Lyon, quai Perrache, un samedi ensoleillé du mois de septembre. De la musique émane d’un immense hangar au bord du Rhône. Malgré l’aspect friche industrielle, le lieu est investi par des portants sur lesquels tous types de vêtements et d’accessoires sont accrochés. Masqués, ils sont nombreux à faire la queue pour rentrer, tous impatients de chiner des pièces coup de cœur. La boutique Vintage kilo market organise une vente éphémère de vêtements vintage. Devenues des événements quasi-incontournables, les ventes de vêtements de seconde main jouissent d’un public qui répond toujours présent.

Hangar « Heat Lyon » pendant la friperie éphémère de Vintage Kilo Market. © N’namou Sambu

La seconde main profite essentiellement du retour des tendances des années 80, 90 et début des années 2000. Le vintage est présent dans les médias et les défilés de mode depuis une dizaine d’années et les jeunes entre 18 et 25 ans ont contribué à redorer son blason. Bien loin des préjugés qu’on attribuait à ces vêtements « déjà portés », toutes les fashionistas se vantent désormais d’avoir des pièces de seconde main difficile à chiner.

Des modes de consommation qui changent

Les habitudes de consommation de la « génération Z » (née entre 1997 et 2010) vont de pair avec la maturité qu’elle a acquis. Auriane, 22 ans, étudiante en danse, avait pour habitude d’acheter ses vêtements dans les magasins de grande distribution avec ses parents. C’est une fois en études supérieures dans la ville de Saint-Etienne qu’elle a commencé à acheter de seconde main : « Mon engouement pour les vêtements vintage vient des médias et aussi d’une conscience écologique que j’ai commencé à prendre. »

Auriane vêtue d’un débardeur noir et d’une jupe taille haute à pois chinés dans la friperie La Belette à Saint-Etienne. © Auriane Velay

Théo, 21 ans, cherche quant à lui à trouver un mode de consommation alternatif et moins dépendant de la ‘’fast fashion’’ (des sortes de “fast food” de l’habillement comme H&M et Zara dans lesquels on rentre aussi vite que l’on en ressort). Il admet : « Pour l’instant, je suis encore dans un entre-deux, car je peux aussi bien acheter des vêtements neufs que des vêtements dans des friperies. Quand j’étais plus jeune, j’étais plutôt négatif sur la seconde main, car c’était surtout des vêtements de mon grand-frère que je récupérais. » Avec des vêtements plus résistants que ceux fabriqués dans la grande distribution, les consommateurs cherchent une certaine qualité.

Théo dans une tenue 100% seconde main. © Théo Chalendar

Un marché attractif

Les styles vestimentaires se développent, beaucoup plus travaillés avec un œil sur les modes qui se font et se défont. C’est dans cette brèche que les magasins et les sites s’infiltrent pour proposer des vêtements d’occasion intemporels.

Oriane, étudiante en philosophie, écume les friperies lyonnaises, stéphanoises et roannaises depuis l’âge de 16 ans. Influencée par les réseaux sociaux et son entourage qui commençaient à se rendre dans des boutiques de seconde main, la jeune femme a cultivé un amour pour le vintage.

Oriane dans un total look seconde main. Veste et baskets de marque : Vinted. Pull : Eurofrip. Pantalon : Emmaüs. Bracelet à perles : Ebay.
© Oriane Dury

La seconde main permet à la fois de surfer sur les modes du moment mais aussi d’acheter des vêtements de créateurs sans se ruiner. C’est la recette parfaite pour attirer des jeunes dont le budget ne vole pas très haut.  

Le marché est tellement attrayant qu’Oriane voudrait se lancer dans l’aventure en ouvrant sa propre boutique de seconde main en ligne : « J’ai beaucoup d’attrait pour l’histoire du vêtement et j’aimerais offrir un service personnalisé. En ligne, on a beaucoup plus de possibilités que dans une boutique physique, qui demande aussi un peu plus d’investissement. Il y a un vrai avenir dans la vente de seconde main, surtout en ligne. »

Un secteur qui se diversifie

Même si le prêt-à-porter cherche à surfer sur la tendance en proposant des vêtements d’inspiration vintage, il ne concurrence pas les petites boutiques comme Des pauses thé fripes dans le centre-ville de Saint-Etienne. « L’ambiance y est agréable, on peut chiner tout en dégustant un bon thé », raconte Auriane.

Devanture de la friperie Des pauses thé fripes situé dans le passage Sainte-Catherine, à Saint-Etienne. © N’namou Sambu

L’essor des sites comme Vinted, Depop et bien d’autres, participe à cette évolution de la seconde main. En quelques clics, les consommateurs trouvent ce qu’ils cherchent à bas prix. La crise sanitaire a permis à ces sites de croître davantage lorsque les commerces étaient fermés même si certains aficionados de la seconde main déplorent l’empreinte carbone du numérique.

Seconde main : témoin d’un engagement et d’une métamorphose sociale?

L’attractivité est également due à une prise de conscience sur l’achat de vêtements plus éthiques : « L’avantage de la friperie, c’est que quand tu achètes un vêtement Zara, ce n’est pas Zara qui touche de l’argent, tu fais fonctionner une économie circulaire », explique Oriane. 

Dans les grandes villes comme Lyon, des magasins un peu plus haut de gamme proposent de la seconde main. La différence avec des boutiques comme Emmaüs, c’est que les vêtements vendus correspondent à une tendance en particulier à destination d’une clientèle plus aisée et un peu plus âgée. Pour Théo, il y a là un phénomène de gentrification : « Avant, personne n’aimait ça. Les gens qui n’avaient pas les moyens, ils n’avaient pas le choix que d’acheter d’occasion. »

La seconde main s’est diversifiée et s’adresse à tous les ménages et à tous les âges, ce qui explique sûrement son succès. Ce ne sont pas forcément les coups de marketing et de publicité qui attirent le plus les personnes qui fréquentent ce type de commerce. Parfois, l’authenticité et l’histoire des vêtements vendus à des bas prix avec une très grande attention portée à la qualité du produit suffisent à convaincre.