils m’ont recruté après. De plus, le Stade de Reims était en train de remonter tout doucement après son dépôt de bilan, donc si je ne trouvais pas de centre, je savais qu’ils allaient finir par en ouvrir un et qu’il y avait cette possibilité-là pour la saison suivante. Je n’étais pas ultra inquiet, je me disais : « si j’ai le niveau et que j’y crois, j’y arriverai. » Sinon, ça aurait voulu dire que je n’avais pas le niveau.
À Sainté, on t’a connu exclusivement arrière latéral. Mais tu as commencé plus haut sur le terrain.
J’ai commencé ailier-milieu gauche, ça dépendait du schéma tactique. Plus souvent milieu, quand même, car j’avais un gros abattement sur le terrain. Au fur et à mesure, j’ai reculé sur le terrain, pour finalement me retrouver arrière gauche avec l’âge, car en perdant de ses capacités de vitesse, cela devient plus difficile de faire des différences. J’ai toujours aimé défendre, même quand je jouais plus haut, donc c’est tout naturellement que j’ai suivi ce chemin.
Tu as commencé en pro en 2002, avec beaucoup de joueurs formés au club (Landry N’Guémo, Pape Diakhaté, pour les anciens Stéphanois). Vous parvenez à monter en Ligue 1 en 2005, et derrière, tu vis de très belles années sous les ordres de Pablo Correa. Vous laissez le souvenir d’une superbe équipe, avec d’excellents joueurs (Kim, Dia, Hadji…). Qu’est-ce que tu retiens de cette époque ?
J’ai eu la chance d’évoluer, tout au long de ma carrière, avec des joueurs de la même tranche d’âge. À Nancy, on avait un groupe très jeune, avec qui on a gravi tous les échelons. Quand j’ai signé à Sainté, j’étais un jeune trentenaire (29 ans), au milieu d’un groupe qui me ressemblait.
À Nancy, l’année où j’ai commencé, on luttait pour se maintenir en seconde division. Deux ans après on monte, l’année d’après on remporte la Coupe de la Ligue (2006), on finit 4èmes en 2008, on joue la Coupe d’Europe… C’était une logique de progression exceptionnelle, avec une belle bande de potes. J’en garde de supers souvenirs, on a marqué l’histoire de l’AS Nancy Lorraine. J’y retourne dès que je le peux, et suis d’ailleurs encore en contact avec certains joueurs.
En 2007/2008, vous êtes sur le podium durant la majeure partie de la saison, et perdez la troisième place lors de la dernière journée, sur votre seule défaite de la saison à domicile (2-3 face à Rennes). 12 ans après, ce match te reste-t-il toujours en travers de la gorge malgré votre belle saison ?
Non, ça fait bien longtemps qu’il est digéré ! Je pense que Rennes méritait de l’emporter. Marseille avait dans le même temps difficilement gagné contre Strasbourg. À un moment donné, Strasbourg égalise donc on nous demande d’arrêter d’attaquer. Mais dans ma tête, je savais que l’OM allait gagner, surtout au Vélodrome. Donc de toute façon il fallait gagner. Il y a des regrets, mais ceux-ci sont atténués car on ne méritait pas la victoire. Et ce n’est pas à ce moment-là qu’on perd cette troisième place selon moi.
Il y a d’abord ce match à domicile contre Marseille (22ème journée), où l’on mène 1-0 (NDLR : sur un but de Jonathan), avant que Samir Nasri n’égalise à 10 minutes de la fin. Mais celui qui reste vraiment en travers de la gorge, c’est ce match à Bordeaux (31ème journée), où – je n’ai pas peur d’utiliser ce mot – on se fait littéralement voler. C’était « l’affaire Micoud », qui attire Malonga vers le sol et obtient un pénalty. On prend deux cartons rouges, dont un pas forcément mérité (NDLR : Micoud avait ensuite été suspendu un match par la commission, et Jonathan faisait partie des deux joueurs expulsés). On était bien dans le match, et on perd au moins un point, alors qu’on avait même ouvert le score. Je pense qu’à côté de ça, le match de Rennes était anecdotique et que ce sont véritablement ces deux matchs qui nous ont fait glisser du podium.
Sur ces matchs de fin de saison, il y a donc beaucoup de communication sur ce qu’il se passe sur les autres terrains ?
Ça dépend du contexte. Il y a eu ce match, forcément, et aussi celui de la dernière journée, en 2011, face à Lens, la fameuse année où Monaco descend. Sept ou huit équipes étaient encore en danger et on nous avait dit que pour se maintenir, il fallait gagner et point barre. Lens était déjà condamné, et le match était plié assez rapidement, donc on a vite arrêté de demander les scores. Maintenant, avec les téléphones, on a facilement les résultats en direct, donc forcément, s’il faut adapter la tactique en fonction des résultats, il y a beaucoup de communication.
Ton aventure nancéenne s’arrête en 2011, avec l’arrivée de Jean Fernandez. Tu joues assez peu en première partie de saison et finalement, Sainté vient te chercher au mercato d’hiver. C’était une bonne surprise ?
Je commence la saison en tant que vice-capitaine mais le courant ne passe pas forcément avec le coach de l’époque. Je pense que j’arrivais en bout de cycle à Nancy, beaucoup de mes coéquipiers avec qui j’avais passé toutes ces années commençaient à partir. Il y avait aussi certainement une lassitude mentale. Du coup, je n’ai pas été très performant. J’ai dû jouer les neuf premières journées de championnat, on n’avait pas gagné un seul match. Le coach a donc commencé à me mettre sur le banc, ce que je peux aussi comprendre au vu de mes performances.
L’intérêt de Saint-Etienne a été une bonne surprise, oui, mais cette demi-saison n’effaçait pas tout ce que j’avais accompli avant. Je suis venu pour suppléer Faouzi Ghoulam, qui était le seul arrière-gauche de l’effectif. Christophe Galtier me connaissait bien depuis son passage à Sochaux, donc quand il a su qu’il y avait la possibilité de me faire venir, il a tout fait pour y parvenir. Et ça s’est fait en une semaine, entre le premier contact avec le club et mon arrivée.
Retrouvez la seconde partie de cette interview ici.