Dimanche, à la Beaujoire, Claude Puel a encore surpris son monde : première apparition de Franck Honorat sous le maillot vert dans un rôle de piston droit qui n’est habituellement pas le sien ; réapparition de Moukoudi, qui était au placard depuis la prise de pouvoir du nouveau coach stéphanois, au détriment de Loïc Perrin ; première titularisation en Ligue 1 pour Mahdi Camara et retour dans le 11 de Miguel Trauco, pour la première fois depuis le derby. Ajoutez à cela les quelques minutes accordées au revenant Assane Diousse – qui n’était plus apparu en vert depuis janvier dernier et un match catastrophique en Coupe de France face à Dijon – et on miserait presque sur une titularisation de Léo Lacroix face à Montpellier dans deux semaines (pas forcément déconnant au vu des dernières prestations de Kolodziejczak).
Mais finalement, le mot « surpris » est peut-être mal choisi, lorsque l’on jette un œil aux habitudes de celui qui avait entre autres lancer Eden Hazard, Alexandre Lacazette, ou encore Mathieu Debuchy et Yohan Cabaye dans le grand bain : faire confiance aux jeunes et n’exclure personne. Le contexte de son arrivée a également joué en ce sens, il faut l’admettre. En reprenant un groupe loin d’être au mieux, 20ème avant de disputer le derby, Puel a dû expérimenter face à l’absence totale de certitudes concernant son effectif.
Bouanga, le fer de lance
Quatre hommes forts (en matière de temps de jeu) ont ainsi émergé. Le premier est évidemment le joueur le plus efficace de l’effectif, Denis Bouanga, qui marche sur l’eau depuis plusieurs semaines (4 buts et 1 passe décisive sur les 5 derniers matchs). Utilisé dans plusieurs registres différents (ailier, piston ou en pointe), l’international gabonnais s’est montré à chaque fois performant et beaucoup plus incisif que sous les ordres de Ghislain Printant, passant de 29 à 59% de tirs cadrés. Si le jeu offensif stéphanois n’est toujours pas des plus flamboyants, il se montre décisif et moins brouillon qu’en début de saison.
Mais il est bien le seul attaquant vert dans ce cas : ni les performances de Beric, de Khazi, d’Hamouma ou de Nordin ne convainquent totalement. Charles Abi, qui semblait lui aussi s’installer sur le front de l’attaque, s’est blessé, et Loïs Diony n’a plus refait surface depuis sa titularisation dans le derby. En prenant en considération tous ces éléments et en imaginant que le 3-5-2 sera pour le moment reconduit, difficile de savoir qui sera capable d’occuper durablement le front de l’attaque. Car cela dépend également de celui sur qui reposera l’animation du jeu.
Boudebouz, le leader technique décrié
Pour le moment, c’est Ryad Boudebouz, second des cinq hommes forts, qui conserve les faveurs de Claude Puel. Et pourtant, Dieu sait s’il ne fait pas l’unanimité aux yeux des supporters. Sans parler de la rumeur faisant état d’un accro entre Boudebouz et quelques membres du parcage à l’issu des matchs face à Nantes et Oleksandriya, l’international algérien déçoit. Sensé remplace Cabella dans le système de jeu stéphanois, il n’a pour l’instant ni le rayonnement ni l’activité de l’ancien montpelliérain (0 but, 3 passes décisives). Pourtant, son cas demeure épineux. Car Boudebouz possède une qualité rare dans l’effectif vert : sa propension aux coups d’éclat. Malheureux sur deux coups-francs face à Amiens et Monaco qui auraient pu faire mouche, il a délivré deux merveilles de passes pour Beric, face à Lyon, et Bouanga, face à Nantes. Deux ballons qui valent six points…
De plus, la relation Khazri-Boudebouz n’a jusqu’ici rien montré de très concluant. Les deux joueurs se marchent dessus et ont beaucoup de mal à se trouver, à l’image des débuts avec Cabella. Mais si ce dernier était finalement parvenu à trouver son rôle en reculant un peu sur le terrain et en redescendant chercher les ballons plus bas, l’ancien Sévillan n’a semble-t-il pas le volume physique nécessaire pour en faire de même. Face à la liberté tactique qui semble nécessaire à chacun de ces deux joueurs pour véritablement s’exprimer, leur présence conjointe dans un 3-5-2 semble davantage déséquilibrer l’animation offensive.
