Hidalgo joueur, avant de devenir sélectionneur

L’imaginaire collectif se focalisant tellement sur les prouesses réalisées par Hidalgo en tant que sélectionneur des Bleus, on en oublie presque qu’avant de briller sur le banc de touche, c’est bel et bien sur le rectangle vert que Michel Hidalgo s’est fait connaître, notamment dans la mythique équipe du Stade de Reims des années 50. En France, il remporta d’ailleurs tous les trophées, mais la plus belle ligne de son palmarès de joueur n’est peut-être pas un titre paradoxalement mais bien cette défaite en finale de la Coupe des Clubs Champions en 1956 sous les couleurs rémoises face à la Maison Blanche du Real Madrid. Buteur, Hidalgo ne pourra pas empêcher la défaite des siens (4-3), les regrets seront énormes après avoir mené 2-0 puis 3-2 face aux Madrilènes emmenés par Di Stéfano.

Néanmoins, malgré de bonnes performances dans le championnat français sous les couleurs du Havre et de Monaco en plus de celles rémoises, Hidalgo n’avait pas le niveau de son compère d’attaque à Reims, Raymond Kopa. Il ne fut d’ailleurs sélectionné qu’une seule fois en Équipe de France. Son histoire avec l’Équipe de France, il se la construisit en tant que sélectionneur.

L’homme qui sortit la France du foot du néant

Comment décrire l’Équipe de France avant le passage entre les mains de Michel Hidalgo ? Mis à part une demi-finale perdue face au Brésil 5 à 2 au Mondial de 1958 en Suède par une première belle Équipe de France emmenée par Just Fontaine et Raymond Kopa, on a beau creuser, mais il n’y a vraiment rien à ressortir de plus avant les années 80. C’est d’ailleurs pour cela que l’Hexagone tout entier s’est pris d’amour pour les Verts de Saint-Étienne dans les années 70, qui représentaient enfin la France qui gagne dans le foot, jusqu’à la maudite finale de 1976 à Glasgow et les mythiques « poteaux-carrés ».

D’ailleurs, paradoxalement, ce n’est pas par une victoire que Michel Hidalgo a conquis le cœur des Français mais, comme les Verts de 76 ou encore Raymond Poulidor en cyclisme l’avaient fait avant lui, c’est bien par une défaite au goût amer, celle à Séville un certain 8 juillet 1982.

6 ans après avoir pris les rênes de l’Equipe de France, Michel Hidalgo avait réussi à façonner un véritable collectif, basé sur un jeu très offensif et organisé autour de l’architecture du « carré magique », ce milieu de terrain quasiment imprenable, composé de Michel Platini, Alain Giresse, Jean Tigana et Bernard Genghini suppléé ensuite par Luis Fernandez. Après une qualification au Mondial en 1978 mais une élimination dès le 1er Tour, Hidalgo se devait de faire mieux 4 ans plus tard en Espagne, d’autant qu’il bénéficiait désormais de la génération dorée française, gravitant autour d’un futur triple-Ballon d’or…

Après être difficilement sortis des poules, les Bleus avaient rendez-vous avec leur histoire en demi-finale face à la RFA, à Séville. Celle-ci restera gravée dans les mémoires françaises, après avoir menés 3-1, les Bleus s’inclinent finalement aux tirs au but, dans un match marqué par l’attentat du gardien Schumacher sur le Stéphanois Battiston, qui ne fut même pas sanctionné d’une faute.

Hidalgo ne mâchait pas ses mots quand on lui remémorait cette maudite demi-finale : « A 3-1, bravo football ! Et puis après les tirs aux buts le ciel nous tombe sur la tête, put*** de football ».

Des regrets encore plus intenses depuis, puisqu’en 1987, dans sa biographie, l’ancien gardien de la Mannschaft reconnaissait que sa sélection avait eu recours à l’usage de produits dopants comme l’amphétamine et l’éphédrine. En 2013, un rapport universitaire confirmait que le dopage était monnaie courante en Allemagne de l’Ouest mais aussi de l’Est.

Néanmoins, pas vraiment le temps pour les regrets puisque 2 ans plus tard, était organisé l’Euro 84, qui plus est en France.

