30 octobre 1960, naissance d’un génie aux épaules solides
Diego Armando Maradona grandit dans un milieu très modeste à Buenos Aires, au beau milieu du bidonville de Villa Fiorito. Très vite, il fait du football un objectif, une ambition mais une aussi une porte de sortie de la précarité ambiante dans laquelle lui et sa famille vivent. En effet, on se rend compte très vite qu’il a déjà quelque chose en plus au bout de ses pieds et il comprend dès lors que c’est lui et lui seul qui pourra changer ce quotidien morose. Il assume cette responsabilité à l’adolescence et permet à sa famille d’être logée par le biais du club Argentinos Junior dans lequel il évolue. Cette précoce maturité, c’est son petit frère Raul qui en parle le mieux : « à 15 ans, comme il gagnait pas mal d’argent, Diego est devenu comme un père très jeune. Il a rendu notre quotidien plus confortable ».
A l’époque, il attirait déjà recruteurs et médias, auxquels il confiait avoir trois rêves : jouer en première division, jouer une coupe du monde et la gagner. Rien que ça.
Et les rêves se réalisèrent
Moins de 15 ans plus tard, non seulement ses trois rêves devinrent réalité, mais Diego Maradona marqua au fer rouge l’édition 1986 de la Coupe du monde de football de son empreinte.
Contrairement à un joueur comme Zinédine Zidane, ce ne fut pas sa performance en finale qui resta dans la mémoire collective, malgré que celle-ci fut belle, avec notamment une passe décisive sur le but vainqueur de l’Albicelste à 5 minutes de la fin de la rencontre. Ce fut deux tours auparavant qu’El Diez marquait à tout jamais l’histoire du sport le plus populaire du monde. Face à l’Angleterre de Gary Lineker qui finira meilleur buteur de la compétition devant le génie argentin, Maradona inscrit un doublé et qualifie sa sélection. Et comme Diego ne fait jamais rien comme les autres, il inscrit le premier de la main que l’arbitre de la rencontre ne vit pas sur le moment (la VAR ne faisant pas partie du football de l’époque). Un tel but aurait pu déclencher les foudres pour n’importe quel autre joueur (les Français se souviennent notamment de l’abattage médiatique qu’avait subi Thierry Henry pour un tel geste face à l’Irlande), mais quand c’est Diego Maradona qui l’effectue, on en appelle à la divinité : « La main de Dieu » déclarait le principal intéressé. Divin, comme le second but inscrit par El Pibe De Oro dans ce même quart de finale face à l’Angleterre, en passant en revue la presque intégralité de l’effectif anglais avant de marquer. « Le but du siècle ». Comme pour rappeler à qui nous avons à faire. Un but stratosphérique qui est encore considéré aujourd’hui par beaucoup comme le plus beau but de l’histoire du football. À la fin de la compétition il fut élu meilleur joueur de la compétition.
Ce doublé est le symbole même de l’ambivalence qui caractérisa Diego Maradona tout au long de sa vie.
Comme il y a eu Gainsbourg et Gainsbarre, le Renaud et le Renard…
…Diego Maradona a lui aussi le droit à son double maléfique. Il y a le Diego qu’on connait sur un terrain de football capable de tout avec le cuir entre les pieds, et puis le Diego plus sombre, celui qui sombra notamment dans la drogue.
Diego Maradona ne s’est pas contenté de marquer l’histoire argentine aux Argentinos Juniors, à Boca ou encore en sélection. À seulement 21 ans il traverse l’Atlantique et débarque à Barcelone. Il inscrira 38 buts en 58 matchs sous les couleurs Blaugranas et remportera une Coupe du Roi ainsi qu’un trophée de meilleur joueur du championnat lors de sa première saison. Néanmoins, cette aventure sous le maillot du Barça ne restera pas dans les annales de la carrière de Diego, ce dernier ayant notamment croisé la route du boucher Andoni Goikoetxea en 1983 qui l’éloigna des terrains pendant plus de trois mois.
