L’Armorial de Guillaume Revel (1450-1459)
Vous l’avez compris, nous suivrons dans cette chronique l’histoire des places fortes du territoire forézien, en suivant les traces de Guillaume Revel, fidèle héraut d’armes du Duc de Bourbon ! En 1450, Charles Ier duc de Bourbon se rend compte qu’il n’a qu’une connaissance limitée des terres placées sous sa juridiction (à cette période-là il n’est cependant pas le seul). C’est pourquoi il confie à notre cher Guillaume la lourde tâche d’inventorier l’ensemble des villes et villages ainsi que les blasons des grandes familles des régions de Bourbon, d’Auvergne et de Forez.
Ce dernier, entouré de délégués, de conseillers et de dessinateurs, rédige son travail dans ce que l’on nomme l’Armorial d’Auvergne, de Bourbonnois et de Forestz (non non, je ne me suis pas endormi sur le clavier, laissez un peu opérer le charme du vieux françois). Les dessins présents dans cet ouvrage constituent une source de première main pour les archéologues et historiens se penchant sur la topographie des villes du Forez au Moyen-Age.
Désireux de mettre en avant le patrimoine de ma région, je me penche donc sur le Forez médiéval et ce qu’il en reste ! Aujourd’hui, on attaque par Montbrison, capitale du comté de Forez.
Montbrison, capitale du Comté
Évoquer les places fortes du Forez sans évoquer Montbrison, c’est comme évoquer les villes de football sans évoquer Saint-Étienne : on ne peut pas l’éviter ! Si le football est une notion assez vague à Guillaume Revel, Montbrison ne l’est en revanche pas du tout (« Monbrison » comme il l’aurait l’écrit).
En 1441, sur ordre du duc, Montbrison remplace l’antique ville de Feurs en tant que capitale du Comté de Forestz (ou Fores, ou Forez c’est très fluctuant) et à ce titre constitue un noyau de peuplement important dans la région. Le bourg est fortifié et comporte au nord-est un château, que l’armorial tentait de nous représenter avec des perspectives parfois approximatives.
En tant que capitale, Montbrison devient un centre politique important pour le Comté, même s’il faut bien reconnaître que le Forez ne représente qu’une terre secondaire dans la longue liste des possessions du Duc de Bourbon au XV° siècle. Néanmoins, les dessinateurs ont pris soin de mettre en avant le château seigneurial en le grossissant vis-à-vis du reste de la ville.
D’autre bâtiments remarquables sont mis en avant comme la Collégiale Notre-Dame d’Espérance, imposante église de style gothique, construite à partir de 1223, sur les ordres de Guy IV comte de Forez. Il y repose d’ailleurs depuis 1241. La construction ne s’achèvera qu’en 1466 soit une quinzaine d’années après le passage de Guillaume Revel dans la région, qui avait toutefois pu la dessiner.
Triste anecdote un siècle plus tard : en tant que ville catholique et point stratégique pour la conquête de Lyon, Montbrison fut l’une des nombreuses victimes de l’armée protestante dirigée par François Beaumont, le fameux Baron des Adrets, en 1562. Il s’agit là d’un des évènements les plus marquants que la région forézienne connut par le passé : sa capitale est incendiée, ses habitants massacrés et les prisonniers jetés du haut du donjon du château (notamment les prêtres catholiques de la ville) tandis que la collégiale est mise à sac par les assaillants.
Montbrison aujourd’hui, qu’en reste-t-il ?
Si l’on compare la ville de Montbrison telle que représentée sur l’armorial et la ville de Montbrison aujourd’hui, il n’en reste aujourd’hui qu’une partie infime, sauf dans la disposition topographique de la ville. On discerne assez distinctement le centre ancien.
La collégiale
La collégiale Notre-Dame d’Espérance est bien évidemment toujours debout et constitue encore aujourd’hui un édifice majeur du centre historique de la cité. Elle est considérée comme l’une des plus belles églises de la région.
L’église fut saccagée deux fois au cours de son histoire, d’abord en 1562 par l’armée protestante, puis en 1793 par les troupes révolutionnaires dirigées par Claude Javogues, natif de Bellegarde-en-Forez et député à la Convention. La collégiale comporte néanmoins encore une partie de son patrimoine médiéval dont ses murs et arcs-boutants ; la pierre d’honneur posée en 1226 par Guy V (toujours enfant) ou encore le gisant de Guy IV.
Le château
Du « chatiau » décrit par l’armorial de Revel (avec ses deux niveaux de remparts), il ne reste aujourd’hui quasiment rien… à part les pierres ! Différents aménagements successifs auront raison du château (Henri IV ira même jusqu’à donner l’ordre de le démanteler).
L’ancien bourg castral accueille le couvent des Ursulines puis celui des Visitandines au XVII° siècle : ces deux constructions réutilisent les pierres du château des Comtes. Au XIX° siècle, gendarmerie, séminaire et prison s’y succèdent. C’est en 1870 que la colline est transformée en calvaire, fonction qu’elle occupe encore aujourd’hui.
Ce petit film réalisé à l’aide d’un drone est diffusé sur le site de la ville de Montbrison :
La Tour de la Barrière
En revanche, du deuxième niveau d’enceinte qui entourait le château il nous est parvenu une tour du XIII° siècle (qui était la plus haute de la ville) que notre cher Guillaume n’avait pas manqué de représenter dans son armorial. Aujourd’hui, elle porte le nom de Tour de la Barrière et a été remarquablement bien conservée.
Si la ville a depuis longtemps perdu son titre de capitale (au profit d’une ville industrielle du sud du Forez répondant au doux nom de Saint-Étienne), elle a récemment été élu « Plus beau marché de France » et est réputé pour sa célèbre fourme, fêtée annuellement à cette période de l’année.
Mais le Montbrison médiéval n’a pas disparu pour autant ! Si vous êtes de passage en Forez, vous pouvez encore aujourd’hui poser le même regard que Guillaume Revel, il y a plus de cinq siècles désormais…
Prochainement dans ce tour d’horizon, je resterai au cœur du Forez avec les communes des environs de Montbrison représentées dans l’Armorial : Champdieu, Saint-Romain-le-Puy ou encore Marcilly-le-Châtel.