On joue la 94ème minute à Geoffroy-Guichard quand Dembélé s’élève plus haut que tout le monde dans la surface stéphanoise pour crucifier Ruffier et donner un nouveau derby à l’OL. Toujours la même chanson vous diront les adeptes de cette affiche spéciale du championnat de France de Ligue 1. Il est vrai qu’au 21ème siècle, les derbys se suivent et se ressemblent même si depuis 2010 et le mythique coup-franc de Payet dans le 100ème derby, Sainté a réussi à quelque peu rééquilibrer la balance dans le derby. Mais en fait le derby entre Saint-Etienne et Lyon c’est quoi au juste ? Seulement l’affrontement footballistique entre deux villes très proches géographiquement ? Bien évidemment que non, retour sur l’Histoire qui a construit le plus gros derby du championnat de France de football.
Saint-Etienne-Lyon, pas que du football
L’affrontement entre Saint-Etienne et Lyon n’est en effet pas qu’un derby entre deux équipes de football. Les deux villes distantes de 60 kilomètres seulement sont pourtant très différentes : Lyon, la bourgeoise face à Saint-Etienne la populaire. Beaucoup ne le savent pas, surtout ceux qui ne sont pas issus de la région, mais la rivalité entre Saint-Etienne et Lyon prend naissance plusieurs siècles auparavant, et n’a rien à voir avec le football. En effet, dès le Moyen-Âge, l’archevêque de Lyon et le comte du Forez se font face. Quelques centaines d’années plus tard, les différends demeurent entre les deux villes au point que le département de Rhône-et-Loire fut scindé donnant naissance au département de la Loire dont Saint-Etienne devint la Préfecture.
L’Histoire plus récente continua d’accroître les antagonismes, Lyon surfant sur sa puissance économique et politique tandis que Saint-Etienne, ville ouvrière, baignait dans l’exploitation de la mine ou encore de la métallurgie.
C’est donc tous ces antagonismes passés qui ont construit une rivalité entre Stéphanois et Lyonnais bien avant que le football ne s’imprègne de cette rivalité et ne l’exacerbe.
Saint-Etienne-Lyon sur le terrain
Pendant des dizaines d’années, comme le championnat de France, Lyon fut écrasé par son voisin stéphanois dans les confrontations les opposants. Certains derbys furent d’ailleurs marquants comme celui de 69 par exemple (comme un symbole), où les Verts ne font qu’une bouchée de leurs homologues lyonnais en s’imposant 7-1 à Gerland s’il vous plaît ! Le match retour sera presque un bis repetita puisque Sainté s’imposera 6-0 à Geoffroy. En 1985, Saint-Etienne humilie encore Lyon sur ses terres en s’imposant 5-1 à Gerland. Néanmoins, plus les années passent, plus l’écart entre les deux formations se resserre. En 1994, Saint-Etienne s’impose 3-0 à Geoffroy-Guichard, les supporters stéphanois ne le savent pas encore, mais débute alors une série de 16 ans sans victoire verte et blanche dans un derby !
En effet, arrivent les années 2000 et la suprématie lyonnaise en France, ce qui donna lieu à de croustillants derbys comme ceux du retour en Ligue 1 pour Saint-Etienne : les Stéphanois s’inclinent deux fois par trois buts à deux, avec les honneurs face à l’ogre lyonnais. Le premier à Geoffroy restera d’ailleurs dans les annales du fait du scénario et des traces des crampons de Janot sur les poteaux, ronds cette fois-ci, de la cage devant le Kop Sud.
Cela donna lieu également à quelques humiliations comme celle de 2006 à Gerland où les lyonnais déjà champions, écrasent les Verts 4-0.
A partir de 2010, cela se rééquilibre : Payet donne le mythique 100ème à Sainté, et les Verts arrivent désormais à s’imposer assez régulièrement dans le derby. En 2014, Sainté s’impose enfin à domicile dans un derby et avec la manière : 3-0, après 20 ans de disette.
Depuis, un équilibre s’était installé jusqu’à l’humiliation suprême vécue à domicile par les Stéphanois en 2017 voyant leurs voisins s’imposer 5-0 à Geoffroy, et Fekir célébrer devant le Kop Sud… Pour les Stéphanois, l’affront n’a toujours pas été lavé étant donné que depuis, les Verts n’ont plus gagné de derby.
Saint-Etienne-Lyon en tribune
En tribune, ce sont les Lyonnais qui accusent un gros retard sur leurs homologues stéphanois. Le public stéphanois n’a plus rien à prouver, celui-ci ayant pu ces dernières années montrer ses capacités aux quatre coins de l’Europe, médusant San Siro ou encore Old Trafford.
Loin de vouloir oublier son passé, les supporters stéphanois en font une fierté en faisant bon nombre de références dans leurs animations à l’Histoire minière qui a marqué le bassin stéphanois. Il en est de même à 60 Km de là, où nos voisins aiment exposer leur histoire, en se référant souvent aux Frères Lumières notamment.
L’écart reste néanmoins conséquent en tribune, en tout point : concernant les déplacements d’abord, Saint-Etienne bénéficie d’un grand nombre de supporters et de sections à travers toute la France leur permettant d’être nombreux lors de chaque déplacement (quand ceux-ci sont autorisés bien sûr). De plus, disposant de deux groupes Ultras actifs, les Green Angels et les Magic Fans, ceux-ci ont dans leur ADN le fait de suivre les leurs de partout où ils vont, la devise du premier groupe étant d’ailleurs : « Partout, toujours ». Du côté lyonnais, on ne jouit pas du tout de la même côte de popularité malgré de belles années 2000. De plus, le plus gros groupe de supporters, les Bad Gones, ne semble pas être marqué par la véritable mentalité Ultras, en n’effectuant que certains déplacements et tout cela de manière non-indépendante (quelques déplacements étant payés par le club).
Concernant les animations, il en est de même : pendant de nombreuses années que ce soit au niveau des chorégraphies gestuelles, vocales ou visuelles les supporters stéphanois n’avaient pas d’égal dans l’hexagone. Avec le temps, le retard se refait quelque peu, mais en toute objectivité, les supporters verts et blancs gardent une nette longueur d’avance notamment sur leurs voisins. Et tous les fins connaisseurs vous le diront, l’atmosphère qui règne à Geoffroy-Guichard ne se retrouve nulle part ailleurs.
La rivalité perdure en tribune à coups de chants, banderoles ou encore tifos. Sur le terrain, il en est de même : nous avons souvent le droit à quelques expulsions, des matchs hachés et quelques déclarations houleuses en avant et après match. Mais il ne faut donc pas oublier que la rivalité Sainté-Lyon dépasse le football et est bel et bien ancrée dans l’Histoire de ces deux villes, le football s’assimilant désormais au terrain où les comptes sont réglés.
Beaucoup de gens des deux villes ne suivant ou n’aimant pas le football vous diront qu’il faut gagner le derby, histoire de fierté. Les Verts ont donc l’occasion ce dimanche, de laver plusieurs affronts récents et de rappeler à la France du foot qui c’est les plus forts !