L’égalité salariale aux États-Unis, une demande fondée ?

Les joueuses américaines demandent l’égalité salariale par rapport à leurs homologues masculins. Si le fait que les joueurs de football européens gagnent plus que les joueuses féminines sur le même continent ne souffre d’aucune contestation possible en se basant sur la logique capitalistique, la réciproque américaine devrait suivre le même chemin.

En effet, l’argument principal pour justifier l’inégalité salariale en Europe entre les footballeurs et les footballeuses est celui qui consiste à dire que, bien qu’en plein développement, le football féminin est à des années lumières de ce que génère économiquement le football masculin.

Aux États-Unis, l’équilibre semble différent : l’été dernier, un rapport financier obtenu par The Wall Street Journal à propos de l’USSF (United States Soccer Federation) révélait que les joueuses féminines avaient généré plus de revenus que les hommes, sur les trois dernières années (sur la période 2016-2018).

En suivant l’argument de base expliquant la différence salariale en Europe, les joueuses américaines devraient au moins gagner autant que les joueurs masculins, si ce n’est plus !

Pourtant, ce n’est pas encore le cas : Megan Rapinoe et ses coéquipières gagnent toujours bien moins d’argent que leurs homologues masculins. 

Il faut dire que la période n’est pas la meilleure pour les Championnes du Monde en titre, dans un pays gouverné par le génie Trump. « La fille aux cheveux roses » ne le porte par dans son cœur, en le jugeant notamment sexiste, misogyne et raciste. Dans le cadre de sa lutte pour l’égalité salariale, la défenseuse des droits LGBTQ avait refusé de chanter l’hymne national comme nous le rappelle Maryse Ewanjé-Epée dans son ouvrage Révoltes. Des signes de protestation qui ne sont pas uniques aux États-Unis, comme le montrent ceux effectués pour la cause Noire, Colin Kaepernick en représentant un symbole récent.

Toutefois, ce sont bien Megan Rapinoe ou encore Alex Morgan qui sont parvenues à redorer le blason américain en décrochant un titre mondial il y a moins d’un an à l’heure où, dans le même pays, il faut une vague d’indignation sur les réseaux sociaux pour qu’une enquête soit enfin ouverte après le meurtre d’Ahmaud Arbery…

Un flou persiste

Malgré le renforcement du rapport de The Wall Street Journal par un argumentaire proposé par CNBC, l’article ne semble pas mentionner toutes les sources de revenus qui constituent l’économie du football, et semble notamment occulter les droits télévisuels et les sponsors. Un article publié par nos confrères de Huffingtonpost révélait que la défense de l’USSF justifiait l’inégalité salariale du fait – notamment – que les hommes attiraient trois fois plus de téléspectateurs à la télévision que les femmes. Au regard de ce que représentent les droits télévisuels dans l’économie du football, il y a sûrement de quoi relancer le débat. Les autres arguments avancés par l’USSF étaient quant à eux assez abracadabrants : le premier consistait à dire que les hommes subissaient « une hostilité » autrement plus importante que les femmes durant leurs matchs et le second expliquait que porter le maillot d’une équipe masculine aux États-Unis engendrait plus de responsabilités que de porter celui d’une équipe féminine…

Néanmoins, ces débats sur l’égalité salariale entre les hommes et les femmes dans le football ne font qu’entretenir la théorie du « plafond de verre », un obstacle fictif auquel se heurteraient les femmes dans l’avancée de leur carrière ou dans l’accession à de hautes responsabilités, et qui les priveraient de progresser aussi rapidement dans la même mesure que leurs homologues masculins. 

Serait-il peut-être temps de revoir la système dans lequel le football évolue depuis des années ? Un système qui se base sur ce que le sport rapporte plutôt que sur les performances sportives à proprement parler. Un système moins capitalistique et plus social pourrait être préférable. Évidemment, beaucoup nous targuerons que d’avancer de tels propos fait de nous de « doux rêveurs ». Cependant, la crise sanitaire va obliger certains clubs à revoir leur économie, alors pourquoi ne pas réfléchir à l’échelle globale en construisant un système à la fois plus sain, égalitaire et social ? Le futur nous dira si les têtes pensantes du football ont décidé de migrer vers un autre système ou de tout faire pour reconstruire le précédent.

Une chose est sûre, à chaque fois que des débats sur le football féminin reviennent sur la table, les « génies du web » et autres sont de sortie.

Des mentalités arriérées

Alors qu’on pensait en avoir fini au 21ème siècle avec ces questions d’égalité des sexes, force est de constater que celles-ci demeurent présentes. La seule raison est que nous ne sommes toujours pas parvenus à les régler. Le football féminin en est d’ailleurs un symbole criant.

En Europe, nous avons vu que la loi du marché justifiait les écarts de salaires entre les joueuses féminines et les joueurs masculins, même si le système pourrait être revu. Néanmoins, cela ne justifie en rien les remarques que l’on voit fleurir un peu partout et notamment sur les réseaux sociaux à chaque fois le football féminin est évoqué. Qu’on le trouve moins spectaculaire est un fait, qu’on le « dézingue » sans un seul argument pertinent en est un autre.

L’exemple des tribunes lyonnaises il y a quelques années est sans doute le plus frappant : alors que l’équipe féminine de l’OL cartonne depuis sa création avec pas moins de 13 titres de champions de France et 6 de Ligue des Champions, les supporters affichaient un message sans équivoque dans leur tribune.

Ils auront au moins eu le mérite d’être explicites (crédits-photo : Le Parisien)

Si l’argumentaire visant à justifier les inégalités salariales notamment en Europe est recevable bien que contestable, les débats hors champ qui peuvent en découler ne le sont pas. Ceux-ci témoignent peut-être d’un retour en arrière aussi regrettable que dangereux. Le football comme tout le reste n’est pas propriété de l’homme et notre société devrait désormais être de plus en plus ouverte à ce sujet. Au lieu de cela, le sexisme reste de mise pour certains acteurs du football.

Comme si certains pouvaient dicter la place à laquelle la femme doit se tenir dans la société, tout en ne sachant pas rester à la leur.