Donc histoire de se sentir encore un peu en congés, le temps d’une dégustation, as-tu déjà entendu parler du Dark ‘n’ Stormy ?

J’ai envie de te parler d’un cocktail en particulier. Alors pourquoi le Dark ‘n’ Stormy ? Et bien parce qu’à part le fait qu’il ait un nom carrément cool, je l’ai personnellement testé, ce qui fait de moi quelqu’un de plutôt honnête et intègre vu que je te parle de quelque chose que je connais, et ouais je suis à contre-courant de ce qui se fait dans les médias en France, je suis comme ça moi haha.

J’espère que tu ne le connais pas pour que justement à l’issu de ta lecture, non seulement tu le connaisses mais également que tu le prépares parce que tu verras par toi même, c’est super bon et pas si connu en plus, classe non ? Et pour pas que tu serves ça à tes potes comme de vulgaires pâtes carbo, je vais tenter de partir dans l’anecdotique car c’est toujours plus sympa quand tu expliques aux personnes ce que tu leur sers à boire.

Le Dark ‘n’ Stormy :

Il n’y a pas plus simple. De manière basique, c’est du dark rum (ou « dark spiced rum ») et du ginger beer et tu ne peux y échapper, ce sont LES deux piliers de ce cocktail. Si par exemple un jour, lors des courses, tu arrives en retard – parce que le narcissique en toi a voulu à tout prix platiné Bloodborne sans crever une seule fois – et qu’il n’y a plus de ginger beers et que tu te tournes sur les ginger ales parce que tu te dis qu’il y a le nom « ginger » dans les deux donc c’est kif-kif bourricot, déjà, t’es un criminel de bas étage et avec tout la bonne volonté du monde, ce que tu prépareras ne méritera jamais la mention « Dark ‘n’ Stormy ». Ça serait quand même dommage non ? Tous ces efforts en vain…

Un « Collins glass »

Donc, dans un Collins glass – en gros c’est un grand verre cylindrique (particulièrement haut et étroit) contenant entre 300 et 400 ml donc idéal pour la mixologie, il s’appelle Collins car associé au cocktail Tom Collins, c’est vraiment tout con hein, il n’y a aucun piège – blindé de glace, tu verses ton dark rum (60 ml) puis ton ginger beer (100 ml). Basta ! Pour le ginger, je te conseille la marque Fever-Tree, c’est bonnard.

Mais bon, tu te rends bien compte que le principe de la mixologie, c’est de « construire » des cocktails avec tout ce que cela comporte (le produit fini, son histoire, le pourquoi du comment de ses associations de saveurs, la palette aromatique obtenue…). Ça reste donc une activité plus noble que de balancer sommairement deux ingrédients dans un verre et terminares.

Donc on reprend (pour faire les choses bien) avec la liste de courses :

  • 60 ml de dark rum
  • 100 ml de ginger beer
  • 15 ml de jus de lime

Le lime est facultatif mais crois moi, c’est encore meilleur avec ! Même si originellement, il ne fait pas partie du mélange.

Maintenant, ce que tu dois faire :

  • tu prends donc un Collins (ou simplement un grand verre, ça fera amplement l’affaire, tu ne vas quand même pas acheter des contenants bien spécifiques exprès), toujours blindé de glace et tu y ajoutes le rum.
  • puis tu mets dans ce verre ton ginger beer et le lime (ou pas si tu veux la jouer « trve »).
  • tu mélanges le tout avec une cuillère à cocktail (ou une cuillère à soupe, on va clairement pas se faire chier là dessus mais tout de même un ustensile de cuisine assez long pour remuer tout le verre et ce même le fond car le Dark ‘n’ Stormy se prépare dans un grand verre donc une cuillère à café c’est moyen moyen tout de même niveau « effectiveness »)
  • enfin, tu peux garnir ton verre d’un quartier de lime, c’est plus présentable, ça mange pas de pain et surtout, ça montrera à tes potes que tu t’es quand même bien cassé le cul pour eux et ça c’est beau.