Pourquoi, dès lors, ne pas tenter de faire reculer l’international tunisien d’un cran en lieu et place de son homologue algérien, tout en associant deux profils différents devant, selon les contextes : Bouanga + un profil rapide (Hamouma, Nordin, Abi voir Honorat) lorsque l’on joue davantage en transition (extérieur) ou Bouanga + un profil de pivot (Beric, Abi voir Diony) ? Charles Abi semble avoir le profil idoine pour s’installer sur le second strapontin, son profil complet lui permettant d’offrir une palette diversifiée (profondeur, conservation du ballon, création d’espaces et jeu en appui). Ses quelques titularisations prometteuses vont d’ailleurs dans ce sens.
Youssouf, l’émergence d’un patron dans l’entrejeu
S’il est un secteur où la stabilité semble nécessaire, c’est bien dans le cœur du jeu, où on a joué sans M’Vila, pour la première fois depuis… ben depuis très longtemps en fait. Pas pour déplaire à de nombreux supporters, excédés par la nonchalance et le jeu sans risque présenté depuis le début de saison par celui qui était devenu en l’espace d’un an et demi, le taulier incontestable du milieu vert. Jusqu’à sa blessure survenue après le match face à Amiens, l’international tricolore avait disputé l’intégralité des 11 premières rencontres de Ligue 1. Sa blessure a permis de voir d’autres joueurs en action et surtout, des associations inédites.
Le nouveau leader, c’est Zaydou Youssouf. Intéressant lors de ses premières apparitions, celui qu’on n’imaginait pas glaner autre chose qu’un rôle de joueur de complément s’est imposé comme un homme de base de Claude Puel. N’ayant plus quitté le 11 de départ depuis son arrivée (une minute de jeu manquée seulement), l’international Espoir enchante par ses qualités de percussion, son aisance technique et ses prises de risques souvent fructueuses. Rarement pris à défaut, doté d’une activité débordante, sa marge de progression semble pourtant encore très grande. Son registre box-to-box fait un bien fou au jeu de transition stéphanois, puisqu’il est capable de casser les lignes tant balle au pied que par la passe.
Mahdi Camara, Jean-Eudes Aholou et Yohan Cabaye ont également ce profil. Le premier a réussi ses (seconds) débuts en pro, marquant lors de son entrée en jeu en Ukraine, jeudi dernier et réalisant un match de bonne facture face à Nantes. Mais il a également laissé entrevoir quelques lacunes tactiques, notamment sur les deux buts Nantais, où il ne suit pas Benevante sur le premier, et oublie Blas, qui arrive dans son dos, sur le second.
Le second, prêté par Monaco a lui aussi montré des choses intéressantes dans la projection offensive et l’impacte physique. Il peut également jouer en pointe basse, mais sa fragilité l’empêche d’enchaîner les rencontres. Enfin, le troisième n’a pour l’instant pas convaincu, lui aussi miné par les blessures. Quoi qu’il en soit, la présence de ces trois profils, auquel on peut ajouter celui d’Assane Diousse, qui semble partir de plus loin, ouvre les possibilités tactiques. Pourquoi, dès lors, ne pas tenter un milieu à trois avec une pointe basse ? Dans un 3-5-2, cela apparaîtrait comme un choix défensif, mais permettrait à la fois plus de variété et de surnombre dans le jeu en transition avec la projection des deux relayeurs. Face à un adversaire joueur, cela peut être une alternative, moins lorsqu’il faudra faire le jeu.
Les ailes et la charnière, une concurrence accrue
Sur la ligne défensive, les prétendants ne sont pas moins nombreux. Là encore, un homme fort émerge, en la personne de William Saliba, qui jouera quasi systématiquement dès lors qu’il sera disponible. Sa vitesse lui promet l’axe de la charnière, où il impressionne à chaque match par sa sérénité, sa science du placement et sa supériorité physique, tout cela à 18 ans. Derrière, tout semble ouvert.
