Au cours d’une longue soirée musicale, les amateurs de rap ont vibré au zénith vendredi soir. Kery James et OrelSan ont même rendu la soirée un peu plus folle, mais elle avait très bien commencé jusqu’à l’arrivée sur scène de Berywam, champions du monde de beatbox avec un show exceptionnel. Retour sur la première soirée de cette édition 2019.
Les inquiétudes étaient légitimes après une édition 2018 qui avait mis le Festival dans la panade. Au-revoir la Grande Prairie sur le site du musée de la Mine, retour au zénith de Saint-Etienne. L’effet festival estival qui manquait cruellement à la ville est balayé et forcément, on ressent l’écart. Ça n’a plus les allures d’un véritable festival. Encore fallait-il que la programation sauve la mise. En plaçant Kery James et OrelSan sur la scène, les organisateurs n’avaient pas lésiné sur ce point. Et tant mieux. Et si le zénith n’était pas comble, l’ambiance était festive et le son bien ajusté.
L’entrée en matière
Il ne fallait pas arriver en retard pour voir le vainqueur du tremplin « Nos talents sur scène », Mitchy, lancer la soirée. Avec son rap maison, fait de rimes et de punchlines bien pensées, il ne fallait pas trembler. Passé du Fil au Zénith en quelques jours seulement, le local de l’étape n’avait pas à rougir de sa performance, accueilli par un public clairsemé et discret.
Puis un autre stéphanois qui monte en puissance a pris place sur scène. Zed Yun Pavarotti. Plus aguerri et véritable star montante de la scène locale, il a fait montre de son talent. Très à l’aise devant le public, il a posé les mots sans broncher, planté devant son micro et pourtant tellement efficace. Alors, bien sûr, on peut regretter les bandes sons pré-enregistrées, sans musicien sur scène, fades et déjà-vues comme si le rap pouvait se passer d’instruments. Non, clairement, la musique n’a pas grand intérêt mais ici l’artiste semble s’attarder davantage sur les textes. Bien sentis, comme sur le titre « Papillon » où il chante « Zed Yun le salaud, tu restes un crapaud, après un bisous, hey « .
RK, enfin, avec son rap brut de décoffrage et ses sons dignes des plus grandes soirées de Skyrock a excité les petits fans du public et étonné les plus âgés venus accompagner leurs enfants au zénith. Blindé à l’Auto-Tune, le rappeur a raconté ses jeunes années, ses galères et a sans doute rappelé à beaucoup de ses fans dans le public des histoires communes et des traumatismes d’enfance.
Berywam beat-boxe le zénith
Et puis les choses sérieuses ont commencé. Berywam s’est jeté sur la scène comme un mort de faim. Les sons et les bruitages ont fusé, et on a même cru qu’un orchestre se cachait derrière les rideaux. La magie a opéré. Il faut dire que les quatre acolytes sont champions du monde de la discipline. Alors, forcément, quand ils se lancent dans des medleys de titres incontournables comme sur du Michael Jackson ou encore Daft Punk et Bob Sinclar, le public vibre. Et puis le concert est aussi et avant tout un spectacle. La foule danse, chante avec le groupe avant qu’il ne soit invité à se scinder en deux dans un concours de cris dont l’ambiance sort gagnante. « Lyon chante plus fort » balance l’un des trublions sur scène. Il n’en fallait pas moins pour obtenir une bronca et quelques notes de poésie locale, fortement influencée par la culture populaire du football. Enfin, le groupe s’amuse à mimer une entrée en boîte de nuit. La mise en scène va bon train et on se prend au jeu. On est venu voir un concert, on se retrouve au théâtre et on rigole bon joueur. La prestation se termine sous les acclamations d’un public visiblement conquis avant que les poids lourds du moment enchaînent. Il n’est pas encore 22H et déjà, la programmation n’a pas déçu son monde.
Kery James s’impose en patron
22H15, le boss prend possession des lieux. Le public est en extase. Fans de rap ou non, les chansons transportent et convainquent. Il faut dire que les musiciens sont taillés dans le marbre. Le batteur met tout le monde d’accord avec un jeu puissant et précis. « C’est le retour du rap français » comme l’a clamé sur scène le monstre de la discipline. Des textes percutants et des musiques inspirées des riffs à l’américaine extrêmement rythmés, ajustés de scratchs ont émaillé un set de près d’une heure qui a conquis toute la salle. C’est une vraie claque musicale qui prouve qu’on peut faire du rap et avoir des musiciens sur scène. Le show est équilibré et Kery James en impose toujours autant. Considéré à juste titre comme une figure de prou du rap engagé, ses titres parlent de banlieue, d’inégalités et d’histoires du quotidien. Et alors que son concert se termine, les yeux ravis de ses fans dans le public en disent long sur la réputation de l’artiste.
OrelSan ne nous a pas fait attendre pour rien
Il est 23H40 quand OrelSan, le tant attendu, fait son arrivée sur scène. Le public n’est pas rassasié, alors l’égérie d’une jeunesse en quête d’inspiration trouve les mots. C’est « simple, basique », mais terriblement efficace. Les textes résonnent en chacun de nous comme d’évidentes réalités. Ils nous remuent, nous interrogent et puis on regarde son voisin le sourire gêné. C’est une claque incroyable, un moment intense. Après quelques classiques, le rappeur présente son « Défaite de famille » avec une mise en scène vidéo grandiose faite de portraits amusants de lui-même déguisé en membres de sa famille. Et s’il confie « Parce que j’dois vous avouer un p’tit détail de ma vie
J’déteste les fêtes de famille », OrelSan en parle pourtant souvent dans ses chansons. On sourit, on rigole, l’effet est là. La prestance sur scène n’y trompe pas, il sait ce qu’il dit et on lui fait confiance. Rap d’apprentissage, mode d’emploi d’une jeunesse accomplie dans la difficulté, les titres bousculent nos certitudes. Alors, « Notes pour trop tard » arrive et on croit que le chanteur s’adresse directement à soi.
C’est toujours le même style de fille dont tu tombes amoureux
OrelSan, « Notes pour plus tard »
Tu sais, le style de fille qui t’rend malheureux
Donc fais pas la pleureuse le jour où elle t’brise le cœur
Sur la longueur, t’économises des pleurs
Les musiciens sont monstrueux, le batteur épate, les claviers s’ont inspirés. Car c’est sans doute un point fort de l’artiste, la musique berce autant que les paroles, et plutôt que d’une vulgaire bande-son pré-enregistrée, il embarque avec lui des musiciens de talent. Les solos sonnent bien, la mise en scène est consistante. Bref, le spectacle est total et on regrette déjà de voir le set toucher à sa fin.
Et puisque le public insiste et n’est pas rassasié, OrelSan en remet une couche avec le phénoménal « Simple, Basique », une vidéo grandiose en arrière-plan. Il est 1 heure du matin, et le zénith se vide, comblé.
Paroles et Musiques a peut-être souffert, clairement, tout n’est pas parfait, mais cette première soirée au zénith nous rassure. Il reste quelques certitudes, d’autant que Matthieu Chedid alias M a régalé les amateurs à la salle Jeanne d’Arc. Le Fil n’était pas en reste non plus avec « Les profilés » ; Hugo Barriol, Sugar Wizard et Brome. La nuit sera douce.