Pas d’accession en première division malgré une série d’invincibilité qui dure depuis décembre 2018 : tel est le résultat des décisions prises par la FFF sur la saison des Vertes. Leaders durant la majeure partie de la saison, elles doivent cette déconvenue à un quotient nombre de points/nombres de matchs inférieur à celui des Havraises. Ces dernières, qu’elles avaient largement battu au mois de décembre (4-1), comptaient provisoirement trois points d’avance grâce à leur match supplémentaire joué début mars, quand dans le même temps, les Amazones voyaient leur déplacement sur le terrain d’Yzeure reporté. En cas de match disputé et remporté dans l’Allier, elles auraient affiché le même quotient que leurs concurrentes directes, qu’elles auraient devancées au goal average simple comme particulier. Une situation que regrette forcément le coach Jérôme Bonnet, « écoeuré » par « cette forme d’injustice », comprenant toutefois que la Fédération devait trancher.

Jérôme, on vous imagine abasourdi après avoir pris connaissance de cette terrible décision, qui risque de vous priver d’une montée plus que jamais méritée.

C’est vrai que le premier sentiment qui est venu après l’annonce de la fédération, c’était la colère et l’écœurement. Quand on vit la saison qu’on a vécu avec tous les enjeux, toute la pression… Il ne faut pas oublier le contexte, bien évidemment il faut relativiser par rapport à tout ce qui peut se passer en France et dans le reste du monde à cause du coronavirus. Il y a des choses beaucoup plus graves, mais ça a été dur à encaisser pour le staff et pour les filles qui étaient toutes dans l’attente du dénouement de cette saison. On savait pertinemment qu’il y aurait des déçus et des contents, mais c’est une forme d’injustice par rapport à la saison qu’on a fait.

Est-ce que vous comprenez ce règlement, qui pour le coup peut sembler logique, mais beaucoup moins dans la mesure où vous comptez un match de retard ?

Je n’aurais pas voulu être à la place de la fédération. Quel que soit le mode de calcul ou les différenciations qui ont été évoquées par les clubs, les districts, les ligues, il fallait trancher. Je pense qu’elle a pris la bonne décision en arrêtant le championnat. Même si le déconfinement est prononcé, je ne sais pas comment ils auraient fait pour mettre les filles dans les meilleures conditions. Maintenant ce mode de calcul était une solution, mais elle n’est certainement pas la plus juste pour nous. La fédération a voulu uniformiser et harmoniser par rapport à tous les championnats, ce qui est normal puisque cela évitait les cas par cas.

Cependant, je pense que notre championnat est totalement différent par la situation que nous vivons à l’heure actuelle, c’est à dire avec un match en moins à la suite d’un report douteux du match d’Yzeure. Je ne rentrerai pas dans les détails, mais effectivement ça nous prive d’un match. Est-ce qu’on l’aurait gagné, est-ce qu’on l’aurait perdu ? Je ne suis pas devin, je suis incapable de vous le dire. En tout cas on y allait pour le gagner. Donc effectivement, ce match éventuellement gagné nous aurait certainement placé à égalité de points avec Le Havre, qui, par les règlements de la fédération, ne serait pas monté. Cela n’est pas normal dans le sens où l’on ne peut se baser sur un calcul mathématique sans véritablement prendre en compte la dynamique. Des matchs n’ont pas été joués, pourquoi attribuer des points à des matchs qui n’ont pas été joués ? Une victoire c’est 3 points, et pas 2,46 points. Pour moi, c’est là où le bât blesse. Il fallait arbitrer, c’est ce qu’a fait la fédération, mais on va attendre l’homologation de tout cela et ensuite engager les recours nécessaires dont le club se réserve le droit.

En quoi consisterait éventuellement ce recours ? Nos confrères de Paris-Normandie expliquaient ce matin qu’un barrage pourrait éventuellement être disputé entre Havraises et Stéphanoises.

