Ce dimanche, à la surprise -quasi- générale, le XV de France s’est imposé dans le crunch (24-17) face aux Anglais. Après avoir étouffé le XV de la Rose dans un début de match à sens unique (17-0 à la mi-temps) les Bleus ont souffert en seconde période mais sont parvenus à garder leur solidité et enfin, leur discipline ! Alors il n’en fallait pas plus aux Français pour commencer à croire à l’exploit, 10 ans après le grand chelem des Parra, Dusautoir ou Bastareaud, le dernier titre sur le Tournoi. Place maintenant à l’Italie, largement abordable en apparence. Il faudra pourtant s’en méfier s’ils ne veulent pas souffrir comme leurs cadets des moins de 20 ans, vainqueurs dans la difficulté des Azzurri vendredi soir (31-19).
Un crunch à la hauteur !
On l’aura attendu ce premier match de l’ère Galthié… Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas déçu ! Omniprésence au contact et dans les rucks, jeu au pied judicieux et phases de possession rapides… Le tout porté par une lucidité et une discipline qui manquait depuis longtemps. Les bleus ont impressionné, ils nous ont régalé même. A l’image de cette première mi-temps étincelante. Ils débutent par un essai de Rattez, bien servi à 5 mètres de l’en-but après une percée formidable de Teddy Thomas qui n’aura pas eu le mérite de réveiller les rosbifs. Ntamack impeccable au pied (9 points à 100%) transforme puis botte une pénalité avant que Charles Ollivon ne lui redonne du travail en bon capitaine. 17 -0. Toujours aucun signe des Anglais. La sortie précoce de Manu Tuilagi, diminué, n’y est pas pour rien.
Sur les même bases, Ollivon, bourreau du jour, inscrit un deuxième essai après un slalom tranchant de Dupont, poussant le verrou de la boite à gifle anglaise (vidéo). Les Bleus ne marqueront plus rien, laissant la possession aux Anglais. Les changements commencent à se faire sentir et sur deux accélérations de May ils concèdent leurs premiers points. Après ce court passage à vide, ils font de nouveau preuve de réalisme défensif en repoussant les dernières offensives anglaises, aux portes de leur en-but. Et malgré une dernière frayeur initiée par Dupont qui dégage le ballon des limites avant la fin du temps réglementaire, ils valident un succès retentissant.
Des spécialistes pour appuyer la méthode Galthié
Dès lors, l’idée de placer Galthié en complément de Jacques Brunel durant le mondial et sa préparation semble avoir porté ses fruits. Il a pu évaluer les joueurs en présence lors d’une compétition majeure et pointer les manques, à l’image de ces détails qui ont pu faire basculer le quart de finale perdu face aux Gallois (20-19).
Arrivée avec une partie de son staff actuel, dont le préparateur physique Thibault Giroud, ancien du foot US, il se démarque depuis quelques mois par une méthode de préparation intégrée (càd avec le ballon et les spécificités du rugby) extrêmement exigeante. Le staff utilise constamment ses bases de données pour s’assurer, à l’aide de GPS, de maintenir l’intensité souhaitée. Et sous la direction du meilleur joueur du monde 2002, elle ne s’éloigne que très peu de celle du match. « On joue comme on s’entraine. On s’entraine comme on joue » : le leitmotiv insufflé depuis 6 mois n’a rien de sorcier.
S’il a choisi de travailler avec un groupe élargi à 42 joueurs, c’est qu’il peut s’épauler sur des spécialistes. Depuis sa -vraie- prise de fonction, William Servat et Karim Ghezal ont rejoint les rangs pour améliorer le rendement de la conquête (les mêlées pour le premier, les touches pour le second). Dimanche dernier, c’est l’influence de Shaun Edwards, en charge de la défense, qui s’est fait sentir. En effet, les Bleus ont réussi 90% de leurs plaquages, pour un total de 182 contre 108 seulement côté Anglais. La défense s’est longtemps montrée hermétique, notamment grâce à un pack qui n’a pas cédé dans les nombreux temps forts Anglais.