Et c’est donc deux ans plus tard qu’Hidalgo et l’Équipe de France écrivirent la première ligne de leur palmarès. Chez elle, la France remporta l’Euro emmenée par un Michel Platini au sommet de son art. Après un sans-faute dans les matchs de poule, les Bleus arrachent leur place en finale au terme d’un match irrespirable face au Portugal (3-2 après prolongation). Ceci avant la consécration en finale, face à l’Espagne, au terme d’une rencontre remportée 2-0 grâce à des réalisations de Platini et Bellone. Michel Hidalgo et les siens donnent alors son premier trophée au foot français. Une France qui gagne enfin et avec la manière, le jeu offensif et spectaculaire produit par les Bleus séduisant les puristes malgré quelques imperfections.

Il est bien évident que l’on parle d’un football qui était à l’époque beaucoup moins tactique qu’aujourd’hui. Néanmoins, des personnalités comme Michel Hidalgo ont fait partie des précurseurs concernant certains aspects qui font le football d’aujourd’hui. L’exemple le plus significatif est sûrement l’apport offensif des latéraux.

Dans toutes les grandes équipes du moment, et plus particulièrement dans la meilleure d’entre elles, Liverpool, les latéraux ne sont plus de simples défenseurs de côtés, mais de véritables armes offensives. Robertson et Alexander-Arnold ont été impliqués sur 22 des 66 buts marqués par les Reds en Premier League cette saison, soit un tiers de ceux-ci. Hidalgo avait très vite assimilé cette notion en transformant le rôle de ses latéraux, ce à quoi se sont d’ailleurs très bien adaptés Battiston, Domergue ou encore Amoros avant eux. Hidalgo ce n’était donc pas simplement la France qui gagne, mais celle qui gagne avec une réelle identité de jeu.

En deux ans, l’Équipe de France s’est enfin mise à briller après des années de disette et de néant et Michel Hidalgo n’y est certainement pas étranger. Las, l’architecte de ce succès peut tirer sa révérence avec le sentiment du devoir accompli, laissant à Henri Michel la tâche de le remplacer. 

La France qui gagne, c’est d’abord celle d’Hidalgo (Crédits photo : Le Parisien)

Hidalgo, un entraîneur aux influences multiples

Hidalgo, c’est également la génération Cruyff. Entre ces deux hommes, les similitudes sont multiples : leur vision du football déjà, tournée vers l’offensive, Cruyff prônant d’ailleurs le « football total », mais également dans l’approche. En effet, Alain Giresse expliquait que la principale force d’Hidalgo avait été de faire prendre conscience aux Français de ce dont ils étaient capables, de les décomplexer en quelque sorte : «Nous sommes français, nous allons jouer avec nos qualités. Arrêtons de se référer à droite ou à gauche. Il ne faut pas se tourner vers les autres pays pour essayer de les imiter. Imposons ce que nous sommes capables de faire. Nous avons les moyens. » disait-il.

Comment ne pas faire le rapprochement avec Johan Cruyff, qui déclarait dans sa biographie : « On ne peut pas demander à un Anglais de jouer comme un Néerlandais. Il ne le pourra jamais. Un Italien non plus. Ni à un Néerlandais de jouer comme un Italien ou un Anglais c’est tout simplement impossible. Alors, ne lorgne pas de leur côté et occupe-toi de toi ».

Enfin, Hidalgo n’oublia pas de rendre à César ce qui était à César : après sa qualification pour le Mondial de 1978, il ne manqua pas de saluer le modèle qu’avaient représenté les Verts des années 70, pas anodin dans l’émergence de l’Équipe de France, comme le démontre cet extrait proposé par ASSEmemories :

La suite de sa carrière d’entraîneur ne fut pas aussi reluisante puisqu’il fut condamné par la justice à de la prison avec sursis lors de son passage à l’OM pour l’affaire des comptes du club phocéen. Il n’en faudra pas plus pour que le Marseillais de naissance s’éloigne de toute fonction liée au football. En revanche, il en aurait fallu beaucoup plus pour que Michel Hidalgo disparaisse des mémoires.

La France du football pleure donc depuis jeudi l’un de ses plus grand bâtisseurs, parti rejoindre Just et Raymond au paradis des Bleus. Le tout sous l’oeil avisé des deux Thierry, qui continuent de commenter leurs matchs tout là-haut. Elle n’oubliera pas l’homme qui a prouvé que les trophées n’étaient pas réservés aux autres. L’Homme sans qui les Zidane, Henry, Mbappé ou Griezmann n’auraient peut-être pas autant brillé sous la tunique bleue. L’Homme qui a fait de cette dernière une référence mondialement reconnue. Ciao, bel Hidalgo !

Et passe le bonjour à tous les potes du foot ! (crédits : Yern)