On parle de « Big waves » lorsque celles-ci dépassent les 6 mètres. La glisse, si elle semble moins technique, demeure très exigeante. Les vagues sont bosselées et la moindre faute peut conduire à l’accident. Au jeu de la plus grosse un brésilien domine les débats. Rodrigo Koxa détient le record du monde de la plus haute vague jamais surfée depuis 2017, 24,38 m à Nazaré (Portugal). Il a détrôné l’américain Garrett McNamara et ses 23,77 m surfés en 2011 sur le même spot. Ce dernier, dont la vidéo a fait le tour du monde, a largement contribué par son exploit à populariser le site portugais. Mais ces derniers mois, une Française monopolise l’attention. En novembre, Justine Dupont, 28 ans, surfait une vague comprise entre 21 et 23 m (en attente d’homologation), toujours à Nazaré, battant ainsi le record de 20,72 m établi par Maya Gabeira (Brésil) sur le spot lusitanien. Les deux femmes sont engagées dans un mano a mano depuis quelques années, effaçant sans cesse leurs records mutuels. Et, dans une discipline plus largement pratiquée par les hommes, Justine et Maya ne cessent de dompter ces monstres que les plus grands surfeurs mondiaux jalousent.

Vous l’aurez remarqué, le must de la « big wave » se trouve à Nazaré, sur la pointe sud de la Praia do norte où la nature offre régulièrement des murs de plus de 15 m grâce aux fonds marins propices à la formation de ces vagues. En effet, un canyon sous-marin de 170 km et profond jusqu’à 5 km par endroit canalise la houle. Celle-ci gagne en puissance avant de rencontrer la falaise. Elle remonte alors brusquement aux abords des côtes pour former de gigantesques vagues. Comme les images parlent davantage, nous vous proposons une courte vidéo pour mieux comprendre ce phénomène.

Mais s’il apparaît comme le spot roi, Nazaré n’a pas le monopole de la vague géante en Europe comme à l’international. Belharra, au large de la côte basque française, gratifie les surfeurs locaux de vagues dépassants les 10 m lorsque les tempêtes océaniques amènent un flux d’ondes importants. Sans oublier Mullaghmore Head, en Irlande, où un phénomène météorologique local, le « Viking Storm » (littéralement tempête Viking) provoque d’importantes vagues au mois de Mars.  

Il faut se rendre dans le pacifique pour trouver la plus grande concentration de spots de gros. Aux Etats-Unis d’abord. Mavericks à Los Angeles est réputé pour sa dangerosité. La faute aux nombreux rochers non submergés et aux séries de vagues rapprochées. Le célèbre hawaïen Mark Foo fait partie des nombreux big wave riders qui y ont trouvé la mort. Plus au large, c’est le spot de Jaws, sur l’archipel d’Hawaï qui se popularise. En période hivernale, ses gigantesques vagues déferlent jusqu’à 50km/h et se referment avec une force inhabituelle. Jaws (mâchoire en anglais) porte bien son nom mais la profondeur de ses fonds lui confère un surf moins risqué. Le free-surfer Laird Hamilton y a construit sa légende en déferlant secrètement sur le spot durant des années. Il le dévoilera ensuite au grand public en y développant la technique de tow-in visant à se faire tracter par un jet ski pour se lancer.

Voici une carte non exhaustive des spots de big waves mondiaux.

Au sud d’Hawaï à Tahiti, on retrouve le spot français de Teahupoo, « le mur des têtes » en langue locale. Ses vagues, très photogéniques, sont mondialement considérées comme les plus propres et linéaires. Le spot recevra d’ailleurs les épreuves de surf pour les JO français de 2024. La proximité du récif corallien et la faible profondeur du site induisent tout de même de gros risques pour les surfeurs qui ne reviennent pas toujours indemnes de leurs sorties tahitiennes.  

La pratique du surf de gros reste une discipline très accidentée malgré les nombreux moyens développés pour assurer la sécurité des riders. L’un des principaux dangers réside dans la température de l’eau, le surfeur doit constamment lutter contre l’hypothermie, les vagues géantes survenant principalement pendant l’hiver. Alors ils s’affublent de combinaisons néoprènes intégrales, chaussons, gants et capuche. Souvent, ils portent un gilet rempli de pain de mousse permettant de minimiser l’impact dû au choc ainsi qu’une flottaison importante pour prévenir la noyade. Le leash, ce câble reliant le surfeur à sa planche, est choisi méticuleusement afin d’éviter que celle-ci ne l’entraine brusquement et lui brise la jambe. De même pour la planche, ils optent pour une board plus longue (gun) et donc plus stable. De plus, la méthode du tow-in évoquée précédemment aide le surfeur à se lancer, réduisant les risques de take-off manqué (le moment où le surfeur se lève sur sa planche) synonyme d’un bon gros tour de machine à laver. Mais surtout, comme le soulignait Justine Dupont pour le magazine les others, le surf de gros rapproche les surfeurs. Ils font preuve d’une grande solidarité devant le caractère exceptionnel de ces vagues.

En surf de gros, l’atmosphère est très différente, il y a beaucoup plus d’échange, de partage et d’entraide entre surfeurs. 

Justine Dupont

En tout point, le surf n’est pas un sport comme les autres. Pour beaucoup, il s’apparente davantage à un art de vivre, proche du mystique. Ces longues heures passées dans l’eau offrent une réelle proximité avec la nature dans un cadre idéal pour la méditation. Le surfeur est en quête perpétuelle. En quête personnelle en premier lieu. Il brave sa peur pour en découvrir ses limites. En quête de nouveauté, de records ensuite. Et le surf de gros en est l’illustration ultime. Comme l’alpiniste à la recherche d’une nouvelle voie, le surfeur est guidé par l’inédit. Mais surtout en quête de plaisir, d’adrénaline, de ce sentiment qui donne l’impression qu’on ne ressentira plus jamais quelque chose d’aussi fort.

« Le surf c’est la source, ça vous change une vie »

Tyler (Lori Petty), Point Break.