Lauterbrunnen. Commune de 2290 habitants perchée à 785m d’altitude, en plein cœur du canton de Berne, en Suisse alémanique. Si celle-ci a fait parler d’elle dans l’actualité récente, ce n’est pas pour avoir accueilli le tournage d’un James Bond (Au service secret de Sa Majesté) en 1969, ni pour ses pâturages que n’auraient pas renié Jean-Pierre Pernaut dans son JT de 13h. Non, c’est plutôt pour son joyau prisé des amoureux de glisse : la station de ski de Wengen et sa piste mythique (la plus longue au monde, 4480 mètres, de 2315 à 1287 mètres d’altitude) qui fête ses 90 ans cette année.

Wengen, ambiance (crédits photo : ski-nordique.net)

Un haut-lieu du ski mondial taillé tant pour les spécialistes du géant que pour les slalomeurs. Un joyau poli ce week-end par un petit Vosgien licencié à Val-d’Isère, pour la deuxième fois en un an. Le 20 janvier 2019, le jeune Clément Noël, 21 ans, spécialiste du slalom et grand espoir du ski alpin français, remportait sur ces pentes sa toute première étape de coupe du monde, cinq ans après la dernière victoire française en slalom (Pinturault, déjà à Wengen, en 2014). Un succès dans la lignée des promesses affichées par le nouveau prodige du slalom : champion de France en 2017 après de nombreux titres en jeune, champion du monde junior en 2018, 4ème et meilleur Français aux Jeux Olympiques de Peyongchang, cette première place à Wengen vient définitivement entériner son entrée dans la cour des grands.

Auréolé de deux nouvelles victoires qui lui permettent de rafler la deuxième place du classement mondial du slalom 2018/2019 – dont une sur la piste non moins mythique de Kitzbühel -, à nouveau champion de France de slalom, Clément démarre la saison 2019/2020 avec une nouvelle ambition : celle de devenir champion du monde de la discipline. Second à Levi après avoir remporté la première manche, sorti de piste à domicile à Val d’Isère, il rafle sa première victoire de la saison à Zagreb le 5 janvier dernier. Après une nouvelle sortie de tracé à Adelboden où il paye encore le prix de l’insouciance de ses 22 ans, le jeune Français retrouve Wengen, là où tout avait commencé un an auparavant.

La pris de risque, c’est l’ADN de son ski. Aujourd’hui, c’est le meilleur slalomeur du monde.

Jean-Baptiste Grange (l’Equipe, 20/01/20)

Et c’est comme si rien n’avait changé. Le natif de Remiremont survole la première manche, collant près de 70/100e à Henrik Kristoffersen, leader du slalom et – depuis ce week-end et l’abandon d’Alexis Pinturault pour sortie – du général. Cette fois-ci, pas question de répéter les erreurs des semaines précédentes. Clément prend moins de risques, reste sur la piste, et l’emporte finalement avec 40/100e d’avance sur le Norvégien, dont la nuque sent forcément venir le souffle du nouveau roi de Wengen au classement du slalom.

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Force tranquille. (images : Eurosport)

À tel point que le vétéran Jean-Baptiste Grange, argument d’autorité dans le milieu du ski tricolore et champion du monde de slalom à trois reprises (un petit globe, deux championnats du monde), n’a pas peur d’user des superlatifs pour qualifier son jeune condisciple : « Aujourd’hui, c’est le meilleur slalomeur du monde ». Une cinquième victoire en Coupe du Monde, qui vient non seulement ponctuer un superbe week-end pour le ski français mais aussi apporter de grands espoirs pour la suite de la saison, à confirmer dès le week-end prochain à Kitzbühel.

Première pour Clara Direz

Dans le même temps, une autre étoile montante du ski français a fait parler la poudre. À Sestrières, en Italie, Clara Direz a brillé. Engagée sur le slalom parallèle, la skieuse des Saisies a surpris son monde et enfin pris la pleine mesure de ses qualités. 12ème la veille sur le géant, sa spécialité, on ne donne pas cher de sa peau à l’heure d’affronter la grande patronne du ski mondial Mikaela Shiffrin et ses quelques 64 victoires en Coupe du Monde.

Mais face à l’Américaine, la jeune Française ne se démonte pas et réalise une manche quasi parfaite, l’emportant pour 13/100e malgré une main douloureuse. Après avoir disposé de Tina Robnik en quarts puis d’un autre espoir du ski mondial, l’Italienne Marta Bassino, en demie, la Haut-Savoyarde ne tremble pas en finale face à l’autre surprise du jour, l’Autrichienne Elisa Mörzinger.

Une première victoire en Coupe du Monde qui sonne comme un exploit pour Clara, première Française à remporter une manche de Coupe du Monde depuis 2010 à l’exception de Tessa Worley. Championne Olympique de la jeunesse sur le géant en 2012, son début de carrière a pourtant été fait de hauts et de bas. Disputant à tout juste 18 ans sa première manche de Coupe du Monde à Sölden, en Autriche, en novembre 2013, elle se rompt le ligament latéral interne du genou droit quelques jours après, lors d’un entraînement. Elle mettra près de deux ans à retrouver l’Équipe de France.