Mais surtout, les Tricolores ont pratiqué un jeu au pied d’une justesse grandiose. Ce fameux kicking game qui leurs avait valu une humiliation à Twickenham l’an passé contre le même adversaire (44-8). Œil pour œil, pied pour pied. Tantôt à gauche tantôt à droite, cette fois, c’est eux qui ont fait courir la couverture Anglaise. A l’image de l’efficacité des coups de pieds hauts dans le couloir de Ntamack et Dupont ou de celui de Bouthier à la 25ème (Vidéo), stratosphérique. Ce même Bouthier, auteur d’une première saluée, s’est trouvé en dessous de tous les ballons. Il a l’habitude d’attraper des savonnettes sous la pluie le gamin de Vannes ! Au cœur du plan de jeu depuis la Coupe du Monde, le kicking game français semble alors avoir trouvé son rythme.
Une jeunesse perfectible
Dans ce groupe rajeuni, 2 joueurs connaissaient leur première sélection (Bouthier et Haouas). Difficile à croire aux vues de l’expérience qu’ils dégageaient. La performance de Dupont, inarrêtable (2 franchissements et 50 m gagnés), à l’origine de 2 essais, en est l’illustration parfaite. A 23 ans, le demi de mêlée toulousain a pris le jeu à son compte avec ses lancements mais il a aussi plaqué, comme sur Heinz alors à 5m de l’en-but en toute fin de match.
Dupont a été bien aidé par sa troisième ligne qui a crevé l’écran. A eux trois, Ollivon, Aldritt et Cros ont réalisé 43 des 182 plaquages français. 12 pour Cros et 17 pour le seul Aldritt, élu homme du match à seulement 22 ans. Les deux essais d’Ollivon ont récompensé leur grande prestation. Mais ils peuvent remercier le briscard de devant et ses 22 plaquages (record du match). Le deuxième ligne Bernard Le Roux dont l’engament s’est montré décisif, a apporté le petit plus d’expérience pour encadrer ce XV biberon.
Il ne fallait pas faire la fine bouche avec nos Bleus ces dernières années mais cette prestation nous donne de nouvelles perspectives. Alors il faudra corriger certaines choses loin d’avoir été parfaites dimanche. Principalement la conquête qui a vu les Tricolores échapper trois ballons en touche et concéder autant de pénalités en mêlée. Pour expliquer ces erreurs, le sélectionneur évoquait un manque d’automatisme alors qu’il affrontait « Une équipe qui ferraille quasiment depuis quatre, voire huit ans ensemble. Une équipe qui a des convictions et sûrement des certitudes » selon ses dires.
De plus, et il le concède, le banc n’a pas été à la hauteur. Les « finisseurs » comme il les appelle, ont principalement manqué en mêlée, à l’image de Bamba et Palu qui ont pris l’eau. Inexpérience là-aussi ? Surement lorsqu’on se présente avec 3 non capés sur le banc.
L’Italie : simple étape sur la route du grand chelem ?
Alors pour la réception de l’Italie ce dimanche à 16h, le sélectionneur à choisit de reconduire la même équipe, à l’exception de la rentrée d’Arthur Vincent qui remplacera Vakatawa, blessé au bras, au poste de centre. De même pour les Azzuri qui ne changeront qu’un seul joueur (Hayward remplace Sarto) de l’équipe qui s’est inclinée à Cardiff (42-0) la semaine passée.
Bien sûr, après ce succès retentissant sur les Anglais, on ne va s’inquiéter à l’idée d’affronter les Italiens, abonnés à la cuillère de bois. Il faudra imiter les Gallois qui avaient obtenu le bonus offensif pour optimiser la suite du tournoi. La tâche ne sera pas si aisée face à un groupe dont la troisième ligne, emmenées l’excellent Jake Polledri (Gloucester), gagne en solidité. Mais sans l’emblématique Parisse, le XV italien ne devrait pas pouvoir résister longtemps aux assauts français qui ont priorisé le travail des combinaisons offensives cette semaine. D’autant plus qu’ils n’ont pas brillé par leur jeu face aux Gallois, manquant indéniablement de verticalité et de justesse, se voyant trop souvent pénalisés.
Si la France peut rêver du grand chelem sans rougir suite à son entame, la route sera encore longue après l’Italie. La jeunesse de ce groupe risque de lui porter préjudice. Car ne l’oublions pas, il faudra se déplacer au Pays de Galles puis en Ecosse avant de recevoir les Irlandais. Le XV du trèfle qui a d’ailleurs pris le dessus sur celui du Chardon (Ecosse) la semaine dernière. Et comme le rappelle un proverbe répandu dans le monde de l’ovalie : « C’est à la fin de la foire que l’on compte les bouses ! ».