C’est hyper simple t’as vu ? Seulement trois ingrédients : du rum (ouais je l’écris sans « h » depuis le début parce que justement ce cocktail ne se fait pas avec n’importe quel alcool) et du ginger beer (et du lime).

On a donc l’amertume du gingembre avec ce final légèrement piquant qu’on lui connaît, le côté « agrume » apporté par le lime (c’est toujours facultatif hein) mais c’est surtout le rum qui rend l’orage si dark.

En vrai, ça serait pas hyper stylé de s’inspirer de ce motif pour un tatouage ?

Et ce qui fait la particularité de ce breuvage est son taux d’épice. Et là intervient le Gosling’s Black Seal Rum. Originaire des Bermudes tout comme le cocktail (tu comprends mieux pourquoi c’est LE rum qu’il te faut pour un Dark ‘n’ Stormy), la cuvée originale de Gosling’s Black Seal est avant tout un rum de recettes, très associé donc à l’univers de la mixologie. Il peut très bien être servi en tant que rum de dégustation car goûtu et équilibré avec ses arômes de vanille, de caramel, de butterscotch et de caramel au beurre. Ouais, c’est sacrément riche et complexe et ça se transforme en une véritable tuerie dans un Collins glass pour faire un D ‘n’ S.

Ce cocktail reste très connu du milieu des « bartenders » et des amateurs de mixologie, c’est un classique parmi la carte de tout bar à cocktail qui se respecte un tant soit peu. Mais – et cela trouve son sens puisque le lectorat de Spectre est francophone, que je suis francophone, que tu es donc sûrement francophone et que Spectre est essentiellement basé en France, à part si parmi les lecteurs il y ait 2-3 Bhoutanais avec des skills en français de malade – le Dark ‘n’ Stormy n’a jamais connu un réel succès en France. Cocktail national des Bermudes au même titre que le mojito l’est pour Cuba, le D ‘n’ S est également très connu en Australie.

Maintenant si tu veux bien, pour terminer, un peu de « background » serait sympathique. Comme je le disais plus haut, le Gosling’s est étroitement lié à l’histoire de ce cocktail. Brièvement, en 1806, un ancêtre de la famille Gosling, partant d’Angleterre à destination de la Virginie, accoste aux Bermudes. Ouais gros, tu te dis sûrement que le gars était un gros manche niveau navigation mais rallier la Virginie depuis l’Angleterre à bateau en 1806, c’est pas easy quoi. Je pense qu’il y a une marge d’erreur que tout un chacun, surtout qu’on est plus de 200 ans après les faits, se devrait de respecter. Ouais le gars n’a pas accosté là où c’était prévu à la base mais moi je comprends, le gars en avait plein le cul, il a vu un cailloux et s’est dit « là ça ira très bien, on va sûrement pas se compliquer la vie outre mesure. ». Ce cailloux étant les Bermudes, le nom de famille Gosling peut désormais entrer dans l’histoire de cet archipel.

Le fier navigateur se servit donc du savoir-faire de sa famille dans l’élaboration de spiritueux pour créer son black rum. Des années plus tard, ailleurs aux Bermudes, peu après la Première Guerre mondiale, des officiers de la marine britannique décident de faire du ginger beer pour combattre le mal de mer.

« the color of a cloud only a fool or a dead man would sail under. »

Puis, et c’est là toute la magie de la vie, les deux breuvages se rencontrent enfin et à cette occasion un marin, selon la légende, commente : « [ça a] la couleur d’un nuage que seul un imbécile ou un homme mort naviguerait en dessous. »

D’où ce nom de Dark ‘n’ Stormy. Beaucoup de choses disparaissent dans le Triangle des Bermudes. Le Dark ‘n’ Stormy, lui, en est justement sorti…

Allez… *hips* salut !