Si Loïc Perrin reste le capitaine emblématique de l’équipe, ses performances et son état de forme le rendent beaucoup moins indispensables sur le terrain. Lent, souvent coupable d’erreurs qu’on ne lui connaissait pas, le capi fatigue depuis deux saisons. Et se dirige tout doucement vers la fin (rien que le fait d’écrire ces mots me brise le cœur). Ses performances face à Bordeaux, Amiens ou encore Oleksandriya n’ont pas rassuré. S’il ne faut pas l’enterrer, il ne faut pas non plus laisser l’affect prendre une place trop importante.
Depuis quelques matchs, Wesley Fofana commence à s’imposer comme une alternative plus que crédible. Fort dans les duels, ses erreurs de placement dues à sa jeunesse sont souvent compensées par une belle pointe de vitesse. Sa marge de progression est énorme et il y a fort à parier qu’on tient un jeune défenseur central très prometteur. Et qui plus est, très complémentaire de Saliba, dans l’optique d’une défense centrale à deux têtes.
Kolodziejczak a l’avantage d’être le seul gaucher des prétendants. Mais ses performances depuis son retour sont moyennes, voir mauvaises. Souvent débordé, encore auteur d’une bourde face à Nantes, l’ancien Niçois n’affiche plus la régularité qu’était la sienne l’année dernière. Enfin, Harold Moukoudi a connu ses premières minutes sous Puel ce week-end. S’il glisse sur l’ouverture du score, il s’est montré costaud et propre dans ses interventions. Décrié en début de saison, pris dans la spirale négative collective, l’ancien Havrais retrouve des couleurs et présente un profil idéal de stoppeur. N’oublions pas non plus Léo Lacroix ou encore Mickael Nadé, qui, s’ils ne sont pas les premiers choix, auront peut-être leur chance à un moment ou un autre.
Sur les ailes, Debuchy semble être le seul « titulaire indiscutable ». Mais l’état de sa cheville incitant à précautions, la Buche a besoin de souffler. De plus, il pourra, comme dimanche, être aligné dans l’axe lorsque cela sera nécessaire, où sa vitesse fait du bien. A l’alternative Palencia s’est ajoutée celle de Franck Honorat. Auteur d’un très bon match à Nantes ce dimanche, le joueur formé à Nice et lancé en Ligue 1 par… Claude Puel, a fait valoir ses qualités de vitesse, tant sur le plan défensif que sur le plan offensif. Alors qu’on ne l’avait pas encore vu sous le maillot vert, le transfuge de Clermont vient s’ajouter à la longue liste de prétendants de cet effectif « trop conséquent » selon les dires de son entraîneur. Derrière, Alpha Sissoko a disparu des radars sans jamais y être apparu, malgré une bonne préparation estivale. Mais avec la Puel touch, rien n’est terminé pour lui.
Enfin à gauche, le mano a mano entre Gabriel Silva et Miguel Trauco semble lancé. Bien revenu, le Brésilien a néanmoins besoin de temps pour retrouver un rythme de compétition soutenu. Buteur et passeur à Nantes, le Péruvien a soufflé le chaud et le froid depuis le début de saison. Mais il semble désormais adapté à notre championnat et ce rôle de piston convient parfaitement à ses qualités offensives. Également concurrencés par Bouanga ou encore Nordin, qu’on a déjà vu dans cette position, les deux sud-américains semblent malgré tout idéalement placés pour tenir leur place.
Les possibilités sont donc nombreuses, ce qui est à la fois une bonne chose, mais également un casse-tête pour Claude Puel. Obtenir des résultats, laisser sa chance à tout le monde, faire progresser les jeunes, gérer les egos : autant de challenges à concilier pour réussir une saison bien relancée. Mais si un 11 type devait se dégager, cela devrait ressembler, dans un mélange entre nos envies et les tendances affichées par Puel, à ça :
Ruffier – Saliba, Fofana, Perrin – Debuchy, Gabriel Silva (ou Trauco), Youssouf, Aholou (ou M’Vila), Khazri (ou Boudebouz) – Abi, Bouanga.