J’ai vu en effet que Paris Normandie avait évoqué cette solution. Maintenant, sur quoi se basent-ils ? Je ne sais pas du tout. Une chose est sûre : s’il y a un barrage à faire, je n’y serai favorable qu’à partir du moment où toutes les conditions sanitaires seront mises en place afin de ne pas mettre en danger l’intégrité physique des joueuses. C’est le plus important. Un barrage, cela peut être éventuellement une solution quand l’on voit que la D1 Arkema n’a pas du tout fini son championnat. Je ne comprends pas pourquoi il a été décidé d’arrêter la D2 et pas la D1. Selon la décision, on se préparera, mais je pense que la meilleure solution était d’arrêter le championnat au même nombre de journées et de regarder le classement à ce moment-là. Je pensais d’ailleurs qu’ils allaient privilégier cette solution. Pour le moment on en est là, mais comme après toute décision il y a possibilité de faire des recours et je pense que l’ASSE va le faire.

Je pense également que l’on mérite tout autant que Le Havre de monter en D1, on l’a d’ailleurs prouvé cette année : on a fini champion d’automne, on est invaincu, on a battu Le Havre. Au final on nous enlève cette possibilité alors qu’on a fait un parcours presque idéal, je dis bien «presque» puisqu’on a perdu des points bêtement contre Saint-Denis ou encore à Nice… On sait très bien que dans un championnat il y a parfois des baisses de régime et des équipes qui jouent crânement leur chance, en mettant tout en place pour grapiller des points en vue de leur maintien.Je n’en veux pas au Havre, elles n’y sont pour rien. Mais je pense que désormais, en l’état actuel des choses, la décision la plus juste serait de faire monter Le Havre et Saint-Etienne.

Comment les joueuses ont-elles réagi à cette triste nouvelle ?

Les émotions ressenties face à ce genre de décision sont propres à chacune d’elles. Pour avoir vu les différentes réactions du groupe quand on a annoncé la décision, il y a eu forcément de la colère, de l’incompréhension, de l’écœurement, de la frustration, de la déception. Elles sont extrêmement déçues compte tenu de l’objectif et des sacrifices qui sont faits, au niveau familial notamment. Certaines concilient sport et études avec des examens importants et d’autres travaillent avant de venir s’entraîner. C’est compliqué de se voir injustement privés d’une potentielle montée alors que les championnats sont arrêtés. Elles ont pris ça comme une injustice, même si elles n’en oublient pas pourquoi le dernier match ne s’est pas joué. Mais c’est très problématique et cette décision et cette fin de saison vont laisser beaucoup de traces.

Que leur avez-vous dit ?

Ce que j’ai dit aux filles, c’est qu’il faut vraiment qu’on garde espoir et qu’on reste positif, confiant. On va se projeter sur les deux scénarios possibles, que sont la D1 et la D2. Et quand on aura tous les éléments, elles pourront prendre des décisions. Mais il est hors de question de se laisser abattre et de ne plus rien faire. Elles ont un programme qu’elles doivent continuer à suivre, car on ne peut pas arrêter 5 mois, qu’elles reprennent à Sainté ou ailleurs. Il est donc important qu’elles entretiennent leur condition physique pour rattaquer en juillet ou en août. Et puis on ne sait jamais, si la fédé décide de nous faire jouer un barrage – ce qui, je pense, n’arrivera pas – ou de nous faire jouer pour X raison… On attend avec impatience l’issu du recours, et puis viendra l’heure de la projection pour tout le monde.

Une non-montée remettrait-il en question votre projet sportif ?

Avant de répondre à votre question je vais quand même repréciser les choses. A l’heure actuelle rien n’a été figé. Comme je vous l’ai dit, l’ASSE va aller en recours donc le club n’est ni en D2 ni en D1. Officiellement, on ne sait pas ce qu’il en est de tout ça. Je serais donc incapable de vous répondre à l’heure actuelle puisque moi, j’arrive en fin de contrat et de toute manière, je pense que le club prendra les décisions qu’il a à prendre par rapport à ce projet. Je sais que ça tient particulièrement à cœur aux présidents, que ce soit M. Romeyer ou M. Caïazzo, mais encore plus au président de l’association, Jean-Marc Barsotti, qui s’investit longuement durant ces trois années pour que le club accède à la première division.

Donc forcément je pense que tout le monde prend un coup. Enfin voilà, on peut prendre des coups, tomber, mais il faut se relever et repartir. Mais de quelle manière ? Comment ? Avec qui ? Pour le moment, je suis incapable de vous dire ce qu’il en est sur le projet de l’AS Saint Etienne l’année prochaine. Et je ne me permettrai pas d’avancer des infos que je n’ai pas ou de donner des chemins à prendre si je ne suis pas là, forcément…