Acte 3 Scène 14

Un salon à la décoration douteuse, surtout le tapis, mais avec un joli canapé, baigné de cette belle chaleur claire d’une fin d’après-midi d’été.

Jean-Marc entre en scène, c’est un bourgeois en vacances. Il est gentil, mais un peu con.

Jean-Marc — J’entre en scène. Je suis juste un bourgeois en vacances, et je suis gentil.

Oh ça va, il va pas se vexer hein. Nadine arrive du jardin, c’est la rombière.

Nadine — C’est moi la rombière qu’arrive du jardin.

Jean-Marc — Ah tu es là.

Nadine — Puisque je te le dis.

Jean-Marc — Bien.

Nadine — Oui.

Un silence étrange s’installe alors qu’ils restent debout au milieu de la pièce à se regarder dans le blanc des yeux. Ils s’emmerdent.

Nadine — Je m’emmerde.

Jean-Marc — Bigre. Fichtre. Zut. Moi aussi.

Ils s’assoient et continuent de s’emmerder encore un peu. Surtout le con.

Jean-Marc — Eh ! J’entends tout hein !

Jean-Marc est inquiet à propos d’Henri, leur fils.

Jean-Marc — Je suis inquiet à propos d’Henri, notre fils.

Nadine — Ah ?

Jean-Marc — Oui.

Nadine — Moi aussi.

Jean-Marc — Ah…

Nadine — Oui.

Thierry Lhermitte entre par le jardin.

Thierry Lhermitte — Bonjour, je suis Thierry Lhermitte.

Il ressort.

Jean-Marc — Ah ben ça…

Nadine — Ses notes sont très mauvaises en ce moment.

Jean-Marc — Qui ça ? Thierry ?

Nadine — Henri.

Jean-Marc — Thierry Henry ?

Nadine — De quoi ?

Jean-Marc — Non, rien.

Jean-Marc devient peut-être fou. Il se met à engloutir le bol de piments qui restait de l’apéro de la veille. Il rougit, se met à transpirer affreusement et peine à respirer.

Jean-Marc — Non mais ça va bien hein ! Ça va être quoi après ? Je vais être gros et myope ?

Jean-Marc est gros et myope

Jean-Marc — Et merde.

Nadine — À propos d’Henri.

Jean-Marc — Oui.

Nadine —  J’ai peur qu’il ne soit pas comme les autres.

Jean-Marc — Comment ça ?

Nadine — Jean-Marc, je crois que notre fils est con.

Jean-Marc — Oh mon Dieu !

Jean-Marc, sous le choc, se lève d’un bon, trébuche sur cet affreux tapis et se ramasse lamentablement la gueule, se renversant dessus la bassine de guacamole prévue pour le soir.

Jean-Marc — Alors là non ! Ça suffit !

Ah, si si. Allez, Jean-Marc se ramasse et tout et tout.

Nadine — Jean-Marc ! Tu vas bien ?

Jean-Marc — Oui, oui. C’est le choc. Mais enfin Nadine, qu’allons-nous faire ?

Nadine — Je ne sais pas. Faire mine de l’élever avec amour et le placer en pensionnat dès ses 16 ans je suppose.

Jean-Marc — Oui, tu as raison.

Jean-Marc se bloque le dos en voulant se relever.

Jean-Marc — Aïe…

Henri entre. C’est un jeune garçon mince et élancé qui partage avec les bovidés cette vivacité qui leur éclaire le regard à l’approche d’un train.

Henri — Papa, Maman. Je me drogue.

Nadine — Oh mon fils, c’est merveilleux !

Henri — Ah oui ?

Nadine — Mais oui ! Penses-tu, on a cru que t’étais con !

Henri — Hahaha !

Nadine — Hahaha !

Ils rient. Sauf Jean-Marc. Jean-Marc agonise au sol. C’est bien fait pour lui tiens.

Henri — Hahaha !

Nadine — Hahaha !

Hahaha !

Jean-Marc — Mais… Pourquoi ?

Jean-Marc repense à ce qu’il a fait pour mériter ça, ses pêchés, la fois où il a quitté la station-service sans payer ou la fois où il a pris le dernier éclair au chocolat à la cantine.

Jean-Marc — Ils ont dit qu’ils allaient en refaire !

Je veux pas le savoir ! J’ai pas eu de dessert !