Les temps deviennent durs pour l’enseignement classique de l’Histoire. Après les débats autour des statues de personnalités politiques, une nouvelle polémique enfle à l’étranger concernant… nos propres musées !
Les chiffres romains n’ont plus la cote ? Supprimons-les !
À l’heure où nos grands médias nous assènent de chiffres et de statistiques sur l’évolution de la pandémie, certains grands musées parisiens tels que Le Louvre ou le Musée Carnavalet changent leurs méthodes de médiation dans le plus grand des silences… du moins en France. Ce sont les chiffres romains qui sont dans la ligne de mire de ces musées. L’information, peu débattue chez nous, ne fait pas du tout (mais alors pas du tout) l’unanimité du côté de l’Italie.
Arguant la difficile compréhension de ces chiffres anciens par certains publics et se basant sur ce qui se fait déjà dans le monde anglo-saxon (dont le rapport aux musées est très différent du nôtre), les équipes ont décidé d’utiliser de moins en moins de chiffres romains dans les cartels pour désigner les siècles. Pour l’instant, le nom des rois ne semble pas encore être visé. Si cela devait se généraliser, on imagine cependant très mal Louis XIV devenir Louis 14…
On n’enseigne pas les choses, puis on les élimine pour que ceux qui les ignorent ne se sentent pas mal à l’aise
Massimo Gramellini, vice-directeur du Corriere Della Sera
Le vice-directeur du quotidien italien Corriere Della Sera, un brin moqueur (l’édition est datée du XVII/III/MMXXI) résume la situation de façon abrupte : « Cette histoire des chiffres romains représente une synthèse parfaite de la catastrophe culturelle en cours : d’abord on n’enseigne pas les choses, puis on les élimine pour que ceux qui les ignorent ne se sentent pas mal à l’aise »
À première vue, je comprends cette opinion car ce débat semble dégager une preuve du nivellement par le bas qui frappe notre système culturel actuel. Cependant, à mon sens, le problème ne concerne pas réellement les musées. Il concerne aussi et surtout l’enseignement de l’Histoire et de la culture générale aux jeunes générations. Les programmes changent constamment pour être de plus en plus simplifiés et ils se veulent compréhensibles de tous. Ainsi, les chiffres romains n’y auraient-ils donc plus leur place au point que les musées se voient contraints de les retirer pour se faire connaître ?
Il est important pour moi de montrer en quoi la muséologie a beaucoup progressé ces dernières années, notamment par une politique qui s’adapte de plus en plus à son public, ce qui a pu pousser les musées a retiré les chiffres romains de certains cartels.
La médiation change, le discours aussi
Une médiation de plus en plus adaptée
Quelques années en arrière, les institutions muséales françaises ainsi que les sites historiques ont pris conscience des enjeux d’une vulgarisation de l’Histoire (c’est-à-dire clarifier le discours afin de rester abordable et compréhensif pour les non-initiés). Ainsi, de nouveaux dispositifs de médiation adaptés à tous les publics, qu’ils soient adultes, enfants, initiés ou non. Mais la médiation se porte aussi de plus en plus sur l’enseignement culturel envers les « publics empêchés » (kézaco ?).
Pour donner une définition claire de ce type de public, ce sont ceux qui sont le moins susceptibles de se rendre dans un établissement culturel (origine sociale très modeste, personnes malades ou très âgées, détenus, etc…). Le but étant d’adapter le discours face à ce public parfois difficile, comme c’est le cas par exemple des jeunes issus de quartiers défavorisés.
Les méthodes diverses
Ainsi, outre divers ateliers et évènementiels, la médiation mise désormais sur plus d’interactivité et sur la clarification des différents cartels explicatifs dans les musées. Cela s’accompagne souvent d’une scénographie d’exposition de plus en plus innovante et interactive. L’objectif est clair : dépoussiérer l’image du musée aux salles remplies de montagnes d’objets sans cohérence ni explications.
Cette politique très louable et surtout nécessaire, menée depuis une bonne vingtaine d’années, permet aux moins initiés de comprendre les enjeux des sites qu’ils visitent et des œuvres qu’ils observent. Dans certaines régions, elle porte ses fruits puisque la fréquentation des musées repart à la hausse : le public semble regagner ainsi de l’intérêt pour le secteur culturel.
Concernant le débat initial, le rôle médiateur du musée semble de ce point de vue rempli : si le public de 2021 n’est plus à même de déchiffrer les chiffres romains, il est du devoir des musées de leur expliquer ce qu’ils signifient et donc de les « traduire ».
De plus, devant la polémique, le Musée Carnavalet précise bien que les deux systèmes se côtoieront dès la réouverture des musées, contrairement à ce qui avait été annoncé dans de nombreux médias et notamment par la presse italienne. Si tel est le cas, la démarche sera exactement la bonne : celle de transmettre et d’apprendre les deux méthodes, plutôt que de bannir l’ancienne…
Le rétro, c’est bien aussi !
Merci d’avoir lu cette actu un peu particulière et à très bientôt pour un nouveau focus sur les Flâneries de l’Histoire !