À la rédac’, on aime bien parler des sujets d’actualités, taper sur les doigts des gouvernants, des élites, des mass médias… Mais il faut bien admettre que parler d’actualité en ce 17 mars 2020 sans parler du Coronavirus semble assez compliqué. Que faire alors ? Des jeux de mots en rapport à la bière Corona ? Déjà fait, jamais très drôle, tout le monde en convient… Une diatribe contre le gouvernement chinois ? Des révélations sur la suite du mouvement de confinement ? Une analyse des discours de Macron ? Non, je l’avoue, comme tout le monde, les rédacteurs de Spectre sont cloitrés chez eux, devant leur ordinateur pour télé-travailler, télé-étudier, télé-écrire cet article, dans mon cas.
Cet article, comment ne pas l’écrire sur ce fameux COVID-19 ? Le monde a-t-il cessé de tourner de travers depuis le début de la pandémie ? Est-ce que Spectre a encore une utilité sociale de regard critique ? Pour une fois, regardons le monde autrement qu’à travers des lunettes satiriques et critiques, puise qu’après tout, on est déjà bien assez confinés dans nos appartements pour l’être aussi dans nos esprits, et voyons la vie du côté rose.
La résurgence des oppositions
Les pays touchés par le COVID-19 s’alignent peu ou prou derrière leurs dirigeants pour juguler une crise sanitaire apolitique. Nonobstant Donald Trump qui lui, politise la crise en négligeant le monde pour les États-Unis, fermant unilatéralement ses frontières avec l’Europe (sauf le Royaume-Uni, puisqu’un virus, ça ne prend pas le bateau, évidemment) ou commandant un antidote réservé aux citoyens américains. Reste des enjeux purement politiques, pour l’avenir, où le virus ne s’est encore que partiellement invité.
En France, les élections municipales sont franchement passées au second plan, toujours dans l’expectative de savoir si un second tour aura lieu. Pas franchement grand-chose d’incroyable, si ce n’est le maintien des candidats socialistes et communistes et l’échec des candidats LREM. Reste que le Rassemblement National n’est une menace que partielle, rarement dans les triangulaires d’un potentiel second tour. Seuls les maires sortants frontistes ont été confirmés, tous des « figures » de l’extrême droite, ce qui confirme d’une identification des électeurs à une figure connue, plutôt qu’une adhésion sans faille de la part des français aux idéaux du RN. Pas de raz-de-marée bleu marine, c’est déjà une bonne nouvelle.
Surtout, dans le reste du monde, les oppositions aux pouvoirs en place se solidifient, préparent les prochaines élections dans l’affirmation d’une alternance prochaine, souvent là où elle semble la plus nécessaire. Aux États-Unis, la primaire démocrate est ultra médiatisée, entre des personnalités fortes que sont Bernie Sanders et Joe Biden. Bien que ce dernier reçoive bien plus de soutien du parti, et qu’il a remporté déjà beaucoup d’Etats, Sanders n’est pas hors-course. De toute façon, même un Biden est une alternative désirable à Donald Trump. S’il est économiquement assez libéral, l’ancien vice-président représente le tournant diplomatique des années Obama vers la pacification des relations avec le Moyen-Orient et Cuba. Toujours mieux que la politique ultra passive-agressive de Trump, non ?
Enfin, en Israël, si le premier ministre Netanyahou voit son procès repoussé pour cause de Coronavirus, il parvient à garder la main sur le scrutin, devant la principale opposition centriste (Bleu-Blanc). Cependant, une troisième force émerge et pourrait à l’avenir représenter une force d’opposition sérieuse, la Liste Unie des Partis Arabes, avec à sa tête Ayman Odeh, leader du parti communiste Hadash. Cette liste commune semble être une alternative à la gauche travailliste traditionnelle, autant enterrée que le Parti Socialiste pro-Hollande en France. Rassemblant communistes, nationalistes laïcs, pro-palestiniens, la liste Unie des Partis Arabes attire les votes de toutes parts : arabes d’Israël, juifs déçus de la politique des gouvernements de droite au pouvoir depuis 11 ans, Odeh et sa coalition pourrait faire changer les lignes d’un pays tellement controversé.
Il fallait bien cela pour tout changer
Aux adeptes de la collapsologie, un semblant d’effondrement, au moins un ralentissement de notre société de consommation instantanée pourrait retirer les cartes de notre façon de vivre, de la façon dont nos gouvernants pensent les politiques publiques, en sommes, tout ce que Spectre critique de façon acerbe depuis sa création. Il aura fallu une pandémie et une crise sanitaire pour que notre président comprenne quels organes sont vitaux à l’existence d’une nation, et qu’il revienne, tout du moins en paroles, sur la politique qu’il menait fièrement jusqu’ici :
Peut-être alors, peut-être, que la protection sociale à la française ne sera pas démantelée puis privatisée, que les chercheurs verront enfin leur statut revalorisé, que la flexisécurité s’attardera enfin sur la partie sécurité de l’emploi, que les aspects perverses de la mondialisation seront combattus au niveau français et européen, en sommes, que la « rationalisation » du politique tant chérie par les libéraux prendra compte dans l’équation que préserver la vie, et la bonne vie, est le rôle premier de toute institution politique. Revenir aux essentiels, voilà ce que le COVID peut permettre.