Donc histoire de se sentir encore un peu en congés, le temps d’un apéro, as-tu déjà entendu parler du Dark ‘n’ Stormy ?
J’ai envie de te parler d’un cocktail en particulier. Alors pourquoi le Dark ‘n’ Stormy ? Et bien parce qu’à part le fait qu’il ait un nom sacrément cool, je l’ai personnellement testé, ce qui fait de moi quelqu’un de plutôt honnête et intègre vu que je te parle de quelque chose que je connais. Ce qui nous change pas mal à notre époque.
Le Dark ‘n’ Stormy :
Il n’y a pas plus simple. C’est du dark rum et du ginger beer et tu ne peux y échapper, ce sont LES deux piliers de ce cocktail. Si par exemple un jour, lors des courses, tu arrives en retard – parce que le narcissique en toi a voulu à tout prix platiné Bloodborne sans crever une seule fois – et qu’il n’y a plus de ginger beers et que tu te tournes sur les ginger ales parce que tu te dis qu’il y a le nom « ginger » dans les deux donc c’est kif-kif bourricot, et bien avec tout la bonne volonté du monde, ce que tu prépareras ne méritera jamais la mention « Dark ‘n’ Stormy ». Ça serait quand même dommage non ? Tous ces efforts en vain…
Dans un Collins glass – en gros c’est un grand verre cylindrique (particulièrement haut et étroit) contenant entre 300 et 400 ml donc idéal pour ce cocktail, il s’appelle Collins car associé au cocktail Tom Collins, c’est vraiment tout con, il n’y a aucun piège – blindé de bons gros glaçons, tu verses ton dark rum (60 ml) puis ton ginger beer (100 ml). Basta ! Pour le ginger, je te conseille la marque Old Jamaica, c’est bonnard. Ou alors Fever-Tree, plus facile à se procurer.
Mais bon, tu te rends bien compte que le principe du cocktail, c’est de créer, reproduire ou twister de formidables breuvages avec tout ce que cela comporte (le produit fini, son histoire, le pourquoi du comment des associations de saveurs, le profil aromatique obtenu…). Ça reste donc une activité plus noble que de balancer sommairement deux ingrédients dans un verre et terminares. Même si, admettons le tous cinq secondes, un bon petit perroquet en terrasse, ça surpassera toujours tout.
Donc on reprend (pour faire les choses bien) avec la liste de courses :
- 60 ml de dark rum
- 100 ml de ginger beer
- 15 ml de jus de lime
Le lime est facultatif mais crois moi, c’est encore meilleur avec ! Même si originellement, il ne fait pas partie du mélange.
Maintenant, ce que tu dois faire :
- tu prends donc un Collins (ou simplement un grand verre, ça fera amplement l’affaire, tu ne vas quand même pas acheter des contenants bien spécifiques exprès), toujours blindé de gros glaçons et tu y ajoutes le rum.
- puis tu mets dans ce verre ton ginger beer et le lime (ou pas si tu veux la jouer « trve »).
- tu mélanges le tout avec une cuillère à cocktail (ou une cuillère à soupe, on va clairement pas se faire chier là dessus mais tout de même un ustensile de cuisine assez long pour remuer tout le verre et ce même le fond car le Dark ‘n’ Stormy se prépare dans un grand verre donc une cuillère à café c’est moyen moyen tout de même niveau efficacité)
- enfin, tu peux garnir ton verre de zeste de lime, ça mange pas de pain et surtout, ça montrera à tes potes que tu t’es quand même bien cassé le cul pour eux et ça c’est beau.
C’est hyper simple t’as vu ? Seulement trois ingrédients : du rum (ouais je l’écris sans « h » depuis le début parce que justement ce cocktail ne se fait pas avec n’importe quel alcool) et du ginger beer (et du lime).
On a donc l’amertume du gingembre avec ce final légèrement épicé qu’on lui connaît, le côté « agrume » apporté par le lime (c’est toujours facultatif hein) mais c’est surtout le rum qui rend l’orage si dark.
Et ce qui fait la particularité de ce breuvage est son taux d’épice. Et là intervient le Gosling’s Black Seal Rum. Originaire des Bermudes tout comme le cocktail (tu comprends mieux pourquoi c’est LE rum qu’il te faut pour un Dark ‘n’ Stormy), la cuvée originale de Gosling’s Black Seal est avant tout un rum de recettes, très associé donc à l’univers du cocktail. Il peut très bien être servi en tant que rum de dégustation car goûtu à souhait et équilibré avec ses arômes de vanille, de caramel, de butterscotch et de caramel au beurre. Ouais, c’est sacrément riche et ça se transforme en une véritable tuerie dans un Collins glass pour faire un D ‘n’ S.
Ce cocktail reste très connu du milieu des barmen et des amateurs de cocktail en tout genre, c’est un classique parmi les classiques. Mais – et cela trouve son sens puisque le lectorat de Spectre est francophone, que je suis francophone, que tu es donc sûrement francophone et que Spectre est essentiellement basé en France, à part si parmi les lecteurs il y ait 2-3 Bhoutanais avec des skills en français de malade – le Dark ‘n’ Stormy n’a jamais connu un réel succès en France. Cocktail national des Bermudes au même titre que le mojito l’est pour Cuba, le D ‘n’ S est également très connu en Australie.
Maintenant si tu veux bien, pour terminer, un peu de « background » serait sympathique. Comme je le disais plus haut, le Gosling’s est étroitement lié à l’histoire de ce cocktail. Brièvement, en 1806, un ancêtre de la famille Gosling, partant d’Angleterre à destination de la Virginie, accoste aux Bermudes. Ouais gros, tu te dis sûrement que le gars était un gros manche niveau navigation mais rallier la Virginie depuis l’Angleterre à bateau en 1806, c’est pas fastoche. Je pense qu’il y a une marge d’erreur que tout un chacun, surtout qu’on est plus de 200 ans après les faits, se devrait de respecter. Ouais le gars n’a pas accosté là où c’était prévu à la base mais moi je comprends, le gars en avait plein le cul, il a vu un cailloux et s’est dit « là ça ira très bien, on va sûrement pas se compliquer la vie outre mesure. ». Ce cailloux étant les Bermudes, le nom de famille Gosling peut désormais entrer dans l’histoire de cet archipel.
Le fier navigateur se servit donc du savoir-faire de sa famille dans l’élaboration de spiritueux pour créer son black rum. Des années plus tard, ailleurs aux Bermudes, peu après la Première Guerre mondiale, des officiers de la marine britannique décident de faire du ginger beer pour combattre le mal de mer.
« the color of a cloud only a fool or a dead man would sail under. »
Puis, et c’est là toute la magie de la vie, les deux breuvages se rencontrent enfin et à cette occasion un marin, selon la légende, commente : « [ça a] la couleur d’un nuage que seul un imbécile ou un homme mort naviguerait en dessous. »
D’où ce nom de Dark ‘n’ Stormy. Beaucoup de choses disparaissent dans le Triangle des Bermudes. Le Dark ‘n’ Stormy, lui, en est justement sorti…
Allez… *hips* salut !