C’est donc deux ans plus tard qu’il débarque à Naples et que peut débuter une histoire à la fois sentimentalement forte mais également destructrice pour. Maradona trouva finalement, en 1984 à son arrivée en Campanie, une ville à son image : capable du meilleur comme du pire.
Le meilleur d’abord, « le sauveur » offre ses deux premiers (et seuls à ce jour) titres de champion au Napoli en 1987 et 1990 en plus d’une coupe d’Italie en 1987 mais aussi d’une Coupe de l’UEFA en 1989. Le premier titre laissa d’ailleurs une trace indélébile dans la mémoire de Diego Maradona, comme bien-sûr dans celle de tous les tifosis Napolitains : « Ce fut le Scudetto de toute une ville. Les Napolitains avaient compris que le titre ne revenait pas forcément aux riches mais aussi à ceux qui luttaient dans l’adversité. Pour ces gens-là j’étais le capitaine du bateau, le porte-drapeau » déclarait El Diez.
Toujours rongé par une face plus sombre, c’est à Naples que celle-ci sera décuplée. Peu après son arrivée dans la ville italienne, il se fait voler sa voiture. Il ne le sait pas encore, mais ce sera en fait son premier pas dans la Camorra qui gangrène la ville Napolitaine. Approché par celle-ci, le génie argentin n’eut pas vraiment le choix d’accepter ses services de « protection ». Il plongea alors dans le Naples sombre, le Naples de la nuit et de la drogue. Dès lors, plus rien ne sera plus jamais comme avant. Il y a eu un dernier coup d’éclat en sélection en parvenant à qualifier son pays pour la finale de la Coupe du Monde 1990, où l’Allemagne prendra finalement sa revanche sur l’Albiceleste. Maradona quitte Naples par la petite porte en 1991 (après s’être vu infliger 15 mois de suspension suite à un contrôle positif à la cocaïne), en laissant néanmoins une trace immense (sans mauvais jeu de mot) dont la ville restera marquée à vie, en témoignent les images provenant de celle-ci à l’annonce de la mort de Diego.
Il tentera néanmoins de rebondir à Séville puis dans son pays aux Newell’s Old Boys puis à Boca Juniors pour un retour à la symbolique forte. En vain. Il ne retrouva jamais son niveau d’antan.
L’ensemble de sa carrière lui permit tout de même de recevoir le Ballon d’Or en 1995.
Pour sa reconversion, il passa par les métiers de commentateur sportif ou encore d’entraîneur dont la plus célèbre expérience fut celle sur le banc de son Albiceleste. Néanmoins, les meilleurs souvenirs sont certainement quelques unes des ses surréalistes conférences de presse.
Mais Maradona était aussi celui capable de relativiser la place du football dans la vie, en expliquant aux journalistes que celui qui a la pression n’est pas celui qui entraîne une équipe à l’aube d’un match important, mais plutôt celui qui se lève très tôt chaque matin sans avoir la certitude de pouvoir ramener à manger à sa famille.
L’histoire retiendra qu’El Diez s’en est allé 15 ans jour pour jour après George Best, footballeur anglais lui aussi pétri de talent et de vices, mais également seulement 4 ans jour pour jour après son ami cubain Fidel Castro.
Maradona c’était tout ça et bien plus encore. Un talent hors-normes tout droit sorti des quartiers les plus pauvres d’Argentine. Un mythe, auquel chaque argentin s’est accroché et s’accroche toujours, en témoigne le tremblement de Terre à l’origine de sa mort là-bas. Un homme entier et de convictions portées à gauche, débordant de génie et de vices qui ont finalement réussi à prendre le dessus. En tout cas pas dans nos mémoires, nous garderons plutôt les marées humaines et le respect qui entouraient El Pibe de Oro de partout où il passait, ainsi que ce pied gauche magique qui a fait frissonner toute une génération d’amoureux du ballon rond. Finalement, comme le dit son compatriote argentin Juan Martin Del Potro, on a un peu l’impression que tu retournes à l’endroit qui t’appartient Diego, le ciel.