42ème du classement du Géant en 2016, 11ème en Coupe d’Europe, ses progrès sont manifestes et on voit alors en elle une belle promesse d’avenir pour la discipline. Titulaire en Équipe de France à l’orée de la saison 2016/2017, elle remporte sa première manche de Coupe d’Europe sur le géant de Kvitfjell (Norvège) en décembre. Peinant à obtenir des résultats en Coupe du Monde (aucun point en 7 manches), le tableau de sa saison va s’assombrir encore davantage à Göstling, en Autriche, mi-février, où elle est victime d’une nouvelle et grave blessure (rupture du ligament croisé antérieur droit et fissure méniscale). Saison terminée, moral touché : Clara mange son pain noir.

La saison suivante marque son retour sur les pistes. En toute prudence, pour retrouver des sensations au beau milieu d’une carrière qui, à seulement 22 ans, a déjà été marquée par son lot de galères. 2018 rime avec rédemption. Enfin en pleine possession de ses moyens, la jeune Française termine à une belle 8ème place sur le géant des Championnats du Monde d’Åre, en Suède. Elle signe également une 21ème et une 20ème place sur deux étapes de Coupe du Monde. Ses deux meilleures perfs… jusqu’à ce week-end. L’avenir semble s’éclaircir pour l’originaire de Sallanches, et pour le ski féminin français, dont la renommée reposait depuis une décennie sur les exploits de Tessa Worley.

Emilien Jacquelin, dans la continuité

S’il est une discipline dans laquelle la France est incontestablement la première nation mondiale, c’est bien le biathlon. Impulsée par la locomotive Martin Fourcade, qui a trusté les gros globes de cristal de 2012 à 2018, la dynamique de l’Équipe de France n’a été que ralentie par les méformes physiques de son maestro, de retour à son meilleur niveau en ce début de saison 2019/2020, comme en atteste sa première place au général (favorisée par l’absence d’un mois du champion en titre et récent papa Joannes Boe, il est vrai). Ce week-end en a apporté la confirmation, avec deux victoires en individuel pour Fourcade sur 10 km la poursuite de 12.5 km, à Ruhpolding (Allemagne).

Mais dans son sillage, les wagons tricolores sont restés solidement accrochés. Quentin Fillon Maillet accroche la seconde place sur les deux épreuves, Simon Desthieux termine cinquième sur le 10 km, à égalité avec un autre tricolore, Fabien Claude, et 4ème sur la poursuite. Quant au plus jeune de la bande, Emilien Jacquelin, 24 ans, troisième saison en Équipe de France, les belles promesses se muent en certitudes. 12ème sur le 10 km, 6ème sur la poursuite, le Grenoblois se fait une place au soleil (pas trop chaud, sinon la neige fond).

Car ses progrès sont manifestes : 4ème du 20 km d’Ostersund (Suède) pour la première étape de la saison à l’occasion du magnifique tir-groupé français, son meilleur résultat et « un déclic mental » de son propre aveu, Jacquelin a pris goût au top 10. 3ème sur la poursuite d’Hochfilzen (Autriche), 2ème sur la mass-start, 6ème sur la poursuite du Grand-Bornand et 2ème derrière Fourcade sur le sprint d’Oberhof (Allemagne), Emilien est actuellement 6ème du classement général de la Coupe du Monde, ses trois coéquipiers du relais occupant les trois premières places.

Une belle forme sanctionnée par une victoire sur un relais, et pas des moindres : c’est la première depuis trois ans pour l’Équipe de France, la première médaille d’or de la carrière de la jeune pousse française, le tout avec 1’12’’ d’avance sur le quatuor norvégien. Une épreuve qu’a formidablement lancé Jacquelin, en dépit de sa piètre prestation de la semaine précédente à Oberhof (20ème à l’issue du troisième relais, obligeant Martin Fourcade à réaliser une prouesse pour remonter à la seconde place), propulsant les siens en tête alors qu’il était en position de premier relayeur.

Si tout n’est donc pas encore parfait, l’avenir apparaît plein de promesses pour le sport d’hiver français. Dans la lignée des toujours très performants Martin Fourcade et Alexis Pinturault (cinq petits globes et un titre de champion du monde en combiné, second du général en 2019 et en lice pour remporter son premier gros globe de cristal cette année), ainsi que de Tessa Worley (un petit globe en géant en 2017 et cinq podiums), qui fera son retour sur les pistes en février. De quoi ne pas regretter son abonnement à Eurosport et que l’Equipe 21 soit gratuite. Une bonne situation.

Reconversion toute trouvée pour Martin « Otis » Fourcade (images : l’Equipe)